L'Amérique latine en mission
Après trois semaines d’exposés, d’échanges, de commissions, bref, de travail, les évêques d’Amérique latine et des Caraïbes ont choisi de lancer un gigantesque plan de mission pour les 10 prochaines années. Avec 500 millions de baptisés, soit près de 43% des catholiques du monde entier, l’enjeu est de taille.
Il y eut des années de lutte idéologique sur la forme que doit ou que peut prendre l’engagement chrétien, mais les choses paraissent aujourd’hui plus sereines. Le frein mis par Rome dans les années 1980 à la dérive marxiste de la théologie de la libération a pu laisser croire à certains que l’Eglise se désintéressait de la situation sociale et économique. Mais le 13 mai, en ouvrant cette Ve Conférence Générale du Celam (voir encadré) au sanctuaire marial d’Aparecida au Brésil (un lieu choisi par ses soins), le Pape dénonçait à la fois le système marxiste et le capitalisme, et rappelait la nécessité d’une Eglise politiquement indépendante au service des pauvres. « L’Eglise est l’avocate de la justice et des pauvres précisément parce qu’elle ne s’identifie ni aux politiciens ni aux intérêts des partis » expliquait-il, ajoutant que « l’option préférentielle pour les pauvres » est “implicite” dans la foi chrétienne, et qu’il appartient à l’Eglise de former les dirigeants politiques et économiques à une plus grande compréhension de leur responsabilité.
La mondialisation n’épargne pas plus qu’ailleurs les sociétés de ce sous-continent, et la sécularisation croissante y opère les mêmes révolutions dans les mentalités. Toujours dans son discours d’ouverture, sorte de “feuille de route” adressée aux évêques, Benoît XVI constatait un certain « affaiblissement de la vie chrétienne dans l’ensemble de la société », dû « au sécularisme, à l’hédonisme, à l’indifférence et au prosélytisme de nombreuses sectes, de religions animistes et de nouvelles expressions pseudo-religieuses ».
Sur un plan plus pastoral, après avoir souligné « la religiosité populaire, trésor précieux de l’Eglise », Benoît XVI faisait la liste des “domaines prioritaires” : la famille « qui souffre de situations entraînées par le sécularisme et par le relativisme éthique », les prêtres qui ont besoin d’une « structure spirituelle solide », les religieux et religieuses « qui doivent continuer à travailler avec héroïsme », les laïcs invités « à porter au monde le témoignage de Jésus Christ » et les jeunes. Ceux-ci, expliquait-il, ne doivent pas céder « aux modes ou aux mentalités courantes » mais cultiver « une curiosité profonde sur le sens de la vie ». « Ils doivent surtout s’opposer aux mirages faciles du bonheur immédiat et aux paradis trompeurs de la drogue, du plaisir, de l’alcool, ainsi qu’à toute forme de violence ».
Après le départ du Pape, et forts de ses encouragements, les évêques du Celam ont donc planché, sans faux-semblants, sur la réalité de leur situation et la manière d’annoncer la Bonne Nouvelle de l’Evangile dans ce nouveau contexte. Ils ont conclu, jeudi 31 mai, avec détermination, en lançant un vaste plan d’évangélisation. Dans leur document final d’une centaine de pages, ils expliquent : « Il s’agit de confirmer, rénover et revitaliser la nouveauté de l’Evangile, à partir d’une rencontre personnelle et communautaire avec Jésus Christ qui suscite des disciples et des missionnaires ». Voilà donc le début d’une « grande mission continentale ». Les communautés ecclésiales de base (CEB) y ont une place essentielle, « en communion avec leur évêque et le projet de pastorale diocésaine, (comme) instrument de formation et d’évangélisation ».
« Nous avons besoin d’une nouvelle Pentecôte, besoin de sortir à la rencontre des personnes, des familles et des communautés pour proclamer que le mal et la mort n’ont pas le dernier mot », conclut le document qui ajoute un plaidoyer pour le respect de la Création, en particulier de l’Amazonie. Prochain rendez-vous
dans 10 ans.
Celam
Le Conseil épiscopal latino-américain (Celam) est un organe permanent de liaison entre les 22 conférences épiscopales nationales d’Amérique latine et des Caraïbes. Il a été créé par Pie XII après une première assemblée à Rio de Janeiro en 1955. Le Pape a toujours assisté à ses Assemblées Générales depuis : Paul VI à Medellin en 1968, Jean-Paul II à Puebla en 1979 puis à Saint-Domingue en 1992. Depuis 2003, le président du Celam est le cardinal Francisco Javier Errazuriz Ossa, archevêque de Santiago du Chili.
Message du Celam
« Nous espérons : être une Eglise vivante, fidèle, rénovée, crédible et signifiante ; vivre notre christianisme avec joie et conviction (…) ; valoriser les différentes organisations ecclésiales dans un esprit de communion ; promouvoir un laïcat adulte, coresponsable dans la mission d’annoncer et de rendre visible le Royaume de Dieu ; maintenir avec un esprit renouvelé notre option préférentielle pour les pauvres ; accompagner les jeunes dans leur formation et leur recherche d’identité, de vocation et de mission ; fortifier avec audace la pastorale de la famille et de la vie ; valoriser, respecter et apprendre de notre peuple indigène et afro-américain ; avancer dans le dialogue œcuménique et interreligieux ; faire de ce continent un modèle de réconciliation, de justice et de paix ; prendre soin de la création, en fidélité au projet de Dieu. »
Message aux peuples d’Amérique latine et des Caraïbes Aparecida, mai 2007.