Journal intime
Curieuse impression, notaient les conférenciers, que celle de lire le courrier qui ne nous est pas adressé ! De pénétrer par effraction dans le secret des cœurs et dans ce qui constitue la sphère privée ! C’est en effet un vrai journal de l’âme que ces cahiers dans lesquels hommes et femmes, pères et mères de famille, jeunes et adultes, inconnus, confient à saint Antoine leurs angoisses et leurs requêtes les plus intimes. Sans violer cette intimité, arrêtons-nous un instant sur les enseignements qu’ils nous livrent. Démarche de foi, anonymat, intimité Ces confidences sont liées à une démarche de foi, individuelle ou en groupe, souvent jointe à de vrais sacrifices – voyage, fatigue, coût matériel –, dans un lieu de pèlerinage, fortement investi de la présence et de l’intercession d’un saint : En ce 13 juin, en notre pèlerinage à saint Antoine, nous demandons… Comme chaque année, nous sommes venus te confier nos enfants, nos petits-enfants… Cette démarche est elle-même répétitive, rattachée à la pratique traditionnelle du pèlerinage et transmise d’une génération à l’autre : Ma mère avait une grande dévotion pour vous, saint Antoine. Je suis son fils… Les messages et les requêtes sont, eux aussi, caractéristiques du lieu de pèlerinage : textes courts, parfois en style télégraphique, expression d’une an-goisse ou d’une situation urgente et grave : Cancer depuis 8 ans, 34 ans, 2 enfants… Priez pour moi… . Ils empruntent le langage quotidien, souvent calqué sur celui de la liturgie : protège-nous, bénis mon frère, exauce mes prières, sanctifie les membres de la famille… L’anonymat des requêtes – seulement un tiers des messages est identifiable – souligne le désir d’intimité et de discrétion, exprimé par la voix de la femme – grand-mère, mère, épouse – dans son rôle de gardienne du patrimoine familial, chargée de l’éducation religieuse et morale des enfants. Et leurs contenus révèlent la gammes des priorités : la santé en premier lieu, la sécurité, le bonheur, le travail, les études, le salut spirituel, l’issue d’un procès, les objets perdus, la bonne mort : Faites que le Seigneur accueille X décédé dimanche dernier… Inter-cédez pour mon frère qui est là-haut… Impossibles à enfermer dans des données statistiques, à cause de la forte charge émotive et de la valeur spirituelle des contenus, ces messages des Hauts-Buttés pourraient être multipliés par ceux qui sont déposés à la tombe de saint Antoine à Padoue et auprès de ses nombreux sanctuaires dans le monde. Ils témoignent des in-nombrables angoisses qui tourmentent nos vies, que seule la miséricorde de Dieu et la confiance en ses fidèles serviteurs est capable de contenir. * La communication de Claude Brévot-Dromzée et Nicole Fiérobe avait pour titre : Rituel d’écriture ? Ecriture culturelle ? Cahiers de dévotion à saint Antoine de Padoue (Hauts-Buttés – Ardennes). Pèlerinages de juin et août. 1991-2001.