Le rôle vital des chrétiens en politique
Mai 2017 : dans un an exactement, la France vibrera au son des élections présidentielles. Alors que la campagne débute, Le Messager a souhaité se pencher sur le rôle des chrétiens en politique. Suivons les conseils de saint Thomas d’Aquin pour qui « la politique est la plus haute forme de charité ».
Nombreux sont les catholiques qui ont éprouvé ou éprouvent un certain malaise vis-à-vis du monde politique. Et pourtant, en s’impliquant dans la vie politique et la vie de la cité, le chrétien vit pleinement sa mission de laïc qui agit dans le monde. Son engagement dans le « patient travail de la politique » (dixit Benoît XVI), est une aide précieuse afin d’aider les hommes à être conduits à Dieu à travers le service de la société et du prochain. Si les chrétiens, appelés à être le sel et la lumière dans le monde, se retiraient de l’engagement direct en politique, cela signifierait une certaine forme d’abandon de leur mission. La foi apporte à la politique un sens, des repères et une espérance. Pour un chrétien, soutenir la vie démocratique dans son pays par l’action, la réflexion et s’engager en politique est un devoir.
Un devoir
Construire une cité plus fraternelle : tel est le devoir d’un chrétien, tel est aussi l’idéal républicain. Tout chrétien devrait se sentir concerné par la politique, nécessité pour atteindre le bien commun. Le bien commun, qui vise le progrès de la société, inclut la défense et la promotion de réalités telles que l’ordre public et la paix, la liberté et l’égalité, le respect de la vie humaine et de l’environnement, la justice, la solidarité, etc. L’enjeu de l’action politique est de tendre vers une société dans laquelle chaque être humain reconnaîtrait en n’importe quel autre humain son frère et le traiterait comme tel. Les catholiques ne peuvent donc songer à déléguer à d’autres l’engagement qu’ils ont reçu de l’Évangile, pour que la vérité sur l’homme et sur le monde puisse être annoncée et atteinte. En effet, « sans volonté de vivre ensemble, ni l’argent, ni la force, ni la sécurité ne peuvent construire un pays », affirmaient déjà les évêques de France, il y a quelques années. Quant à Paul VI, il voyait déjà la politique comme « une manière exigeante de vivre l’engagement chrétien au service des autres ».
Au service des autres
Ce qui unit la politique et la charité est le service des autres. « L’action, par le biais du politique, est une forme indispensable de l’amour du prochain. Celui qui méprise le politique ne peut pas dire qu’il aime son prochain et répond à ses attentes », assurent les évêques de France. La pratique de la charité ne se réduit pas à l’aumône, mais implique bien la recherche de la contribution de chacun ainsi que l’attention à la dimension politique et sociale du problème de la pauvreté. En effet, passer du domaine des samaritains charitables au monde politique signifie passer d’un rapport direct avec le problème concret à un rapport un peu plus distant et suppose alors une vision plus large du fonctionnement de la société. En s’engageant au service des autres, les chrétiens témoignent des valeurs humaines et évangéliques qui sont liées à l’activité politique comme la justice, la liberté, la solidarité, le dévouement désintéressé au bien de tous, l’amour préférentiel pour les pauvres et les plus petits. La politique doit permettre un ordre social plus juste. Pour Benoît XVI, « l’Église ne peut ni ne doit rester à l’écart dans la lutte pour la justice », une lutte dont il précise qu’elle relève du politique.
Exigences éthiques
La fidélité à l’Évangile amène à refuser des politiques qui se désintéressent des exclus, méprisent la dignité de la vie humaine, se ferment à l’étranger, entretiennent la haine ou l’intolérance, prônent la seule poursuite de l’intérêt national sans le souci du bien universel, etc. Par ailleurs, comment construire la confiance si la société accepte l’exclusion des plus faibles, depuis la pratique de l’avortement jusqu’à l’euthanasie ? Comment se mettre au service des autres si vous négligez les êtres qui vous sont les plus proches ? L’Écriture présente ces exigences éthiques en dehors desquelles il n’est pas possible d’imaginer un engagement politique qui soit en accord avec la foi.
Martyre et voie de sainteté
L’Église vénère beaucoup d’hommes et de femmes qui ont servi Dieu par leur engagement généreux dans les activités politiques et gouvernementales, à commencer par saint Thomas More, saint patron des hommes politiques. Le pape François n’hésite pas à affirmer que « faire de la politique est une forme de martyre ». Et d’ajouter : « C’est un martyre quotidien : rechercher le bien commun en pensant aux voies les plus utiles pour cela (…). Aller tous les jours avec l’idéal de construire le bien commun. Et également porter la croix de tant d’échecs, (…) de tant de péchés. Parce que dans le monde, il est difficile de faire le bien dans la société sans se salir un peu les mains ou le cœur ». Comment ne pas penser au rôle essentiel des maires, dont la
reconnaissance est quasi nulle mais leur implication souvent totale ? Robert Schuman, l’un des Pères de l’Europe sur la voie de la béatification, vivait l’Évangile tant dans sa vie publique que personnelle et toujours dans le service désintéressé du bien commun. L’Évangile n’impose rien, mais le chrétien croit que ses invitations sont chemins de vie, pour la société tout entière. Et s’il le croit, il ne peut se taire ! Laissons résonner en nous ces paroles du pape François : « La politique, c’est sale, mais elle est peut-être sale parce que les chrétiens ne s’y impliquent pas ».
« Les fidèles laïcs ne peuvent absolument pas renoncer à la participation à la « politique », à savoir à l’action multiforme, économique, sociale, législative, administrative, culturelle, qui a pour but de promouvoir, organiquement et par les institutions, le bien commun. (…)
Tous et chacun ont le droit et le devoir de participer à la politique ; cette participation peut prendre une grande diversité et complémentarité de formes, de niveaux, de tâches et de responsabilités.
Les accusations d’arrivisme, d’idolâtrie du pouvoir, d’égoïsme et de corruption, qui bien souvent sont lancées contre les hommes du gouvernement (…) comme aussi l’opinion assez répandue que la politique est nécessairement un lieu de danger moral, tout cela ne justifie pas le moins du monde ni le scepticisme ni l’absentéisme des chrétiens pour la chose publique. »
Jean-Paul II, exhortation apostolique Christifideles Laici, 1988