La révolution de Copernic
L’année 2013 offrira deux occasions de célébrer la mémoire de Nicolas Copernic puisqu’il est né le 19 février 1473 et mort le 24 mai 1543. De mère allemande et de père polonais, Copernic naît à Torun, une ville hanséatique au bord de la Baltique. Il a dix ans quand son père meurt et c’est son oncle, le futur évêque du diocèse de Varmie, qui l’adopte et lui offre une éducation complète qui fera de lui un humaniste de la Renaissance, à la fois théologien, médecin, mathématicien, économiste et astronome (il a étudié cette science à Bologne et la médecine à Padoue).
Avant son départ pour l’Italie, son oncle le fait élire chanoine – c’est-à-dire membre du conseil de l’évêché – au chapitre de la cathédrale de Frombork (Frauenberg en allemand), où ses restes ont d’ailleurs été enterrés en 2010. À Bologne, Copernic loge chez l’astronome Domenico Maria Novara, qui est l’un des premiers à remettre en cause les théories planétaires de Ptolémée, qui faisaient alors autorité. Et même s’il a écrit un essai remarquable sur la monnaie, la grande affaire de sa vie sera l’astronomie.
Observer pour comprendre
Il effectue sa première observation connue en 1497, en détectant l’occultation de l’étoile Aldébaran par la Lune. À son retour d’Italie, en 1503, il se fait construire un observatoire et va consacrer sept ans à écrire De Hypothesibus Motuum Coelestium a se Constitutis Commentariolus, un court traité d’astronomie qui ne sera publié qu’au XIXe siècle. C’est dans cet ouvrage qu’il expose pour la première fois sa théorie héliocentrique.
En 1530, il achève la rédaction de son œuvre majeure, De Revolutionibus Orbium Coelestium (De la révolution des sphères célestes), qui sera publiée très peu de temps avant sa mort, en 1543, par un imprimeur luthérien de Nuremberg. Le savant polonais avait découvert des incohérences dans la conception de Ptolémée et conclu que le Soleil, et non la Terre, est au centre du système : « Après de longues recherches, je me suis enfin convaincu que le Soleil est une étoile fixe entourée de planètes qui roulent autour d’elle et dont elle est le centre et le flambeau ».
Avant Copernic, l’astronomie était exclusivement mathématique et la façon de voir le cosmos reposait sur la thèse aristotélicienne que la Terre est le centre de l’univers et que tout tourne autour d’elle. Selon cette thèse, la Terre est au centre, puis viennent, dans l’ordre : la Lune, Mercure, Vénus, le Soleil, Mars, Jupiter, Saturne et ensuite la sphère éloignée que l’on nomme la sphère des fixes, car c’est là que l’on trouve les étoiles qui, elles, sont considérées immobiles.
Le système de Copernic repose sur l’observation que la Terre tourne sur elle-même et fait un tour sur son axe en une journée, et le tour du Soleil en un an. Il affirme aussi que plus l’orbite d’une planète est grande, plus elle mettra du temps pour faire une révolution autour du Soleil. Pour justifier ces axiomes révolutionnaires, Copernic met en évidence les défaillances des systèmes astronomiques existants : tout d’abord leur multiplicité, et ensuite leur incapacité à décrire avec précision les phénomènes observés. Même s’il n’est pas le premier à défendre l’héliocentrisme, il construit un système complet et cohérent comme personne avant lui.
Une acceptation progressive
Copernic a retardé de plusieurs années la parution de son œuvre, redoutant les foudres du Vatican et de Wittenberg (le centre du protestantisme), mais le pape Clément VII l’avait lu dès 1533, sans le critiquer. À aucun moment d’ailleurs, Copernic ne fut inquiété par l’Église de son vivant, et ses travaux furent même utilisés pour la grande réforme du calendrier décidée par le pape Grégoire XIII en 1582. Ce n’est qu’en 1616 que ses théories (et non sa personne) seront condamnées par l’Église, même si certains, parmi les Jésuites en particulier, lui restent favorables. À la suite de la mise en place de la mécanique céleste d’Isaac Newton, l’astronome James Bradley apporte en 1728 la preuve scientifique de la rotation de la Terre autour du Soleil.
Revenant peu à peu sur ses positions, l’Église acceptera définitivement l’héliocentrisme dans les années 1820. Avec la révolution copernicienne, les théologiens ont appris à se méfier d’une interprétation trop littérale des textes sacrés, et surtout, l’Église a su montrer qu’elle était capable de reconnaître ses erreurs et qu’elle ne se posait désormais pas en adversaire de la Science, mais comme son garde-fou et son éclaireur moral.