La planète : l'Eglise s'engage

15 Décembre 2009 | par

Alors que la question du climat s’impose comme une urgence, de plus en plus de chrétiens s’engagent pour la protection de l’environnement. Après avoir longtemps cru qu’ils pouvaient vivre sans la Nature ou en dehors d’elle, ils se rendent compte qu’ils sont responsables de la Création.


Si tu veux cultiver la paix, protège la Création, tel était le thème choisi par Benoît XVI pour la journée de la paix, ce 1er janvier. « Catho et écolo, c’est possible ? », se demandent certains. Mais pourquoi les chrétiens viennent-ils se mêler d’écologie ? Par effet de mode ? Dans tous les cas, ce type d’intervention papale quand elle est écoutée, étonne les non-chrétiens et même certains croyants car « beaucoup d’Européens […] [voient] le catholicisme comme un musée : celui des préjugés ou du bon vieux temps, au choix ; peu le [voient] comme une force de contestations », remarque Patrick de Plunkett, journaliste et essayiste auteur de L’Ecologie de la Bible à nos jours (1).



40 ans d’engagement papal

Mais depuis 40 ans, pour Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI successivement, l’engagement pour la sauvegarde de la Création est sans appel et sans ambiguïté. Ils parlent d’eau, de pollution, de couche d’ozone, de raréfaction des ressources naturelles et a fortiori des ressources énergétiques… Déjà dans les années 1990, Jean-Paul II appelait à une « conversion écologique ».



Depuis son élection, il ne se passe pas un mois, sans que Benoît XVI ne parle d’environnement. Car pour le Vatican l’enjeu écologique est indissociable de l’exigence de solidarité et de justice. Benoît XVI l’a réexpliqué dans son encyclique sociale Caritas in Veritate, dont le chapitre 4 est consacré au « développement des peuples, droits et devoirs, environnement ». « Le thème du développement est aussi aujourd’hui fortement lié aux devoirs qu’engendre le rapport de l’homme avec l’environnement naturel. Celui-ci a été donné à tous par Dieu et son usage représente pour nous une responsabilité à l’égard des pauvres, des générations à venir et de l’humanité tout entière », écrit le Pape. Cet été, lors d’une audience générale à Castel Gondolfo, il précisait encore : « consciente de la responsabilité commune envers la création, l’Eglise n’est pas seulement engagée à promouvoir la défense de la terre, de l’eau et de l’air, données par le Créateur à tous, mais elle se prodigue surtout pour protéger l’homme contre la destruction de lui-même. […] N’est-il pas vrai que l’usage inconsidéré de la création commence lorsque Dieu est marginalisé ou lorsque l’on en nie l’existence même ? Si la relation de la créature humaine avec le Créateur disparaît, la matière est réduite à la possession égoïste, l’homme en devient

l’« ultime instance » et le but de l’existence se réduit à une course effrénée à posséder le plus possible. »



Les intellectuels, relai de cette action

Ces propos trouvent des échos chez les intellectuels catholiques. Dans leur dernier ouvrage Pour un Christ Vert (2), Hélène et Jean Bastaire exhortent leurs lecteurs « à faire front contre la suprématie de l’argent » pour construire une nouvelle société où régneraient l’équilibre et la solidarité. Ils les appellent à se convertir à la sobriété. « L’enseignement de la Bible est formel : homme et bêtes, montagnes et étoiles, nous sommes tous embarqués sur le même bateau. Selon le dessein initial du Créateur, toutes les créatures ont droit aux mêmes égards […]. La charge est précisément confiée à l’homme d’assurer cette gestion conformément à la volonté divine, pour le temps et pour l’éternité. […] Les chrétiens demeurent trop souvent tributaires d’une conception utilitaire de la nature qui s’épuise tout entière dans l’homme. » Ils proposent aux chrétiens de faire place au don. Ceux-ci sont donc appelés à respecter la Création, à réviser leurs modes de vie, à rompre avec le modèle consumériste et à changer leur vision économique.



Des mouvements pionniers


Signe que les choses évoluent, « L’appel des chrétiens pour la conférence de Copenhague sur le réchauffement climatique », a reçu cet automne plus de 1 500 signatures, notamment d’associations et d’organisations reconnues comme le Secours Catholique, Pax Christi, le CCFD, la Fraternité franciscaine séculière...

Plus concrètement ? Depuis 2005, Pax Christi et une dizaine de partenaires sensibilisent les chrétiens à « vivre autrement ». A Noël et l’été, avec des slogans choc comme « Ne prenons pas la terre pour une dinde », leurs campagnes interrogent nos modes de vie et nos responsabilités individuelles et collectives.



De leur côté, les scouts et les guides de France ont décidé de réduire leur empreinte écologique (outil de mesure qui évalue la surface totale requise pour produire les ressources utilisées par chaque individu). Depuis février 2009, ils s’engagent à prendre le train plutôt que le car pour leurs camps d’été, ou à remplacer les boîtes de conserve dans les sacs à dos par des fruits et des légumes de saison. En bousculant leurs habitudes, ils souhaitent éduquer les jeunes à « habiter la planète autrement ».



La Communauté Vie Chrétienne (CVX) a créé en 2000 les ateliers chrétiens co-responsables de la Création. Ces ateliers regroupent environ 200 personnes. Ils agissent notamment en rendant les rassemblements chrétiens (assemblées, pèlerinages, congrès…) plus “propres” : tri des déchets, eau du robinet préférée à l’eau en bouteille, service de covoiturage... Pour prendre en compte ces évolutions, les évêques de France ont créé un groupe de travail « Environnement et écologie » lors de leur dernière assemblée générale début novembre. Et ils en ont confié l’animation à un “évêque vert”, Mgr Marc Stenger, président de Pax Christi-France. 



1L’écologie de la Bible à nos jours. Pour en finir avec les idées reçues. Patrick de Plunkett, L’œuvre, 2008.

2Pour un Christ vert, Hélène et Jean Bastaire, Salvator, 2009.


Le rôle de l'homme



La création, matière structurée de manière intelligente par Dieu, est donc confiée à la responsabilité de l’homme, qui est en mesure de l’interpréter et de la remodeler activement, sans



s’en considérer



le maître absolu. […].



Avec l’aide de la nature elle-même […], l’humanité est vraiment en mesure de remplir le grave devoir de remettre aux nouvelles générations une terre qu’elles aussi, à leur tour, elles pourront habiter dignement et cultiver encore. Pour que cela se réalise, le développement « de l’alliance entre l’être humain et l’environnement, qui doit être le miroir de l’amour créateur de Dieu » est indispensable.





Benoît XVI, audience générale du 26 août sur le respect de la Création.



 

Updated on 06 Octobre 2016