Le gentleman olympique

23 Juillet 2007 | par

Connaît-on vraiment Pierre de Coubertin ? Le Petit Larousse se contente de le présenter comme un éducateur qui a rénové les Jeux Olympiques. C’est un peu court. En fait, on pourrait dire que Pierre Frédy, baron de Coubertin (1863-1937), est l’exemple même de l’inconnu célèbre. Même la plus fameuse de ses paroles – L’essentiel c’est de participer – n’est pas de lui. Elle fut prononcée à la cathédrale Saint-Paul de Londres par l’évêque de Pennsylvanie, Ethelbert Talbot, à l’occasion de la IVe Olympiade de 1908.
Comme beaucoup de jeunes gens de sa génération, Pierre de Coubertin est profondément marqué par la défaite de 1870 et souhaite ardemment réformer l’éducation de son époque qu’il juge responsable du désastre. Lui-même est un sportif accompli. C’est en visitant les universités britanniques et américaines qu’il prend conscience de l’importance du sport pour le développement de l’individu. Humaniste, inlassable écrivain (il aurait écrit plus de 60 000 pages !), il se fait très tôt le promoteur de l’instauration d’une compétition sportive qui réunirait les athlètes du monde entier dans un esprit de fraternité et de fair-play. C’est en Sorbonne, le 23 juin 1894, au cours du congrès de l’Union des Sociétés Françaises de Sports Athlétiques, qu’il obtient le rétablissement des JO, avec l’appui du délégué grec Démétrios Bikélas, l’autre grand rénovateur des Jeux. Et cela au nez et à la barbe des délégués anglo-saxons, trop occupés à discuter du dogme de l’amateurisme.
Après les premiers jeux d’Athènes (1896), Pierre de Coubertin présidera le Comité International Olympique de 1896 à 1925. En 1914, il conçoit l’actuel drapeau olympique aux cinq anneaux dont les couleurs renvoient aux drapeaux des huit nations en lice à l’époque (et non pas aux cinq continents comme on le croit trop souvent).
Mais il ne parviendra plus vraiment à peser sur l’évolution des jeux, et tempêtera souvent contre leur laxisme grandissant. Sa bête noire : le sport féminin. En 1928, il écrivait encore que « s’il y a des femmes qui veulent jouer au football ou boxer, libre à elles, pourvu que cela se passe sans spectateurs, car les spectateurs qui se groupent autour de telles compétitions n’y viennent point pour voir du sport ». Voilà qui ne le grandit guère, de même que son attitude ambiguë envers le nazisme, qu’il ne condamna jamais explicitement. En fait, c’est tout le personnage qui est difficile à cerner pour un observateur moderne. Il appartient pleinement à la fin du XIXe siècle, une époque qui pose les fondements des premières organisations internationales sous l’impulsion d’humanistes visionnaires.
Pierre de Coubertin fut l’un d’eux. Légèrement pompeux et imbu de sa personne, ce fut néanmoins un véritable génie des relations publiques, dévoué à la cause sportive. Et à ce titre, les plus grands champions auront toujours une dette envers lui.

Des jeux plus chrétiens qu’on ne le pense
Les jeux d’Athènes de 1896 ne furent pas les premiers de l’époque moderne. Dès 1832, le petit séminaire du Rondeau, près de Grenoble, avait institué des Promenades Olympiques destinées aux élèves, avec cérémonies d’ouverture et de clôture, charte olympique et médailles. Ancien élève du Rondeau, le père Henri Didon, un dominicain haut en couleur et passionné de sport, va devenir l’ami et l’inspirateur de Pierre de Coubertin. C’est à lui que l’on doit la future devise olympique, adoptée par le baron : citius, altius, fortius (plus vite, plus haut, plus fort). Mais dans l’esprit du père Didon, “plus haut” signifiait aussi élever son âme et son esprit. Pas seulement gagner. Et sûrement pas gagner à n’importe quel prix.

Updated on 06 Octobre 2016