L’édit de tolérance de Milan
« Nous avons résolu d’accorder aux chrétiens et à tous les autres la liberté de pratiquer le religion qu’ils préfèrent, afin que la divinité, qui réside dans le ciel, soit propice et favorable aussi bien à nous qu’à tous ceux qui vivent sous notre domination. Il nous a paru que c’était un système très bon et très raisonnable de ne refuser à aucun de nos sujets, qu’il soit chrétien ou qu’il appartienne à un autre culte, le droit de suivre la religion qui lui convient le mieux. »
Ainsi commence l’un des textes les plus importants de l’histoire de la chrétienté, celui de l’Édit de tolérance de Milan (ou édit de Constantin) qui accorde la liberté de culte à toutes les religions et permet aux chrétiens de ne plus devoir vénérer l’empereur comme un dieu (leur refus ayant été l’une des principales causes de leur persécution). L’édit lui-même a été promulgué par les empereurs Constantin et Licinius en avril 313, mais il nous est connu par une lettre circulaire, un « rescrit » qui en reprend les termes, envoyé au gouverneur de Bythinie, et affiché à Nicomédie (l’actuelle Izmit, en Turquie), le 13 juin 313.
Par un heureux hasard, nous avons conservé le texte de cet édit. Nous en avons même deux exemplaires qui viennent de deux sources indépendantes l’une de l’autre. Le premier se trouve dans l’ouvrage la Mort des persécuteurs de Lactance ; l’autre, traduit en grec, figure dans L’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe de Césarée. Tous deux ne diffèrent que par des détails insignifiants. C’est donc l’un des documents de l’histoire ancienne que nous sommes le plus certains de posséder dans son intégralité.
L’échec des persécutions
C’est durant la seconde moitié du IIIe siècle que les persécutions de chrétiens prennent une très grande ampleur, la dernière et la plus grave ayant lieu entre 284 et 305 sous le règne de Dioclétien. L’édit est motivé par le constat de l’échec de ces persécutions qui n’ont pas permis d’enrayer la progression du christianisme. Il avait été précédé, en avril 311, par un premier édit de tolérance, dû à l’empereur Galère, au ton nettement plus réticent.
L’Édit de Milan, lui, repose sur trois fondements :
- La concession de la liberté de religion et de culte à tous les citoyens de l’empire.
- La restitution de toutes les propriétés de l’Église et la reconnaissance de la propriété ecclésiastique.
- La reconnaissance légale de tous les chrétiens.
Il est généralement admis que l’empereur Constantin s’était converti au christianisme en 312, ne se faisant baptiser que sur son lit de mort, en 337. À cette époque, la ville de Rome comptait environ 10 % de chrétiens, les principales communautés se situant en Orient et en Afrique du Nord, et bien que minoritaire, la religion chrétienne était désormais connue de tous.
L’inexorable triomphe du christianisme
La conversion progressive au christianisme de Constantin, qui devient de plus en plus familier avec le dogme, s’accompagne d’une politique impériale favorable aux chrétiens. Le paganisme n’est cependant jamais persécuté car, pour l’empereur, l’unité de l’empire passe avant tout. Plusieurs indices témoignent que le christianisme est en train de devenir une religion d’État. Ainsi, Constantin fait de plus en plus fréquemment représenter sur ses monnaies des symboles chrétiens. Il reconnaît les tribunaux épiscopaux et fait du dimanche – jour du soleil païen – un jour férié obligatoire en 321 (à l’exception des travaux des champs).
Dès lors, la marche triomphale du christianisme est lancée, couronnée par l’Édit de Thessalonique, décrété par l’empereur Théodose 1er, le 28 février 380, qui officialise le culte catholique défini par le concile de Nicée de 325, et en fait l’unique « religion licite » de l’Empire romain.
Les 1 700 ans de l’Édit de tolérance seront célébrés cette année dans de nombreux endroits en Europe, en particulier à Milan et dans les églises orthodoxes et arméniennes (où Constantin est vénéré comme un saint). Pour en mesurer l’importance, on peut laisser le dernier mot au cardinal Angelo Scola, archevêque de Milan, qui déclarait le 6 décembre 2012 que « dans un certain sens, avec l’Édit de Milan, les deux dimensions que nous appelons aujourd’hui “liberté religieuse” et “laïcité de l’État” apparaissent pour la première fois dans l’histoire ». n