Henri Dunant, Premier prix Nobel de la paix
Issu lui-même d’une famille de philanthropes protestants, le jeune Genevois Henri Dunant, né en 1828, sera à son tour un infatigable innovateur social entièrement dévoué à de justes causes en faveur des pauvres et des infirmes. Il n’est alors qu’un jeune banquier lorsqu’il est envoyé pour le compte de la Compagnie genevoise en Algérie où il fonde la Société des Moulins de Mons Djemila à Sétif. Mais il a besoin de l’autorisation de Napoléon III pour pouvoir exploiter une chute d’eau qui permettra de faire fonctionner ses moulins.
Le carnage de Solférino
Il décide donc d’aller rencontrer en Europe l’Empereur des Français, qui est justement en Lombardie où il mène la guerre pour chasser les Autrichiens hors d’Italie. La bataille de Solférino a lieu le jour même de son arrivée, soit le 24 juin 1859. Il est alors le témoin d’un carnage indescriptible. Trente mille blessés et mourants sont abandonnés sur le champ de bataille, sans eau, entassés dans la boue, à peine soignés par des services sanitaires dérisoires. Devant ce chaos, Henri Dunant oublie ses soucis algériens. Avec le soutien des paysans, il improvise des secours pour ces pauvres moribonds, sans faire de distinction de nationalité. Comme le répètent les femmes du village : Tutti fratelli (Tous frères).
Il va rester hanté par cette barbarie jusqu’à la fin de ses jours. Pour exorciser ce qu’il a vu, il rédige et fait publier en 1862 un livre qu’il va adresser à toutes les cours d’Europe : Un souvenir de Solférino. Il y plaide pour la création d’une organisation humanitaire qui viendrait en aide aux combattants blessés selon deux principes : un militaire hors de combat à cause de ses blessures cesse d’être un ennemi et doit désormais être considéré comme un être humain qui a besoin d’aide ; les médecins et les infirmiers pourront donner leurs soins sans crainte d’être capturés. Ainsi ils ne seront pas forcés d’abandonner leurs blessés en cas de percée adverse. Dunant fonde le Comité international de secours aux blessés de guerre, la Croix-Rouge, en 1863. L’année suivante, il réunit à Genève une conférence internationale qui élabore la première Convention de Genève – qui sera renforcée en 1906, 1929 et 1949 – « pour l’amélioration du sort des militaires blessés dans les armées en campagne ».
L’oubli et la réhabilitation
Cependant, Dunant le visionnaire idéaliste sera bientôt mis à l’écart par le pragmatique Gustave Moynier, l’un des cinq cofondateurs de la Croix-Rouge. Dunant tombe peu à peu dans l’oubli et la misère jusqu’à ce qu’un long article paru dans une revue allemande en 1895 ne vienne rappeler qu’il est l’authentique fondateur de la Croix-Rouge. Cette réhabilitation tardive lui vaudra d’être le premier lauréat du prix Nobel de la paix en 1901, pour avoir créé le plus important mouvement humanitaire à ce jour.
La Croix-Rouge n’aura pas évité les guerres – qui le pourrait ? – mais elle en aura au moins adouci les souffrances.
110 ans pour la paix
L’industriel suédois Alfred Nobel, inventeur de la dynamite, avait décidé par testament de consacrer son immense fortune à l’organisation d’un prix de portée internationale. Remis pour la première fois en 1901, les prix sont décernés chaque année à des personnes « ayant apporté le plus grand bénéfice à l’humanité », que ce soit en faveur de la paix, du développement des connaissances scientifiques ou par l’œuvre littéraire la plus impressionnante. Le prix Nobel de la paix récompense « la personnalité ayant le plus ou le mieux contribué au rapprochement des peuples, à la suppression ou à la réduction des armées permanentes, à la réunion et à la propagation des progrès pour la paix », selon les volontés d’Alfred Nobel. Cela comprend la lutte pour la paix, les droits de l’homme, l’aide humanitaire, la liberté. Ce prix, très sensible politiquement, a souvent fait polémique par des choix hasardeux. Il lui est aussi reproché d’avoir manqué certaines personnalités qui le méritaient, tel Gandhi, pourtant nominé quatre fois en dix ans. Le prix 2011, décerné à deux femmes libériennes et une yéménite « pour leur lutte non-violente pour la sécurité des femmes et leurs droits à une participation entière dans la construction de la paix », aurait particulièrement plu à Dunant qui était aussi un fervent avocat de la cause des femmes.