Jean XXIII et Jean-Paul II : Deux papes qui ont changé les relations entre l’Église et les hommes
Ce 27 avril, dimanche de la Miséricorde, deux papes vont devenir saints ! L’Italien Jean XXIII, qui a engagé l’Église sur un chemin d’ouverture et d’unité, et le Polonais Jean-Paul II, qui a profondément œuvré en faveur de la paix, des jeunes, de la famille, des femmes, de l’éthique, de la nouvelle évangélisation, du dialogue avec tous les hommes.
Le « bon pape Jean », surnom donné par les fidèles à Jean XXIII, reflète bien l’humanité qu’Angelo Roncalli apporta au Saint-Siège. Puis, le Polonais Karol Wojtyla, devenu le pape Jean-Paul II, a continué à apporter de l’attention, de la douceur et de la vigueur au sein de l’Église. On a notamment le souvenir d’un pape portant tant d’enfants dans ses bras ; gestes peu imaginables du temps où ses prédécesseurs étaient portés sur des sedia gestatoria.
Progrès social et synodes
Jean XXIII, ancien nonce à Paris, pape de 1958 à 1963, a eu à cœur le progrès réel de la condition sociale, qui le mena à rédiger son encyclique Mater et Magistra, dans laquelle il demanda que les habitants du monde entier « collabore(nt) activement » et « facilitent le mouvement des marchandises, des capitaux et des hommes d’un pays à l’autre ». Se faisant un point d’honneur à ce que la connaissance de la doctrine de l’Église soit développée, Jean XXIII ouvrit en 1962 le concile Vatican II. La tâche de ce concile n’était pas de définir des doctrines nouvelles, mais d’amener l’Église à « se mettre au niveau actuel sur les points où cela est nécessaire ». Pour Jean XXIII, si les doctrines de l’Église sont immuables, la manière de les faire connaître doit pour sa part changer de génération en génération. Lorsque Jean-Paul II fut élu, il estima le concile Vatican II riche d’avenir et il le mit en œuvre, notamment à travers les très nombreux synodes de son pontificat, écoutant et réunissant souvent les évêques de toute l’Église.
Dialogue et ouverture de l’Église
À l’aube du 3e millénaire et après la chute du communisme, Jean-Paul II avait une autre immense ambition : réconcilier les chrétiens et les Églises. À la nonciature de Paris, en 1980, il avait soutenu qu’un chrétien ne pouvait respirer qu’avec deux poumons, « oriental et occidental ». Déjà, Jean XXIII essaya de dépasser les divisions de l’Église chrétienne et rencontra, en 1960, l’archevêque de Cantorbéry, à la tête de l’Église anglicane. Cet événement sans précédent fut le symbole du rapprochement des Églises.
Dans ce même élan, en 1986, Jean-Paul II
se rendit à la Synagogue de Rome et qualifia les juifs de « frères aînés ». Cette même année, à Assise, le pape accueillit les représentants des grandes religions pour une prière commune. Ces deux gestes, eux aussi sans précédent dans l’Histoire, illustrent le souci du dialogue interreligieux, de l’œcuménisme et de l’ouverture de l’Église. Par la suite, en 2001, Jean-Paul II fut le premier pape à entrer dans une mosquée, à Damas.
Des événements inoubliables
Les gestes historiques de Jean-Paul II s’enchaînent. En 1983, il pardonna au Turc Ali Agça, qui voulut le tuer quelques mois plus tôt. Ce fut l’un des actes les plus forts qu’il ait jamais posés. De même, certains jours de l’an 2000 demeurent inoubliables : en mars, le messager de la paix effectua une démarche historique de repentance, dans la basilique Saint-Pierre, en demandant pardon à Dieu au nom de toute l’Église catholique pour toutes les fautes commises depuis 2000 ans par les fils de celle-ci. Puis, la prière au mur de Jérusalem, la commémoration œcuménique des martyrs du 20e siècle au pied du Colisée et les Journées Mondiales de la Jeunesse en août à Rome. Ces événements ont comme gravé quelques-unes des plus grandes intuitions de son pontificat : le pardon et la purification de la mémoire, l’importance des racines juives pour la foi chrétienne, l’unité des chrétiens, la confiance dans les jeunes et donc dans l’avenir. La naissance des JMJ, suite à un premier rassemblement à Rome pour les Rameaux en 1985, est un trésor pour les jeunes alors qualifiés de « sentinelles du matin » par le pape.
Infatigable annonceur de l’Évangile
Aucun pape n’a autant écrit et prononcé de discours que Jean-Paul II : une quarantaine d’encycliques, exhortations ou lettres apostoliques. Ce défenseur des droits de l’Homme a visité 104 pays sur les cinq continents : « Le temps est venu où les évêques de Rome ne doivent pas se considérer seulement comme les successeurs de Pierre, mais aussi comme les héritiers de Paul qui, nous le savons bien, ne s’arrêtait jamais : il était toujours en voyage ». « Le monde est ma paroisse », avait affirmé le premier pape non italien depuis cinq siècles. Quelques semaines après son élection, il effectua son premier voyage au Mexique où il déclara aux évêques latino-américains : « Ne soyez pas des dirigeants sociaux, des leaders politiques ou les fonctionnaires d’un pouvoir temporel ».
Vie, femmes et culture
Dès le début de son pontificat, Jean-Paul II a clairement montré l’importance de l’Encyclique de Paul VI sur le mariage et la régulation des naissances Humanae vitae. Ce pape « amoureux de l’amour humain », dans son Encyclique Evangelium vitae, a invité tout homme à opter pour une exigeante « culture de la vie ». Au fil des années, Jean-Paul II a aussi approfondi la mission de la femme dans le mystère du Salut et évoqua le « génie féminin » dans sa lettre apostolique Mulieris dignitatem. Enfin, sa réflexion sur la culture fut un grand apport pour l’Église : à l’Unesco, à Paris, en 1980, il rappela que « la nation existe “par” la culture et “pour” la culture, elle est donc la grande éducatrice des hommes ».
Cette même année, à Lisieux, le pape avait soutenu que les saints étaient des « témoins du monde de l’avenir ». Une parole prophétique de la part de celui qui va être canonisé ce mois-ci, aux côtés de Jean XXIII, et qui a porté sur les autels plus de bienheureux et de saints – 482 en 27 ans de pontificat – que tous ses prédécesseurs au cours des quatre derniers siècles ! Deux nouveaux saints. Deux bras ouverts d’un même corps pour embrasser le monde entier !
« Frères et sœurs, n’ayez pas peur d’accueillir le Christ et d’accepter son pouvoir ! Aidez le Pape et tous ceux qui veulent servir le Christ et, avec la puissance du Christ servir l’homme et l’humanité entière ! N’ayez pas peur ! Ouvrez, ouvrez tout grand les portes au Christ ! À sa puissance salvatrice ouvrez les frontières des États, les systèmes économiques et politiques, les immenses domaines de la culture, de la civilisation, du développement. N’ayez pas peur ! (…)
Si souvent il est incertain du sens de sa vie sur cette terre. Il est envahi par le doute qui se transforme en désespoir. (…)
Permettez au Christ de parler à l’homme. Lui seul a les paroles de vie, oui, de vie éternelle ! »
Jean-Paul II, 22 octobre 1978, messe d’intronisation