La famille, patrimoine de l’humanité à protéger
Du 1er au 3 juin dernier, Benoît XVI était à Milan, en Italie, pour la 7e Rencontre mondiale des familles. Pendant 6 jours, parents et enfants venus du monde entier ont afflué dans la capitale économique de la péninsule, accueillis par les familles milanaises, pour des temps d’échanges d’expériences, de partage, de formation et de débat. Le pape a trouvé auprès d’eux l’affection et la chaleur d’une famille désireuse d’entendre son message. Au cours de la rencontre, faite de multiples rendez-vous et de plusieurs bains de foule aux allures de JMJ, il a réaffirmé que la famille était « fondée sur le mariage entre un homme et une femme », « fécond dans la procréation généreuse et responsable des enfants ». Une réalité qui ne va pas de soi dans le contexte actuel, où les remises en question de la famille sont récurrentes. Mais la présence de près d’un million de personnes à la messe conclusive de la rencontre, et l’importante affluence aux rendez-vous précédents ont prouvé que beaucoup encore voulaient écouter la voix de l’Église.
Avec des mots simples, capables de parler aux enfants, qui représentaient une grande partie de la foule, comme aux adultes, Benoît XVI a rappelé les grands principes contenus dans l’encyclique historique de Jean-Paul II, Familiaris Consortio, publiée en 1981, qui définissait la famille comme une « communauté d’amour et de vie » et la vocation des époux comme un appel au don de soi. Le mariage est ainsi fécond non seulement pour l’individu mais pour la société entière, et c’est ce que le pape a réaffirmé en expliquant par exemple de quelle façon la famille est la première et irremplaçable école des vertus sociales, là où les enfants sont pour la première fois confrontés à l’altérité et à ses conséquences.
Rien de nouveau, donc, dans cette présentation tranquille du magistère de l’Église sur la famille, que Benoît XVI a décrit comme étant le « principal patrimoine de l’humanité ». Sans phrases choc, le pape est venu en pasteur à la rencontre du peuple de Dieu pour
redonner, en douceur et en profondeur, un message difficile à transmettre, souvent brouillé et confronté à l’évolution rapide du monde occidental remettant en cause les piliers traditionnels de
la famille.
Le dialogue spontané de Benoît XVI
Le protocole et les cérémoniaires ne prévoient pas beaucoup d’occasions au cours desquelles le pape peut improviser. Aussi, le moment le plus touchant a sans doute été le dialogue improvisé de Benoît XVI avec quelques familles le samedi soir, au cours de la veillée sur le site de l’aéroport de Bresso.
Benoît XVI a su se montrer ouvert, ferme dans la foi mais sans dogmatisme. Répondant à un couple de Brésiliens qui l’interrogeait sur la souffrance des divorcés remariés désireux de participer aux sacrements, Benoît XVI a mis l’accent sur l’importance de la prévention et de l’accompagnement de ces couples.
L’intervention de la famille Paleologos, venue de Grèce, très durement frappée par la crise, a constitué un moment émouvant du dialogue avec le Saint-Père. Si la situation grecque semble loin, elle est devenue concrète lorsque les parents ont décrit l’état d’esprit de leurs concitoyens, honteux et sans espoir face à une situation économique désespérée. « Tout en croyant à la providence, nous avons du mal à imaginer un avenir pour nos enfants », ont-ils expliqué.
L’impuissance et l’incompréhension face à la souffrance ont été au centre de plusieurs interventions de Benoît XVI lors de son séjour milanais. « Que pouvons-nous répondre à cela ? Les mots sont insuffisants », avait alors reconnu le pape. Il n’a pas hésité à évoquer l’angoisse de l’absence de Dieu face aux catastrophes, tel que le séisme qui a récemment frappé le nord de l’Italie, tout en rappelant sans relâche la présence du Père au cœur des épreuves.
Mais c’est aussi dans l’évocation de sa propre vie de famille que Benoît XVI a montré son visage d’un pape proche, loin des stéréotypes à son sujet. Le « paradis » de son enfance, son amour pour la musique et pour la nature, les joies quotidiennes en famille malgré la guerre : autant de détails autobiographiques confiés devant des milliers de pèlerins à la petite fille vietnamienne qui lui demandait des détails sur ses jeunes années et qui ont su parler au cœur des fidèles.
