La force des témoins et des martyrs
Leurs corps sont tombés. Les cierges, symboles de leurs vies, se sont éteints à Notre-Dame de Paris, mais leur souvenir est vivant, plus que jamais vivant. Aussi notre Messager unit-il sa voix à toutes celles qui se sont levées pour les commémorer et les célébrer, Car les sept moines de la trappe de Notre-Dame de l’Atlas, à Tibehirine, sont bien les témoins de la prière, de l’amour et de la foi que les croyants pleurent mais vénèrent pour leur courage, leur fidélité à l’Evangile et leur solidarité avec les populations auxquelles ils avaient donné leur vie. De cette vie, nous retiendrons le «Testament spirituel» du prieur, le Père Christian de Chergé, rédigé au moment de la première «visite» du GIA au monastère, fin 1993, et des analogies entre leur témoignage et celui d’Antoine de Padoue.
«S’il m’arrivait un jour d’être victime du terrorisme qui semble englober maintenant tous les étrangers vivant en Algérie, j’aimerais que ma communauté, mon Eglise, ma famille, se souviennent que ma vie était DONNEE à Dieu et à ce pays...
«J’aimerais, le moment venu, avoir ce laps de lucidité qui me permettrait de solliciter le pardon de Dieu et celui de mes frères en humanité, en même temps que de pardonner de tout coeur à qui m’aurait atteint...
«C’est trop cher payer ce qu’on appellera peut-être la grâce du martyre que de la devoir à un Algérien, quel qu’il soit, surtout s’il dit agir en fidélité à ce qu’il croit être l’Islam...
«Cette vie perdue, totalement mienne, et totalement leur, je rends grâce à Dieu qui semble l’avoir voulue tout entière pour cette JOIE-là (plonger mon regard dans celui du Père), envers et malgré tout.
«Dans ce MERCI où tout est dit de ma vie, je vous inclus, mes amis d’hier et d’aujourd’hui... et toi aussi, l’ami de la dernière minute, qui n’auras pas su ce que tu faisais.
«Oui, pour toi aussi, je le veux ce MERCI, et cet A-DIEU envisagé en toi...»
De telles vies données et de tels témoignages ne peuvent pas ne pas être sources de nouveaux dons de soi, de la même qualité, au Christ, à l’Evangile et aux hommes.
C’est précisément ce qui arriva un jour de 1220 à frère Antoine, jeune religieux augustin, au point de changer totalement l’orientation de sa vie. Cinq jeunes franciscains venaient d’être tués au Maroc. Ils avaient donné leur vie pour le Christ. Antoine en fut touché au plus profond de lui-même et voulut, lui aussi, partir annoncer l’Evangile en Afrique du Nord, au risque de sa vie. Dieu en ayant décidé autrement, il le fit par sa parole d’homme et de docteur «évangélique», dans une fidélité totale, consommant sa vie en marches, en travaux, en jeûnes et en prières. Depuis, son témoignage n’a cessé de susciter des vocations, de stimuler les apôtres de la parole proclamée et écrite, d’animer des missionnaires, d’attirer des foules de toutes origines et de toutes croyances vers l’unique Dieu et Seigneur.
La force des témoins, passés et présents, est bien celle-là: montrer que le Christ reste, pour nous, nos familles, nos jeunes, notre société, une valeur capable de motiver une vie entière, de la prolonger dans l’éternité de Dieu, d’éveiller des foules de nouveaux témoins; en un mot, d’entretenir, dans notre monde, une immense espérance.