L'Église d'Afrique face aux défis
Le 20 novembre, lors de son voyage au Bénin, Benoît XVI remettra officiellement l’Exhortation apostolique post-synodale sur l’Afrique, résultat du synode réuni en octobre 2009 au Vatican. Cette assemblée avait été l’occasion d’identifier les défis et les ombres de l’Église sur ce continent.
Pour la deuxième fois en deux ans, le continent noir recevra la visite de Benoît XVI. C’est le Bénin, patrie du cardinal Bernardin Gantin, figure mythique de l’Église africaine, que le pape a choisi pour remettre solennellement l’épais document qu’il a préparé suite au Synode des Évêques pour l’Afrique qui s’était réuni au Vatican deux ans plus tôt, à l’automne 2009. Il s’agissait de la seconde assemblée de ce type convoquée depuis le concile Vatican II, après le synode de 1994.
Pendant 3 semaines, du 4 au 25 octobre 2009, le Vatican avait ouvert ses portes aux évêques du continent noir, pour discuter sur le thème de « l’Église en Afrique au service de la réconciliation, de la justice et de la paix ». En bref, une occasion unique pour dresser le portrait d’une Église en expansion mais qui doit faire face à de nombreux défis en ce début de 3e millénaire.
À l’heure actuelle, plus de 15 % des catholiques résident sur ce continent, où le nombre d’évêques, de séminaristes et de religieuses est en augmentation régulière. Au Vatican aussi, le pape a donné une place non négligeable au continent noir, plaçant des évêques africains à des postes-clés de la curie romaine.
Le 25 octobre 2009, les pères synodaux ont émis une soixantaine de propositions qui ont servi de base pour l’élaboration de l’exhortation apostolique de Benoît XVI. La publication de ces pistes de réflexion n’a reçu qu’un très faible écho dans la presse généraliste, qui a fortement contrasté avec le tapage médiatique provoqué quelques mois plus tôt par les propos que le pape avait tenus sur le recours au préservatif en matière de lutte contre le Sida dans l’avion qui le conduisait au Cameroun.
Séparer le politique du religieux
L’une des principales préoccupations de l’Église en Afrique est de séparer le politique du religieux. Dans un continent où la religion est constamment politisée, au point de devenir la cause de conflits, le dialogue avec l’islam et les religions traditionnelles est urgent. Toute forme d’intolérance, de persécution et de fondamentalisme religieux doit ainsi être abolie dans tous les pays d’Afrique. Selon l’archevêque de Dar-es-Salam, en Tanzanie, il s’avère même que des prêtres soient mêlés à ces conflits, par omission ou de façon directe.
Quel sujet plus controversé en Afrique que les conditions dans lesquelles se déroulent les élections ? C’est pourquoi l’Église s’est fait le devoir de dénoncer les abus électoraux et les fraudes. Les chefs religieux sont quant à eux invités à ne pas prendre parti pour tel ou tel candidat.
Protéger les femmes et les migrants
L’Église d’Afrique est soucieuse des personnes les plus faibles, en particulier les femmes et les migrants. Les premières, ont rappelé les évêques africains, font l’objet d’un nombre impressionnant de violences telles que l’oppression des veuves au nom de la tradition, les mariages forcés, les mutilations d’organes génitaux, la traite des femmes, l’esclavage sexuel et le tourisme sexuel. Pour lutter contre tous ces « actes d’inhumanité », le synode propose entre autres mesures la mise en place d’une commission d’étude sur les femmes dans l’Église au sein du Conseil pontifical pour la famille.
Quant aux migrants, ils subissent toutes formes d’intolérance, de xénophobie et de racisme. Aujourd’hui, après les vagues de migrants refoulés provoquées par le Printemps arabe et la famine dans la Corne de l’Afrique, la condamnation, lors du synode, des lois qui jugent « criminelles toutes les entrées clandestines dans les pays étrangers et les consulats » et des « politiques frontalières discriminantes à l’égard des voyageurs en provenance d’Afrique dans les aéroports » sonne comme un avertissement tombé dans l’oubli.
Bien consciente que les barrières policières, si étanches soient-elles, ne peuvent arrêter la migration clandestine, l’Église estime que la résolution de ce « drame » passe par la réduction de la pauvreté. En Afrique sub-saharienne, le cardinal sénégalais Théodore-Adrien Sarr, archevêque de Dakar, appelle à une « Renaissance de l’Homme noir », qui doit contraster avec « l’image négative de l’Afrique » que véhiculent les médias occidentaux.
Bien évidemment, la lutte contre le Sida constitue l’une des préoccupations les plus vives de l’Église. Si le recours au préservatif dans un couple marié dont l’un des conjoints est porteur du virus n’est pas totalement à exclure selon le président du Conseil pontifical Justice et Paix, le cardinal ghanéen Peter Turkson, la priorité reste le soutien pastoral des couples à « s’informer et à former leurs consciences, afin qu’ils choisissent ce qui est juste, en toute responsabilité ». Quoi qu’il en soit, il est préférable aux yeux de l’Église d’utiliser les fonds reçus à la production de médicaments antirétroviraux plutôt qu’à l’achat de préservatifs.
Outre la diffusion du virus du Sida, une autre menace pèse sur la vie en Afrique : le recours à la peine de mort, notamment pour éliminer les opposants politiques, mais aussi envers les plus faibles, qui ne sont pas en mesure de se défendre. Une pratique vivement condamnée par l’Église, qui exige l’abolition « totale et universelle » de la peine capitale. Nul doute que cet appel reçoive l’appui de Benoît XVI qui n’a cessé de souligner au fil de ses discours et de ses textes le caractère sacré de la vie. n
Un travail de reconstruction
« Vous savez, de par une amère expérience, que face à la fureur inattendue et destructrice du mal, le travail de reconstruction est douloureusement lent et dur. Cela nécessite temps, effort et persévérance.
Ce travail doit commencer dans nos cœurs, dans les petits sacrifices quotidiens requis pour être fidèles à la loi de Dieu, dans les petits gestes par lesquels nous manifestons que nous aimons notre prochain – notre prochain quelle que soit sa race, son ethnie ou sa langue. »
« Chers frères et sœurs ! Levez-vous ! Prenez la route. Regardez l’avenir avec espérance, ayez confiance dans les promesses de Dieu et vivez dans sa vérité. De cette façon, vous construirez quelque chose qui est destiné à subsister et vous laisserez aux générations futures un héritage durable de réconciliation, de justice et de paix. »
Extraits de l’homélie prononcée par Benoît XVI lors de la messe
qu’il présidait le 22 mars 2009, à Luanda, en Angola.