L’Église et le sport : ensemble sur le terrain
Il y a 10 ans exactement, en juin 2004, saint Jean-Paul II, « l’athlète de Dieu », créa au sein du Conseil Pontifical pour les laïcs une section Église et Sport. Preuve de l’importance accordée par l’Église à cette discipline d’éducation du corps, porteuse de valeurs, instrument de réconciliation dans le monde et le langage universel.
En parlant de sport ou, mieux encore, en en faisant, il nous vient immédiatement à l’esprit toute une série de valeurs que l’on peut estimer comme étant intrinsèques à cette discipline : l’énergie, le plaisir, l’effort, le courage, l’endurance, la décision, la maîtrise de soi, le respect d’autrui, la fraternité, le fair-play, la loyauté. Pie XII aurait volontiers ajouté : « Le sport développe le caractère, fait un homme courageux, un perdant généreux, un victorieux gracieux, il raffine les sens, permet la pénétration intellectuelle, une volonté d’acier à l’endurance ». Et le pape François, le mois dernier, en recevant une équipe de footballeurs, a insisté sur la « grande valeur éducative » du sport, aussi bien pour la croissance personnelle, « dans l’harmonie du corps et de l’esprit » que pour une croissance sociale, « dans la solidarité, la loyauté, le respect ».
École d’humanité et de fraternité
Porteur de tant de valeurs et unissant les peuples, le sport offre clairement, selon Benoît XVI, un « grand potentiel dans l’éducation de la jeunesse » et, par conséquent, tient une grande place dans l’utilisation du temps des loisirs et dans la formation de la personne. Le sportif s’entraîne et se prive de beaucoup de choses afin de maintenir sa forme physique. Cette attitude se rapproche de la vertu cardinale de la tempérance, qui est une ascèse bien comprise donnant la priorité aux valeurs spirituelles.
Dans un monde ayant « une telle confusion quant au but et à la signification de la vie », Jean-Paul II, en 1986, pensait que le sport pouvait « ouvrir de nouveaux horizons de l’humanisme et de solidarité à un grand nombre de jeunes ». On voit aisément aujourd’hui que les sportifs médiatiquement connus sont des modèles. Le pape François, conscient de leur influence sur la jeunesse, a rappelé aux footballeurs italiens, en mai, qu’ils étaient « au centre de l’attention » et que « nombre de leurs admirateurs » étaient « très jeunes ». « Tenez-en compte, pensez que votre façon de vous comporter a un écho, en bien et en mal ». La responsabilité sociale des joueurs est grande, comme celle des professeurs dans une école. L’Église nous propose de nombreux modèles de saints sportifs, comme saint Jean-Paul II ou Pier Giorgio Frassati, très attachés aux valeurs de la montagne et du ski.
En évoquant les Jeux Olympiques, Paul VI avait jugé que la pratique du sport au niveau international s’était révélée être « un facteur remarquable pour le progrès de la fraternité entre les hommes ». Ainsi, on peut déplorer le fait que lorsque la violence, l’injustice, la fraude, la soif du gain ou encore les pressions économiques l’emportent, le sport ne soit plus qu’un instrument de force. Si le sport permet toutefois d’aller au-delà de toutes les différences de langue, de race, de religion ou d’opinion politique, il doit commencer par « se pratiquer à la maison », tout comme la paix, estime le Conseil Pontifical pour les laïcs.
Esprit sain dans un corps sain
Le but du sport n’est-il pas de cultiver la dignité et l’harmonie du corps humain, de développer la santé, la vigueur, l’agilité et la grâce? Pie XII définissait déjà le sport comme un « antidote efficace contre la mollesse et la vie facile ». « Le sport éveille le sens de l’ordre et éduque à l’épreuve, à la maîtrise de soi », avait-il ajouté. Ainsi, fatiguer sainement son corps est un signe de respect de Dieu, repose l’esprit et redonne une bonne condition physique. Par le baptême, tout homme devient temple de l’Esprit Saint, dans l’intégralité de son âme et de son corps. Ainsi, il ne faut ni rechercher l’adoration ou le mépris du corps, mais la maîtrise de ce dernier. « La discipline intérieure et extérieure à laquelle l’Apôtre des gentils (saint Paul, ndlr) astreignait sa vie et son apostolat, indique bien l’intérêt que de tous temps l’Église a porté à la réalisation du parfait équilibre de l’âme et du corps », pouvait-on entendre dans la bouche de saint Jean XXIII.
Mission apostolique
Saint Paul utilisait souvent l’image du sport pour représenter sa mission apostolique et la vie du combat chrétien sur terre, surtout dans la première lettre aux Corinthiens. « Ne savez-vous pas - écrit-il - que, dans les courses du stade, tous courent, mais un seul obtient le prix ? Courez donc de manière à le remporter». Dans cette même épître, saint Paul observe que l’excellence spirituelle et athlétique sont étroitement liées, et il exhorte les croyants à s’entraîner dans la vie spirituelle. « Tout athlète - dit-il - se prive de tout ; mais eux, c’est pour obtenir une couronne périssable, nous une impérissable ». S’entraîner, se priver… si ces termes touchent le domaine du sport, ils nous renvoient également à la vie chrétienne. Faire du sport permet de rechercher un juste équilibre pour son corps et son esprit. C’est pour cela que les séminaires intègrent dans leurs emplois du temps un espace pour le sport, aux côtés de la formation intellectuelle. Chaque année au printemps, se tient à Rome la Clericus cup, championnat de football pour les prêtres et séminaristes des collèges romains. Par ailleurs, à Rocamadour, en 2011, une chapelle a été consacrée aux joueurs de rugby blessés ou disparus, prenant le nom de Notre-Dame de l’Ovalie ! Dans son homélie, Mgr Norbert Turini avait alors souligné que « comme tout artiste, le rugbyman doit se dépasser, se “transcender” pour aller au bout du possible où le naturel touche le surnaturel. N’est-ce pas pour cela, peut-être, que l’on a appelé les joueurs les “dieux du stade” ? » L’Église et le sport peuvent se serrer la main, le match est fini et la joie est là.
« L’Église regarde le sport avec sympathie. Elle le considère avant tout comme une éducation physique, car elle voit le corps humain comme le chef-d’œuvre de la création dans l’ordre materiel (…) Un sport réalisé de façon saine correspond donc à cette vision sereine de la dignité du corps, sans tomber dans certaines conceptions qui arrivent pratiquement à l’idolâtrie de la beauté et de la vigueur physique. Mais l’Église voit également dans le sport un puissant facteur d’éducation morale et sociale, au niveau personnel et aussi au plan national et international. Comme manifestation de l’agir de l’homme, il doit être une école authentique et une expérience continuelle de loyauté, de sincérité, de fair-play, de sacrifice, de courage, de ténacité, de solidarité, de désintéressement, de respect! »
Discours de saint Jean-Paul II en 1982 aux membres du Comité International Olympique