La dévotion populaire en Corse
Ostensions, rogations, processions, pardons, confréries, etc. La France est marquée par la piété populaire et la Corse, son île méditerranéenne, rayonne de ses dévotions populaires. Les Corses sont fiers de leurs racines chrétiennes et sont particulièrement heureux de la venue du Pape. « Au début, on ne pouvait pas croire que le Pape allait venir ! C’était tellement incroyable », confie Annie, une Ajaccienne. Les gens ont été profondément heureux, « Je n’avais jamais vu les personnes sourire autant », poursuit cette femme au service de l’accueil du Pape en Corse. Ce 15 décembre, le pape François a lancé aux Corses : « Vous êtes un exemple vertueux en Europe ! » Une parole heureuse pour un peuple fier d’être chrétien. Pour Antoine-Roch, prieur de la confrérie San Rucchellu d’Ajaccio, « ce qui a attiré le Pape, c’est cette foi simple et profonde ». Cet élan de joie est aussi partagé par Jean-Michel, prieur de la confrérie San Larenzu di I Peri : « Les gens ont attendu des heures sans se plaindre, on a un peuple uni, fier d’être en terre chrétienne et de recevoir le Pape ». La confrérie San Larenzu a d’ailleurs chanté Ave Maria Stella devant le Pape. Ce 15 décembre, ce sont des familles entières, des bébés jusqu’aux anciens, qui étaient là. Ce qui a fait dire au Pape : « Je me sens ici comme à la maison ! » Jean-Michel a aussi confié : « Le Pape a vu ce qu’intérieurement il savait ». Pour cet homme, membre de la confrérie depuis l’âge de 17 ans, « la piété populaire, c’est un peuple qui montre qu’il est fier d’être présent ». La piété populaire manifeste une soif de Dieu authentique.
Un trésor de l’Eglise
Dans son discours au congrès sur « la religiosité populaire en Méditerranée », le Pape a assuré que la piété populaire « nous rappelle l’incarnation comme fondement de la foi chrétienne ». La piété populaire est faite de prières, de chapelets, de neuvaines, de processions, de vénération de statues, de chemins de croix, de chants, de pèlerinages ou encore de dévotions aux saints patrons. « En exprimant la foi avec des gestes simples et des langages symboliques enracinés dans la culture du peuple, a poursuivi le Pape, la piété populaire révèle la présence de Dieu dans la chair vivante de l’histoire, renforce la relation avec l’Église et devient souvent une occasion de rencontre ». C’est ainsi que, de la piété populaire, découle « une force activement évangélisatrice que nous ne pouvons pas sous-estimer ». Pour le Pape, « la piété populaire, très profondément enracinée ici en Corse (…) fait émerger les valeurs de la foi et exprime en même temps le visage, l’histoire et la culture des peuples ». La piété populaire est un marqueur de l’identité corse, un trésor de l’Église. Dans son encyclique Dilexit nos, le Pape demande que « personne ne se moque des expressions de ferveur croyante du peuple saint et fidèle de Dieu qui, dans sa piété populaire, cherche à consoler le Christ ». Et Benoît XVI, déjà, avait qualifié la piété populaire de « grand patrimoine de l’Église ».
Une foi sans complexe
Sur la terre corse, la foi s’exprime sans complexe et avec une certaine fierté dans l’espace public. C’est ainsi qu’aux yeux d’Antoine-Roch, le cardinal Bustillo, évêque d’Ajaccio, a vu que les dévotions populaires pouvaient « être un moteur » et cherche ainsi à les mettre en avant. La piété populaire permet de transmettre la foi de manière simple et authentique, elle est un lieu où Dieu se révèle. La foi ne peut se limiter à l’intellect, elle a besoin également de symboles, de liens avec la vie, c’est ainsi que le Pape avait alors défini la piété populaire comme étant le « système immunitaire de l’Église ». Les rites et dévotions font partie de la religiosité populaire : même le Pape touche et embrasse les statues. La religiosité populaire implique le corps qui, la majeure partie du temps, se met en marche, notamment lors des processions. « Les relations entre la liturgie et la piété populaire sont particulièrement importantes dans le domaine des processions ; cette forme de culte, répandue dans le monde entier, a une valeur à la fois religieuse et sociale extrêmement riche et variée », assure le Directoire sur la piété populaire et la liturgie. La piété populaire mariale est chère au Pape, lui qui, avant et après chaque voyage en dehors de Rome, rend visite à l’icône de la Vierge Marie dans la basilique de Sainte-Marie-Majeure. Le Pape est attentif à cette forme particulière d’expression de la foi.
La piété populaire se vit au quotidien
En 2013 déjà, le pape François avait assuré que la piété populaire était « une voie qui conduit à l’essentiel si elle est vécue dans l’Église en profonde communion avec vos pasteurs ». C’est ce que cherchent à vivre les confréries, ces associations pieuses de laïcs très présentes en Corse. Le prieur de la confrérie San Rucchellu d’Ajaccio aime d’ailleurs rappeler qu’une confrérie existe « pour accompagner le clergé ». Être membre d’une confrérie, poursuit-il, « nous aide dans ce que l’on croit, nous fait aider notre prochain et nous fait maintenir une église ». En étant confrère, ajoute le prieur de la confrérie San Larenzu di I Peri, « on est acteur et non spectateur » de l’Église. « On “vit confrère” chaque jour ! », lance-t-il avec fierté. Les confréries sont, par-delà leur aspect dévotionnel, l’une des expressions privilégiées de la solidarité insulaire. Elles permettent également à beaucoup de personnes de revenir dans l’Église, notamment par le sentiment d’appartenir à une communauté. Les vertus des confréries pénètrent dans les cœurs corses et se reflètent partout ailleurs.