La foi à l’épreuve du handicap
« Je suis tombé dans les pommes. » Le jour de la naissance de sa fille, Ghislain du Chéné apprend du médecin qu’il y a de « fortes présomptions » que Julie soit atteinte de trisomie. Une nouvelle inattendue, qui lui fait perdre connaissance. « Cela a été d’autant plus difficile que l’on m’a demandé de ne rien dire à ma femme, le temps que le diagnostic soit confirmé », se souvient-il, trois décennies plus tard. Et en rejoignant ses autres enfants, alors qu’il essaye de se réjouir avec eux de l’arrivée de leur petite sœur, une question traverse son esprit : « Qu’est que l’on a fait au bon Dieu pour mériter cela ? »
Pour des parents, une famille, l’annonce du handicap de leur enfant est toujours un moment difficile – que l’information arrive avant la naissance ou après celle-ci. « J’ai refusé d’avoir toute information à ce sujet avant la naissance, car je ne voyais pas bien ce à quoi cela aurait pu servir », raconte ainsi une mère mise en garde sur la santé de son enfant à venir par les médecins, en raison de son âge avancé. Les difficultés peuvent d’ailleurs être renforcées par les attitudes des autres, même malencontreusement. « Le médecin qui nous l’a annoncé a été bienveillant mais maladroit », confie un père, tandis qu’un autre était blessé par les paroles – qui se voulaient délicates – de ceux qui faisaient mine de ne pas voir le lourd handicap de son fils, pourtant particulièrement visible puisque celui-ci est dépourvu de membres.
Cependant, tout comme certains mots ou gestes peuvent aviver une douleur, d’autres au contraire donnent force aux parents. « Au moment de nous quitter, reprend Ghislain du Chéné, le médecin accoucheur s’est penché sur le berceau et il a dit à notre fille : “Bonsoir Julie, je pense que tu seras très heureuse car tu as l’air d’avoir des parents formidables qui t’aideront à grandir dans la vie”. » Et pour celui qui avait perdu connaissance en apprenant la trisomie de sa fille, cette attitude du médecin a été « le second choc » de la journée, un véritable « moment clef » : « J’ai compris que nous pleurions sur nous, alors que c’était Julie qui avait besoin de nous ».
Témoins de la tendresse de Dieu
« Aujourd’hui, je ne pense plus que Julie est une punition, détaille encore son père. Je crois que c’est une mission que nous avons reçue au jour de sa naissance, à savoir celle de la rendre heureuse. » Et il en est sûr : « Quand Dieu donne une mission, il donne aussi les moyens pour y arriver ».
Les mots de Clémence, maman d’un petit Romain, très handicapé à la naissance et nécessitant alors d’énormément d’attention, sont similaires. « Je me dis que le Seigneur a voulu confier ce petit garçon à des parents qui pouvaient le prendre en charge. »
Pour les parents d’enfants handicapés croyants, la foi est en effet bien souvent un solide pilier d’appui. « Le chrétien puise dans sa foi des motifs plus profonds encore, et une force particulière pour cette œuvre en faveur des handicapés », assurait ainsi saint Jean-Paul II en 1984. Et s’adressant à des parents d’enfants porteurs de handicap, il déclarait en 1981 : « J’espère aussi que la foi chrétienne vous aide à porter votre épreuve avec courage, sérénité et amour, car vous êtes auprès de ces enfants les témoins et les co-
opérateurs de la tendresse de Dieu ».
Dans cette mission de coopération, beaucoup de parents peuvent trouver le soutien d’association laïques, mais aussi souvent chrétiennes, ou a minima d’inspiration chrétienne. L’Office chrétien des personnes handicapées (OCH), Foi et Lumière ou encore L’Arche sont autant de mouvements qui veulent accompagner les personnes handicapées et leurs proches, portés par la foi en Jésus Christ. « Aux parents, Foi et Lumière apporte un soutien dans leur épreuve, leur permet de mieux percevoir la beauté intérieure de leur enfant », promet ainsi ce mouvement. Les temps passés avec ces associations sont souvent d’un grand réconfort pour les parents, qui voient leur enfant être mis en lumière – et leur fardeau être partagé.
« Ça, je sais faire ! »
Mais l’échange n’est pas à sens unique et ces associations peuvent aider les parents à se mettre à l’école de leur enfant, à apprendre qu’ils peuvent eux aussi grandir dans leur foi à leurs côtés. « Les personnes ayant un handicap mental, par le rayonnement même de leur pauvreté, peuvent introduire les chrétiens de confessions différentes dans la béatitude de la pauvreté du cœur qui leur permet de retrouver l’Esprit de Dieu », s’engage encore le mouvement Foi et Lumière, créé initialement pour permettre à des personnes atteintes d’un handicap mental de partir en pèlerinage. Nombreux sont ceux qui affirment avoir connu un approfondissement de leur foi au contact d’un enfant malade. « Une année, j’avais une petite fille trisomique dans ma classe, au milieu des autres élèves, confie Jacques, enseignant en maternelle. À chaque fois que je la voyais, je pensais aux petits enfants dont parle le Christ dans l’Évangile en demandant de les laisser venir à lui. »
Ghislain du Chéné, qui a occupé des fonctions importantes au sein de Foi et Lumière au niveau international, est fortifié par les « éclairs prophétiques » de sa fille Julie, jeune femme de désormais 34 ans à la « foi profonde ». Et ses frères ne s’y trompent d’ailleurs pas, puisque l’un d’entre eux lui a demandé d’être la marraine de son fils nouveau-né. « Elle a d’abord éclaté de joie, se remémore son père. Puis, elle est venue me voir, très sérieuse, pour me demander ce que recouvrait cette responsabilité. Je lui ai dit que la première des choses était de bien prier pour lui. » Et Julie, pleine de confiance, de répondre : «Ça, je sais faire ! ».