La famille, un capital social
À contre-courant, Benoît XVI a cherché à convaincre le monde politique du « capital social » que représente la famille en tant que facteur de stabilité et d’épanouissement. Il a dénoncé « la mentalité utilitariste qui tend à s’étendre aussi aux relations interpersonnelles et familiales, en les réduisant à de précaires convergences d’intérêts individuels et en minant la solidité du tissu social ». C’est pour cela que le pape a demandé aux familles de toujours privilégier la logique de l’être à celle de l’avoir. « La première construit – a-t-il dit – l’autre finit par détruire. » Cet appel à replacer sa vie autour d’un centre de gravité moins matériel a résonné avec une intensité particulière en pleine crise économique mondiale. C’est dans cette optique qu’il a renouvelé son souhait, déjà exprimé de nombreuses fois, que le repos dominical soit respecté. Le temps des retrouvailles en famille, autour de la table eucharistique et de celle du déjeuner apparaissent pour lui comme les points fermes sur lesquels s’appuyer.
Mais Benoît XVI est aussi bien conscient des difficultés que traversent les familles contemporaines : rythmes de travail peu favorables, notamment pour la maternité, affirmation de l’individualisme, résistance aux engagements définitifs. Il connaît les remises en question de plus en plus insistantes de la famille « traditionnelle ». Il sait aussi que beaucoup souffrent des blessures de l’échec au sein de leur famille. Dès lors, loin de lui l’idée d’évoquer la famille idéale. Il s’adresse à la famille réelle, celle qui subit les difficultés économiques et les difficultés relationnelles.
À l’époque de l’instabilité des sentiments et de la multiplication des situations familiales nouvelles, le pape a ainsi eu une pensée pour tous ceux qui partagent les enseignements de l’Église sur la famille mais qui sont marqués par des expériences douloureuses d’échec et de séparation. « Sachez que le pape et l’Église vous soutiennent dans votre peine », a-t-il affirmé, les encourageant à rester unis à leurs communautés, tout en souhaitant que les diocèses prennent des initiatives d’accueil et de proximité adéquates.
Sur la famille, Benoît XVI a montré ainsi que le magistère de l’Église n’est pas une série de normes et de recommandations contre de possibles « erreurs » contre la foi, mais bien la proposition d’un chemin de sainteté et de bonheur pour chaque individu et pour la société entière, malgré les obstacles et les attaques plus ou moins dures.
Plus que jamais, Benoît XVI apparaît à l’image d’un « doux pasteur qui ne recule pas devant les loups », ainsi que l’a récemment décrit L’Osservatore Romano, le quotidien du Vatican. Et les familles lui disent merci.
Prière pour les familles
Ô Dieu, de qui vient toute paternité au ciel et sur la terre,
Toi, Père, qui es Amour et Vie,
fais que sur cette terre,
par ton Fils, Jésus Christ,
« né d’une femme », et par l’Esprit-Saint,
source de charité divine,
chaque famille humaine devienne un vrai sanctuaire
de la vie et de l’amour pour les générations qui se renouvellent sans cesse.
Que ta grâce oriente les pensées et les actions des époux vers le plus grand bien
de leurs familles, de toutes les familles du monde.
Que les jeunes générations trouvent dans la famille un soutien inébranlable
qui les rende toujours plus humaines et les fasse croître dans la vérité et dans l’amour.
Que l’amour, affermi par la grâce du sacrement de mariage,
soit plus fort que toutes les faiblesses et toutes les crises
que connaissent parfois nos familles.
Enfin, nous te le demandons par l’intercession de la sainte famille de Nazareth,
qu’en toutes les nations de la terre l’Église puisse accomplir avec fruit
sa mission dans la famille et par la famille,
Toi qui es la Vie, La Vérité et l’Amour dans l’unité
du Fils et du Saint-Esprit.
Amen.
Jean-Paul II, 15 octobre 2000, Jubilé des familles