L’armistice du 11 novembre 1918
La scène se déroule à Vrigne-Meuse dans les Ardennes, en fin de matinée du 11 novembre 1918, vers 10h55. Une scène très ordinaire à première vue, qui s’est pourtant répétée des millions de fois au cours des quatre années précédentes : un soldat va mourir. Mais le soldat de 1ère classe, Augustin Trébuchon, estafette de la 9e compagnie du 415e régiment de la 163e division d’infanterie n’est pas n’importe quel soldat. Cet ancien berger, natif de Lozère, va être le dernier soldat tué au front au cours de cet effroyable conflit qui se termine enfin, une heure après sa mort, survenue alors qu’il portait un message à son capitaine.
À 11 heures précises, l’armistice entrait en vigueur, mettant fin au tumulte des armes après quatre ans, trois mois et neuf jours de combats terriblement meurtriers... Pour Augustin Trébuchon, les huit millions de soldats et les six millions de civils tués, il est trop tard, sans compter les huit millions d’invalides et les huit millions de prisonniers. D’ailleurs, le commandement militaire fera antidater au 10 novembre tous les tués du 11 pour ne pas entacher de tristesse le jour de la victoire.
Bien entendu, la nouvelle de la signature de l’armistice déclenche une vague de joie dans le monde entier. Partout, jusque dans le moindre village, on fait sonner les cloches, on descend dans les rues drapeau à la main et chansons à la bouche. Broadway et Trafalgar Square sont inondés de monde.
Le soulagement, mais à quel prix?
Au Vatican, c’est le soulagement. Tous les efforts de médiation en vue d’un cessez-le-feu, portés par le pape Benoît XV, sont enfin couronnés de succès. Incidemment, cette quantité inouïe de morts, égale à l’ensemble de toutes les guerres qui ont précédé la guerre de 14-18, va inciter l’Église à réviser le dogme du Purgatoire, car il y avait là matière à ébranler les plus solides des certitudes. À ces atrocités, il faut ajouter le génocide arménien, la révolution russe et la grippe espagnole qui ne se seraient jamais produits sans cette guerre.
L’armistice avait été signé un peu après 5 heures du matin, par les représentants alliés et allemands dans le wagon d’état-major aménagé du général Foch, dans la clairière de Rethondes en forêt de Compiègne. Il marque la victoire des armées alliées et la capitulation de l’Allemagne.
Les négociations avaient commencé le 5 novembre 1918 à 6 heures du matin, par un télégramme émis en morse depuis Spa, en Belgique, et reçu à la Tour Eiffel. Il s’agissait de la demande officielle d’armistice de l’état-major allemand, rapidement transmise à Georges Clemenceau, président du Conseil et ministre de la Guerre.
Deux jours plus tard, Matthias Erzberger, représentant du gouvernement allemand avec sa délégation, se présente devant les lignes françaises. Ils sont rapidement conduits jusqu’à la clairière de Rethondes, un lieu aménagé de deux voies de chemin de fer parallèles où stationnent deux trains, dont celui du maréchal Foch, l’autre pour les Allemands.
Une paix vécue comme un « Diktat » par les Allemands
Les Allemands se rendent vite compte que leur marge de négociation est quasi nulle. Les clauses sont très strictes. Sous quinze jours après la signature par les parties, l’Allemagne doit évacuer tous les pays qu’elle a envahis, l’Alsace-Lorraine, la rive gauche du Rhin et une bande de dix kilomètres sur la rive droite. Elle a l’obligation de livrer un impressionnant matériel de guerre, entre autres 5 000 canons, 1 700 avions, tous ses sous-marins, 5 000 camions, 5 000 locomotives et 150 000 wagons.
Les alliés se montrent inflexibles. Foch est sur la même ligne dure que Clémenceau. Pendant ce temps les évènements s’accélèrent. Le 9 novembre, le Kaiser abdique et s’exile au Pays-Bas. Pour les délégués allemands à Rethondes, le coup anéantit définitivement leurs maigres espoirs d’obtenir quelques concessions favorables. Dès le 10, le nouveau gouvernement de Berlin, qui craint de se faire déborder par les révolutionnaires d’extrême gauche, fait parvenir des messages pressants pour signer l’armistice au plus vite, sans chercher à discuter.
De ce fait, cet armistice et le traité de Versailles seront vécus par les Allemands comme une condamnation excessivement rude. Le terme de « Diktat » s’impose dans l’opinion publique qui n’a jamais vraiment pris conscience de l’ampleur de la défaite, les dégâts n’étant pas visibles sur son territoire. Les militaires allemands s’estiment trahis par les civils, on parle de « coup de poignard dans le dos ». Un caporal alors anonyme, Adolf Hitler, saura s’en souvenir. À noter que trois autres armistices avaient été signés dans les jours précédents : Thessalonique et Moudros, mettant fin au conflit sur le front oriental et celui de Padoue, entre l’Italie et l’Allemagne.
En 1916, était apparue en France l’idée de rendre hommage aux soldats de la Grande Guerre morts pour la France. Il faudra attendre 1920 pour que le parlement vote une loi le 8 novembre, et la fin d’une longue querelle pour savoir si la dépouille serait placée au Panthéon ou sous l’Arc de Triomphe à Paris.
Et si nous fêtons chaque année l’armistice de 1918, devenu un jour férié en France, nous le devons à la loi du 24 octobre 1922 qui le désigne comme le « jour du Souvenir », qu’il est de notre indiscutable devoir de perpétuer.