Jules Verne, plus vivant que jamais

20 Février 2015 | par

Si Jules Verne, mort il y a 110 ans le 24 mars 1905, avait connu Internet, nul doute qu’il se serait bien amusé de lire sur sa fiche wikipedia que : « son œuvre est populaire dans le monde entier et, selon l’Index translationum, avec un total de 4 702 traductions, il vient au deuxième rang des auteurs les plus traduits en langue étrangère après Agatha Christie. Il est ainsi en 2011 l’auteur de langue française le plus traduit dans le monde. »

Et nul doute qu’il eût été enchanté de pouvoir disposer d’une telle somme de connaissances d’un simple clic du pouce, lui qui passait des après-midi entières à la bibliothèque de la Société industrielle d’Amiens à éplucher la presse scientifique et rédiger des fiches qui lui serviraient de documentation pour ses romans.

Jules Verne est entré de son vivant dans notre inconscient collectif, créateur de mythes à l’instar d’un Conan Doyle ou de Kafka, véritable visionnaire de ce qu’allait être le XXe siècle. Ainsi, l’épouse de Neil Armstrong – le premier homme à avoir marché sur la lune – a raconté que lorsque son mari était là-haut, elle lisait Autour de la Lune pour savoir ce qui allait lui arriver.

De même, Jean-Louis Étienne, l’explorateur a rapporté que lorsqu’il est arrivé au pôle Nord, il avait été extrêmement surpris de reconnaître les descriptions présentes dans Les Voyages et aventures du capitaine Hatteras : « La banquise, les fractures de glaces, le blizzard, tout était fidèle à ce qu’il avait écrit. Il n’y avait pourtant jamais mis les pieds ». 

 

Il continue a inspirer les plus grands

Peu d’écrivains français peuvent se targuer d’avoir été une telle source d’inspiration pour d’autres artistes et créateurs. Walt Disney a failli se ruiner pour mener à bien sa mythique version à grand spectacle de Vingt Mille Lieues sous les mers, avec Kirk Douglas et James Mason. Et l’on n’en finirait pas, de L’Étoile mystérieuse à On a marché sur la lune, de trouver sous le crayon d’Hergé des allusions à l’œuvre de Jules Verne dans les aventures de Tintin. Au cinéma, des géants tels que Steven Spielberg ou James Cameron comptent parmi ses plus fervents admirateurs.

Tout commence à Nantes, où il naît le 8 février 1828. Son père est avoué, et aimerait bien que son fils reprenne sa charge, mais le petit Jules préfère rêver, durant toute sa jeunesse, à de longs voyages dans ces bateaux amarrés sous les fenêtres de sa maison familiale, face aux quais de la Loire. Les marins des cap-horniers qu’il aperçoit lui inspireront le personnage de Ned Land, le harponneur de baleines dans Vingt Mille Lieues sous les mers.

La légende voudrait qu’au cours de l’été 1839, il ait fait une fugue pour s’embarquer comme mousse sur un trois-mâts en partance pour les Indes. Mais c’est à Paris qu’il « monte », à l’âge de 20 ans, après une déception amoureuse. On le reçoit dans des salons littéraires où il a l’heur de plaire. Il se lie d’amitié avec Alexandre Dumas fils, qui va l’aider à faire jouer sa première pièce, Les Pailles rompues, alors qu’il n’a que 22 ans, suivie de quelques opérettes (!) à succès.

Après son mariage, il est obligé de devenir agent de change pour gagner sa vie, son beau-père lui ayant confié un petit capital à placer en bourse. En 1861, il se lance dans l’écriture de son premier roman. C’est alors qu’intervient, tel un petit miracle, sa rencontre avec l’éditeur Pierre-Jules Hetzel qui va lancer sa carrière pour de bon. L’éditeur, qui avait déjà publié Balzac, Victor Hugo ou George Sand, est emballé par son histoire de ballon et lui signe sur le champ un contrat pour publier Cinq Semaines en ballon qui paraît en janvier 1863.

 

Une noirceur inattendue

Le succès est au rendez-vous, suivi par une salve de chefs-d’œuvre universellement connus, parmi lesquels Le Tour du monde en quatre-vingt jours, De la Terre à la lune, ou encore Michel Strogoff dont il tirera une pièce à succès.

Ses premiers romans sont fondés sur la fascination qu’éprouve son époque envers le savoir et le progrès, mais plus tard, cette fascination va être remise en question par l’auteur lui-même qui se met à douter de la capacité de l’homme à en maîtriser leur inquiétant pouvoir. Certains de ses romans relèvent d’ailleurs du genre gothique, voire de l’épouvante, comme Le Château des Carpathes. Et son dernier roman, Le Phare du bout du monde, est un récit posthume d’une très grande noirceur.

Malgré cela, c’est le Jules Verne optimiste des premiers romans dont on préfère se souvenir. À la fin de sa vie, il est une vraie star. Le bey de Tunis met son train privé à sa disposition, le pape le reçoit à Rome et un feu d’artifice est tiré en son honneur à Venise. À sa mort, l’empereur Guillaume II envoie son chargé d’affaires suivre le cortège (mais aucun délégué du gouvernement français n’assistera aux funérailles).

Depuis, son succès ne s’est jamais démenti. C’est pour lui que l’éditeur Hachette crée la Bibliothèque verte en 1924, et quand en 1994, son arrière-petit-fils retrouve et fait publier le manuscrit de son second roman qui avait été refusé par Hetzel, Paris au

XXe siècle
, celui-ci devient immédiatement un best-seller et figurera pendant vingt semaines parmi la liste des livres les plus vendus. Peu d’autres écrivains français peuvent en dire autant. 

Updated on 06 Octobre 2016