Giovanni Bellini - Influences croisées
Giovanni Bellini, né à Venise vers 1435, s’est formé dans l’atelier de son père aux côtés de son frère Gentile. En 1453, sa sœur Nicolosia épouse Andrea Mantegna, artiste majeur du Quattrocento. Son style, célèbre pour ses raccourcis audacieux et ses perspectives prodigieuses, inspire le jeune peintre. Ce dernier reprend à sa manière certains sujets peints par son beau-frère. Tout au long de sa carrière, Giovanni Bellini prendra à chacun ce qu’il sait pouvoir s’approprier. Son style emprunte à Byzance, aux Flamands, Jan Van Eyck, Dirck Bouts, Dürer ou encore Piero della Francesca. Mais Bellini n’imite pas, il ingère pour inventer un langage nouveau qui s’affirme par la couleur et le réalisme, et va caractériser le style vénitien. Après avoir découvert les panneaux de Jan van Eyck et Hans Memling, Bellini adoptera la peinture à l’huile. Cette nouvelle technique lui permet d’obtenir des transparences inédites dans les carnations et les drapés.
Une humanité à fleur de toile
Avec sa Sainte Justine peinte vers 1470, Bellini a trouvé son style. Il se spécialise bientôt dans la production de Vierges à l’Enfant. Les Vierges de Giovanni Bellini sont d’abord des mères. Leurs mains caressent l’enfant qu’elles portent au creux de leurs bras mais leurs yeux sont remplis de larme. Elles semblent résignées face à un destin qu’elles ne peuvent empêcher. Marie est ravagée de douleur lorsqu’elle recueille son fils au pied de la croix.
L’art de Bellini s’inscrit dans la Devotio moderna qui établit un rapport d’empathie entre le spectateur et les figures du sacré représentées. Le peintre vénitien a fait évoluer les images de dévotion en choisissant un cadrage resserré qui ouvre la voie à un lien plus intimiste et plus sentimental.
L’un des derniers tableaux de Bellini, La Dérision de Noé, représente le patriarche qui a sauvé l’humanité du Déluge, nu, ivre, endormi et raillé par l’un de ses fils. Considéré comme son testament pictural, ce tableau a été qualifié par Roberto Longhi d’œuvre inaugurale de la peinture moderne.
Le sens du détail
Giovanni Bellini a toujours eu un goût prononcé pour la représentation du paysage : les arrière-plans de ses Madones ou de ses Crucifixions sont conçus comme autant d’espaces à parcourir mentalement. Cette prédilection se teinte de notations flamandes tout en se référant aux panoramas majestueux de son beau-frère Mantegna. Mais plus étonnant sans doute, et c’est là sa modernité, c’est son sens du détail. Les historiens voient là l’influence de Cima da Conegliano, un artiste plus jeune dont la présence à Venise est attestée dès 1486. Ce dernier a renouvelé le paysage par un rendu minutieux des détails et un usage audacieux de couleurs franches qui ont inspiré le peintre vénitien. Les tableaux de Bellini présentent des édifices parfaitement reconnaissables mais aussi des plantes que les botanistes peuvent identifier.