Le parfum des bonnes œuvres
« Comment se fait-il que personne ne me remercie ? Que personne ne se complimente avec moi ? Pourquoi aucun être vivant ne remarque le bien que je fais ? » Ce sont des questions que nous nous sommes tous posées au moins une fois dans notre vie et qui sont tout à fait légitimes. Oui, car je pense qu’il est juste d’exprimer sa gratitude, d’exprimer ses félicitations, d’être conscient du bien que l’on reçoit des autres.
Cependant, les paroles de saint Antoine semblent nous conduire dans une autre direction. Ses considérations risquent même de paraître trop austères et exigeantes. On dirait qu’il nous conseille de ne pas donner de poids au bien que nous avons fait, comme s’il n’avait aucune valeur. À cet égard, il nous invite à considérer la Passion du Seigneur Jésus. Qu’a fait le Fils du Père ? Il s’est totalement donné pour nous. Non seulement il ne nous a fait que du bien, mais en plus, il est lui-même le bien suprême pour nous, et il aurait certainement eu de quoi se glorifier et de quoi être remercié. Mais que s’est-il vraiment passé ? Sa vie lui a été enlevée en le clouant sur la croix. Il a été anéanti, réduit au silence. Cette réflexion devrait agir en nous comme une sorte de « rasoir affilé » pour raser toutes nos attentes d’être appréciés et mis en valeur. Il nous faut cependant être prudents et bien comprendre. Notre saint, en fait, n’est pas l’ennemi de l’appréciation, et nous pouvons penser qu’il a lui aussi aimé être apprécié et recevoir de la gratitude dans sa vie. Mais il nous dit aussi de ne pas trop nous attacher au désir d’être vus et applaudis.
Ce qui préoccupe saint Antoine, ce sont les attentes exagérées. Cela peut nous conduire à faire dépendre notre sérénité d’esprit des manifestations d’estime d’autrui. Au contraire, s’il y a quelque chose dont nous pouvons nous réjouir, c’est la liberté intérieure de faire le bien gratuitement, en étant fiers de pouvoir passer notre vie à nous consacrer aux bonnes œuvres, même en silence. La récompense pour le bien fait est le bien lui-même.
Les mots de saint Antoine deviennent encore plus clairs lorsqu’il révèle la vanité peu concluante de ceux qui recherchent les louanges. C’est comme offrir de l’encens sans parfum, inutile et gênant. En effet, si nous y réfléchissons, il peut arriver que nous rencontrions des personnes qui semblent gaspiller beaucoup d’énergie à rechercher des louanges et des compliments ; et si rien de tout cela ne vient, elles restent prisonnières du cercle vicieux de la déception, de la tristesse ou de la frustration. Des émotions qui, comme de petits vers, s’insinuent dans notre âme et nous volent notre volonté de vivre. Nous devenons agressifs, critiqueurs, plaintifs. La recommandation de saint Antoine, par contre, nous aide à devenir des personnes intérieurement mûres et libres, généreuses dans l’accomplissement de bonnes œuvres, capables de jouir de toute la splendeur indépendamment des approbations que nous recevons. Qui sait ? Peut-être qu’un remerciement ou une manifestation d’estime nous parviendra au moment où nous nous y attendons le moins, voire plus du tout, au moment où nous avons appris à nous réjouir de la joie d’autrui.