Le Vatican contre l'écologie ?
En avril dernier, se tenait au Vatican un séminaire du Conseil pontifical “Justice et Paix”, intitulé Changements climatiques et développement. Les débats, vifs, ont souligné la division de la communauté internationale (y compris scientifique) à propos du réchauffement climatique et des mesures à prendre pour préserver l’environnement. L’église, elle, prend un troisième parti : celui de l’Homme.
Les tenants des scénarios pessimistes réclament en urgence l’application du protocole de Kyoto, des taxes écologiques et des politiques de lutte contre les émissions de gaz carbonique. En face, d’autres scientifiques, comme le Pr Antonino Zichichi, président de la World Federation of Scientists, mettent sérieusement en doute la théorie du réchauffement global et le rôle de l’activité humaine dans un cycle qu’ils pensent naturel.
Par la voix du cardinal Renato Martino, à la fin de ce séminaire organisé par “Justice et Paix”, l’Eglise s’est exprimée fort et clair : il faut, bien sûr, une attitude responsable envers l’environnement, mais rien ne justifie d’entraver le développement des pays pauvres.
Non à l’idolâtrie de la nature
Critiquant l’extrémisme écologiste, le cardinal Martino a mis l’accent sur la défense de la vie humaine : « La doctrine sociale de l’Eglise doit prendre en compte aujourd’hui les multiples formes d’idolâtrie de la nature qui perdent le sens de l’homme. » « De telles idéologies écologistes, a-t-il précisé, émergent souvent dans le débat sur les problèmes démographiques et sur les relations entre population, environnement et développement. » Pourtant, il convient de rappeler que « la nature est pour l’homme et l’homme est pour Dieu », a encore dit le cardinal Martino, invitant à « ne pas dégrader la nature ni en l’absolutisant, ni en la réduisant à un pur instrument ».
La nature est confiée à l’homme
Car pour les catholiques, « la nature n’est pas un absolu, mais une richesse confiée dans les mains responsables et prudentes de l’homme ». Cela signifie que « l’homme a une indiscutable supériorité sur la création et, en vertu de sa nature de personne dotée d’une âme spirituelle, ne peut pas être équiparé aux autres êtres vivants, ni considéré seulement comme un élément perturbateur de l’équilibre écologique naturel ». Mais attention, cela n’exclut pas sa responsabilité. Au contraire. Dans la constitution pastorale Gaudium et Spes sur l’Eglise dans le monde de ce temps, signée le 7 décembre 1965, les pères du Concile Vatican II avaient voulu rappeler que « Dieu a destiné la terre et tout ce qu’elle contient à l’usage de tous les hommes et de tous les peuples, en sorte que les biens de la création doivent équitablement affluer entre les mains de tous, selon la règle de la justice, inséparable de la charité ».
A la veille de la célébration par l’Eglise italienne, le 1er septembre, de la Journée de sauvegarde de la création, le pape Benoît XVI rappelait que la création est un « grand don de Dieu exposé à de sérieux risques par les choix et les styles de vie qui peuvent la dégrader », et il appelait à l’unité des chrétiens pour « s’engager à prendre soin de la création, sans en dilapider les ressources et en les partageant de façon solidaire ».
Pour une éthique écologique
Dans l’encyclique Centesimus annus, publiée en 1991, Jean-Paul II analysait les causes de la situation actuelle : « L’homme, saisi par le désir d’avoir et de jouir plus que par celui d’être et de croître, consomme d’une manière excessive et désordonnée les ressources de la terre et sa vie même.(…) Au lieu de remplir son rôle de collaborateur de Dieu dans l’œuvre de la création, l’homme se substitue à Dieu et, ainsi, finit par provoquer la révolte de la nature, plus tyrannisée que gouvernée par lui. »
Les Eglises chrétiennes défendent en ce domaine des approches assez comparables. En tête, le Patriarche œcuménique de Constantinople, Bartholomé 1er, qui met tant d’ardeur à la tâche que d’aucuns l’ont surnommé « le patriarche Vert ». Dans la Déclaration de Venise co-signée en 2002 avec le Pape Jean-Paul II, il souligne clairement que « le problème n’est pas seulement économique et technologique, il est également moral et spirituel ». Une « éthique écologique » doit dériver « de notre triple relation avec Dieu, avec nous-mêmes et avec la création », expliquent les signataires, « afin de promouvoir une véritable culture de la vie ».
Lors d’une récente conférence, le journaliste Falk van Gaver déclarait qu’en matière d’écologie nous étions tous quasiment schizophrènes, incarnant cette phrase de l’apôtre Paul : « Je fais le mal que je ne voudrais pas et je ne fais pas le bien que je voudrais. » Benoît XVI, lui, après ses discours sur l’Amazonie et le respect dû à la création, ne souffre pas de cette incohérence : le Vatican a choisi de donner l’exemple en matière d’énergies renouvelables et, courant 2008, des centaines de panneaux solaires seront installés sur le toit de l’immense salle Paul VI qui accueille les audiences du Pape.
Déclaration de Venise
C’est sur la base de notre reconnaissance du fait que le monde est créé par Dieu que nous pouvons distinguer un ordre moral objectif, à l’intérieur duquel nous pouvons mettre en place un code d’éthique de l’environnement. Dans cette perspective, les chrétiens et les autres croyants doivent jouer un rôle spécifique en proclamant les valeurs morales et en éduquant les personnes à une conscience de l’écologie, qui n’est autre que la responsabilité envers soi-même, envers les autres, et envers la création. (…)
S.S. le Pape Jean-Paul II et S.S. le Patriarche Œcuménique Bartholomé Ier, le 10 juin 2002