Le chat de Geluck déambule sur les Champs-Élysées
Créé en 1983 dans les pages du Soir, un quotidien belge, Le Chat de Geluck, en manteau, chemise et cravate, est à la fois gros et lourd, drôle et léger. Philosophe et poète bienveillant, il pérore et commente le monde et ses déboires abordant les sujets les plus grinçants sans jamais insulter ou blesser. Avec les sculptures, Le Chat perd la parole mais pas l’expression. Siné, l’un des maîtres de Geluck, disait que « les gags muets sont la noblesse du dessin d’humour ». Les immenses statues de chats de bronze apportent du rire mais ils font aussi réfléchir. Ainsi, Le Chat qui porte une planète débordant de bouteilles en plastique vides, alerte sur l’écologie. Comme Atlas, le géant de la mythologie condamné par Zeus à porter la voûte céleste, il semble endosser le poids de la folie des hommes. Un autre Chat en saint Sébastien criblé de crayons, sur lesquels des oiseaux sont perchés, rend hommage aux dessinateurs de Charlie. Il dénonce la liberté d’expression en danger. La majorité des sculptures exposées sont simplement poétiques. La statue Flûte à bec est quant à elle pleine de tendresse : Le Chat joue de la flûte traversière mais l’instrument est une branche sur laquelle est posé un oiseau qui chante à tue-tête.
De l’art rigolo
Geluck exerce un art souvent considéré comme mineur : le dessin d’humour. Pourtant, il est un vrai artiste complet. Il s’adonne à la sculpture depuis la fin des années 1970, en même temps que la peinture, sous l’influence de René Magritte ou de Marcel Duchamp. En ce temps, il était encore comédien et surtout un homme très tourmenté. Les premiers dessins produits depuis l’âge de 13 ans jusqu’à la naissance du Chat étaient très durs et grinçants. Pourtant, il a grandi dans une famille certes très modeste mais heureuse. Son mariage et encore davantage la naissance de ses enfants l’ont durablement apaisé. Le Chat est né juste après son fils. Philippe Geluck le considère un peu comme son double. Les chats en trois dimensions sont apparus dès 1987, d’abord limité à une cinquantaine de centimètres. Son premier Chat monumental remonte à 2008. Dans le très beau catalogue de 160 pages édité par Casterman, le dessinateur explique comment ont été réalisés ces énormes chats de bronze de deux mètres de haut et de 2,5 tonnes à partir de modelages de petites dimensions. On y découvre aussi une histoire de « l’art rigolo » dont Philippe Geluck se revendique comme un des chefs de file. Parmi les prédécesseurs de ces sculpteurs joyeux, il cite Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely.
Le Chat chez Soulages
Le Chat aime commenter les chefs-d’œuvre de l’art. Philippe Geluck est très fier d’avoir fait une exposition au Musée en Herbe dont le but était justement de donner le goût de l’art aux enfants et donc aux futurs adultes. Ce n’est donc pas étonnant que Le Chat ait investi le musée Soulages à Rodez pour une autre exposition qui n’a été ouverte que cinq jours mais qui est prolongée jusqu’en septembre. Le parcours du Chat de Geluck dans l’univers de Soulages est un ensemble de dessins et quelques peintures sur toile dispersées dans le musée en contrepoint des œuvres du Maître. Là encore, l’adulte que Philippe Geluck est devenu s’amuse comme l’enfant farceur qu’il était pour notre plus grand plaisir !