Le long chemin pour devenir saint
Des modèles de vie à donner aux personnes de notre temps. Voilà ce que le long processus – qui parfois s’étale entre 10 et 400 ans – du procès de canonisation essaie de faire. Le responsable du Promotorat des Causes des Saints à Paris, le père Jean-Marie Dubois, estime « important de montrer les difficultés que rencontre habituellement une cause, outre la durée et, pour certains, le coût. Il faut déjà attendre 5 ans après la mort, afin de vérifier qu’il y a une réputation de sainteté du défunt. Et il faudra prouver qu’elle se maintient dans le temps, se répand et grandit ».
En général, c’est le lieu du décès de la personne qui détermine le diocèse qui s’occupera de la cause. Mais les transferts de compétences existent. Par exemple, tout récemment, pour le Père de Lubac, décédé à Paris, la cause a été transférée à Lyon, ville où il est né, a été élevé et a enseigné. Dès le début du processus, il faut susciter l’intérêt de l’évêque pour la cause, demander l’avis des évêques de la Conférence ou de la Province et le nihil obstat de Rome. Pour le père Dubois, « il faut une réputation de sainteté (ou de martyre) et de signes dont l’évêque sera le premier juge. S’il est favorable et ouvre la cause, le discernement sur la sainteté est préparé par l’enquête diocésaine ». Selon le Dicastère pour les Causes des Saints, « la cause de béatification et canonisation concerne un fidèle catholique qui, durant sa vie, au moment de sa mort et après sa mort, a une réputation de sainteté ou de martyre ou d’offrande de sa vie ». La canonisation est l’ultime étape : le candidat, pour devenir officiellement saint, doit d’abord être serviteur de Dieu, puis vénérable, puis bienheureux.
Pour qu’une cause s’ouvre
Avant l’ouverture d’une cause, le postulateur écrit un libelle contenant la vie de la personne, sa biographie, l’intérêt de cette cause pour l’Église, et atteste qu’il y a une réputation de sainteté. Avec ce libelle est jointe une liste des témoins souhaités et des écrits (lettres, livres, etc.) du défunt. Le libelle est ensuite présenté à Rome pour avoir le nihil obstat. « Pour le nihil obstat, une seule difficulté peut suffire : vertu fragile, pratique religieuse, caractère, équilibre psychologique, etc. Une difficulté que le postulateur ne lève pas peut entraîner le refus de nihil obstat de Rome, un refus d’ouverture ou de reprise de la cause », précise le père Jean-Marie Dubois. Si le nihil obstat est obtenu, l’évêque promulgue un décret d’ouverture de la cause. Le défunt prend alors le titre de serviteur de Dieu.
De l’enquête diocésaine à l’étape romaine
L’enquête diocésaine, première phase de l’ouverture officielle de la cause, mobilise de nombreuses personnes. Le postulateur, qui représente l’acteur, c’est-à-dire l’organisme qui prend en charge la cause, deux censeurs théologiens nommés par l’évêque qui étudient les textes publiés. Leurs noms restent secrets pour éviter toute pression. Tous les écrits publiés sont lus par ces censeurs. Les experts historiens, au minimum trois, cherchent les preuves historiques de la réputation de la sainteté : l’un d’entre eux peut être issu de la congrégation ou de l’association de fidèles du serviteur de Dieu. Un long travail documentaire commence. Le président de la commission des historiens rédige un rapport commun qui sera remis au président de la commission d’enquête. Cette dernière, constituée d’un délégué épiscopal, d’un notaire et d’un promoteur de justice, est chargée de suivre l’ensemble de l’enquête et particulièrement de l’audition des témoins après le travail des historiens. L’objectif de cette étape est de vérifier l’héroïcité des vertus du serviteur de Dieu.
À Rome
L’enquête diocésaine prend fin lorsque les caisses de documents sont envoyées à Rome par la valise diplomatique. La phase romaine du processus démarre. Le postulateur de Rome n’est pas le même que celui de l’étape diocésaine. Arrive alors le temps de la rédaction de la Positio, « ouvrage qui synthétise les preuves recueillies dans le diocèse », selon le Dicastère des Causes des Saints. Le postulateur reprend tous les éléments de l’enquête diocésaine, selon un plan bien cadré (la vie, les œuvres, les témoins, etc.). La Positio doit démontrer avec certitude les vertus ou le martyre du serviteur de Dieu. La Positio doit passer devant trois commissions : les experts historiens, la commission des théologiens et enfin la commission des cardinaux et évêques qui donnent leurs avis. Si l’avis est favorable, le Préfet du Dicastère pour les Causes des Saints présente le serviteur de Dieu au pape. La cause avançant favorablement, le serviteur de Dieu devient vénérable. On lui reconnaît alors d’avoir exercé de manière héroïque les vertus théologales et les vertus cardinales. Seuls les martyrs ou les canonisations « équipollentes » (comme les Carmélites de Compiègne) ne requièrent pas de miracles et les candidats deviennent directement bienheureux. Autrement, un miracle, obtenu grâce à son intercession, est nécessaire : en général, un miracle est une guérison scientifiquement inexplicable, jugée par une commission médicale. La guérison doit être complète, durable et rapide. Si ce miracle est approuvé, le vénérable peut être béatifié. Suite à cette proclamation, le bienheureux est inscrit dans le calendrier liturgique du diocèse ou de sa famille religieuse.
Enfin, pour que la canonisation arrive, il faut qu’un second miracle ait lieu après la béatification : ainsi, à Paris, le bienheureux Frédéric Ozanam attend un miracle pour être saint. Pour la majorité d’entre nous, nous pouvons être des chrétiens exemplaires sans que la cause soit utile à l’Église, faire une œuvre importante et admirable sans pour autant avoir des vertus héroïques.