La paix a besoin d'Assise

19 Septembre 2011 | par

 Le 27 octobre, 25 ans après la rencontre interreligieuse organisée par Jean-Paul II à Assise en 1986, les leaders de différentes religions se réuniront autour de Benoît XVI, dans la ville de saint François, pour prier pour la paix. Le pape allemand renoue donc avec un choix historique du pontificat de son prédécesseur, tout en y marquant son empreinte, soucieux d’attirer à Assise tous les chercheurs de vérité.



 

Il y eut d’abord cette journée du 25 janvier 1986, chargée d’images fortes, comme celle du pape polonais se tenant aux côtés de musulmans, anglicans, orthodoxes, juifs ou bouddhistes sur la grande place que domine la basilique d’Assise. On était alors en pleine Guerre froide. Jean-Paul II décida de répéter l’opération en 1993, puis en 2002, en réponse aux attentats du 11 septembre. Ce 27 octobre, c’est un autre pape, lui aussi profondément marqué par les horreurs de la Seconde Guerre mondiale, qui présidera cette nouvelle « Journée de réflexion, de dialogue et de prière pour la paix et la justice dans le monde ».

Dans l’invitation lancée en avril dernier par Benoît XVI, un détail a immédiatement marqué les esprits : cette journée s’adresse certes aux « frères chrétiens des diverses confessions », aux « représentants des traditions religieuses du monde » mais aussi à « tous les hommes de bonne volonté », qu’ils soient croyants ou non-croyants. On retrouve là l’expression d’une conviction très forte chez le pape, celle d’une ouverture du dialogue vers d’autres interlocuteurs qui ont pour ambition la recherche de la vérité.

Partant du principe que le dialogue ne doit « exclure personne », Benoît XVI a donc aussi invité des personnalités du monde de la culture et de la science qui, « sans faire profession de religion, se sentent sur la voie de la recherche de la vérité et perçoivent la commune responsabilité pour la cause de la justice et de la paix dans notre monde ». Cinq intellectuels non-croyants ont déjà répondu présent à l’appel, a assuré le « ministre de la culture » du Vatican,

le cardinal Ravasi. Parmi eux, la philosophe et écrivain française d’origine bulgare Julia Kristeva, qui avait déjà participé au « Parvis des gentils » au printemps dernier.

 

Non-croyants

En étendant son invitation à des non-croyants, le pape a ainsi prévenu tout risque de syncrétisme, évitant de fait toute possible cérémonie religieuse qui porterait à confusion. Pour Benoît XVI, c’est le moyen de couper court aux critiques qui se sont élevées contre cette journée dès l’annonce de sa tenue, notamment parmi les franges les plus traditionnelles de l’Église, celles-ci pouvant se targuer que des réserves avaient déjà été formulées à propos de « l’esprit d’Assise » par un certain cardinal Ratzinger, absent lors de la première rencontre en 1986.

C’est aussi afin d’écarter toute interprétation erronée de la future journée de prière pour la paix que l’Osservatore Romano a ouvert ses colonnes aux plus hauts représentants du Vatican, qui se sont chargés de clarifier les intentions du pape. Se faisant l’écho de la perplexité qui est née à l’annonce de cette journée, le successeur du cardinal Ratzinger à la direction du Saint-Office, le cardinal Levada, s’est ainsi interrogé lui-même sur les raisons qui ont poussé le pape à « juger opportun de se rendre en pèlerinage à Assise ».

 

Prière, jeûne, pèlerinage

Une réponse est fournie par le secrétaire d’État du Saint-Siège, le cardinal Bertone, toujours dans l’Osservatore Romano : si le monde a changé depuis 1986 « aujourd’hui, plus que jamais, la dimension religieuse se révèle être un élément indispensable pour la défense et la promotion de la paix ». Plus concrètement, le cardinal Bertone s’est voulu rassurant en précisant que la prière, l’un des trois éléments essentiels de cette prochaine rencontre avec le jeûne et le pèlerinage (voir encadré), « sera vécue surtout dans la dimension du silence et du recueillement, que l’on a préférée à des formes publiques de prière de chaque tradition ». Ce souci de prévenir tout « relativisme » n’a pas concerné que les chrétiens, a-t-il précisé. La prière doit être interprétée comme « un dialogue de chaque croyant avec Dieu ou l’Absolu, chacun selon sa tradition religieuse ou sa recherche de vérité », renchérit le cardinal français Jean-Louis Tauran, en charge du dialogue interreligieux au Vatican.

 

Pourquoi dialoguer ?

Plus largement, l’annonce de cette quatrième rencontre d’Assise a été l’occasion pour nombre de responsables du Vatican de livrer leurs sentiments sur l’utilité du dialogue interreligieux. « Pourquoi les chrétiens doivent-ils s’engager à dialoguer avec des personnes et des communautés d’autres religions ? », se demande ainsi le cardinal Tauran dans le quotidien du pape. D’abord parce que tous les hommes sont des créatures de Dieu et par conséquent frères et sœurs, puis parce que chaque être humain peut, grâce à la raison, pressentir l’existence du mystère de Dieu et identifier des valeurs universelles. Enfin, il convient selon le prélat français de dégager un « patrimoine de valeurs éthiques communes aux différentes traditions religieuses qui permette aux croyants de contribuer en tant que tels à l’affirmation de la justice, de la paix et de l’harmonie dans la société ».

Mais c’est peut-être le cardinal Koch, en charge de l’œcuménisme au Vatican, qui résume le mieux le souhait du pape de voir les Églises et les communautés chrétiennes ainsi que les représentants d’autres religions « témoigner de façon crédible et convaincante de la paix et de la justice dans le monde actuel, en proie à une recrudescence effrayante de la violence et au terrorisme ». Tous les participants à « Assise 4 » seront appelés à « affirmer publiquement que la foi et la religion ne s’apparentent d’aucune façon à l’hostilité et à la violence, mais vont de pair avec la paix et la réconciliation ».

 

Le programme de la rencontre

Les participants à la rencontre seront invités à partir de Rome, avec le pape, en train à Assise, la journée débutera ensuite par

« un moment de commémoration des rencontres précédentes et d’approfondissement du thème de la journée » à la basilique Sainte-Marie-des-Anges. Des membres de certaines délégations et le pape prendront alors la parole.

Après un « déjeuner frugal » marqué par la « sobriété », « un temps de silence suivra pour la prière et la réflexion de chacun ». Dans l’après-midi, tous ceux qui seront présents à Assise participeront à « un chemin qui serpentera vers la basilique de Saint-François », un chemin « en silence » qui entend « symboliser le chemin de chaque être humain dans la recherche assidue

de la vérité et dans la construction active de la justice et de la paix ».

Puis la journée prendra fin près de la basilique qui abrite le tombeau de saint François avec « le renouvellement solennel de l’engagement commun pour la paix ».


 

Updated on 06 Octobre 2016