Le Cantique des Créatures
Le Cantique des Créatures, connu également sous le nom de Cantique de frère Soleil de François d’Assise, est un texte très important à plusieurs points de vue.
Une œuvre littéraire et spirituelle
Composé entre 1224 et 1226, et probablement en plusieurs étapes, il est l’un des premiers textes de la littérature italienne écrit dans la langue vernaculaire qui était alors parlée en Italie centrale. Il s’agit d’une lauda (louange, ndlt) dont François aurait également composé la musique selon les sources historiques. C’est une prière de louange à Dieu qui manifeste une vision positive de la nature, contemplée comme une œuvre merveilleuse du Très-Haut et marquée par un sentiment de fraternité avec l’ensemble de la Création. Ce texte s’éloigne donc de la perspective de mépris du monde matériel, opposée à la réalité spirituelle du Royaume de Dieu et trouve, au contraire, traces du Créateur dans toutes les créatures.
Ce changement est également présent dans l’histoire de François, surtout en ce qui concerne la composition du Cantique lui-même. La Compilatio Assisiensis, l’une des biographies du Poverello, nous offre le récit de l’origine de la lauda (cf. Sources franciscaines 1591-1593) : environ deux ans avant sa mort, François séjourne à San Damiano. Il souffre de diverses infirmités, dont une atroce douleur aux yeux qui l’oblige à rester dans l’obscurité de sa cellule, loin de toute source de lumière. S’il essaye de se reposer, il est dérangé par les rats qui infestent le lieu et le tourmentent même pendant la prière et les repas. François demande alors au Seigneur de l’aider à supporter avec patience ce qui lui arrive. Et dans son esprit, il entend comme réponse l’invitation à considérer le trésor qu’il recevra après ses souffrances, à se réjouir et être serein à l’instant même, déjà certain d’entrer dans le Royaume de Dieu. Conscient de cela, François se décide : « Aussi, en vue de sa louange, de notre consolation et de l’édification du prochain, je veux faire une nouvelle louange du Seigneur sur ses créatures ».
La biographie nous offre également une considération très actuelle du saint d’Assise : « Pensons aux créatures dont nous usons chaque jour, sans lesquelles nous ne pouvons vivre et en lesquelles le genre humain offense beaucoup le Créateur. Chaque jour nous sommes ingrats face à tant de grâces, car nous ne louons pas comme nous le devrions notre Créateur et dispensateur de tous biens ».
Un autre fait est également surprenant : François ne reste pas attaché à la promesse du royaume comme consolation pour les tribulations du présent, mais découvre précisément dans la réalité qu’il vit le reflet de ce royaume promis ! Il ne dit pas : « Je suis sauvé, même si je dois encore souffrir maintenant », mais plutôt : « Je suis sauvé, et déjà maintenant je me réjouis parce que je reconnais la présence de Dieu autour de moi ».
Jongleurs de dieu
Et cette joie et cette consolation qu’il ressent, il veut les partager : il envoie ses frères prêcher et louer Dieu, à travers un sermon adressé au peuple qui se termine par le Cantique, chanté par les frères comme des « jongleurs » de Dieu. Voici une autre intuition géniale de François : « Que sont les serviteurs de Dieu, sinon comme ses jongleurs qui doivent élever les cœurs des hommes et les émouvoir de la joie spirituelle ? » Pour attirer les hommes vers le Seigneur, il choisit la voie de la beauté, à travers la poésie et le chant des louanges de Dieu : « Quand les concepts et les doctrines ne sont plus utiles, parce qu’ils ont fait leur office, ayant suscité le désir de beauté, un autre langage entre en jeu, celui qui, ayant abandonné toute forme de différence et de rivalité entre les hommes, ne peut que toucher les cœurs avec simplicité et profondeur, les liant entre eux dans la louange et l’action de grâce » (cf. P. Maranesi, La via di frate Francesco, EMP- Edizioni Messaggero Padova).
En cette année 2025, nous vous proposons donc de relire ensemble, mois après mois, ce Cantique pour louer ensemble Dieu pour tout ce qu’il nous donne. Les prochaines respirations en page 31 seront ainsi toutes consacrées à la composition du Poverello.