Gandhi, la grande âme
Pour Churchill, c’était un « fakir à demi-nu ». Pour toute la nation indienne, il est devenu le Mahatma (la Grande âme) et le père de la nation. Mais dès avant sa mort, Gandhi (1869-1948) constituait déjà une source d’inspiration et un exemple à suivre pour ceux qui aspirent à changer le monde pacifiquement.
Mohandas Karamchad Gandhi naît le 2 octobre 1869, dans le port de Porbandar, dans la province du Goujarat où son père occupe le poste de Diwan (Premier Ministre). Sa mère, très religieuse, lui transmet les préceptes du végétarisme, du jeûne purificateur, du respect de toute forme de vie et de la tolérance envers toutes les religions, principes qu’il s’efforcera d’appliquer tout au long de sa vie.
Marié à l’âge de treize ans à Kasturba (qui en avait autant), il part ensuite à Londres à l’âge de dix-huit ans pour y suivre des études de droit et devenir avocat. Après une première expérience professionnelle décevante à Bombay, il décide de partir pour l’Afrique du Sud, une colonie britannique qui comptait une très importante communauté indienne et où il restera de 1893 à 1915. Il y découvre alors ce que sont l’intolérance, le racisme et les préjugés : on exige qu’il enlève son turban au tribunal, on le force à rejoindre la troisième classe alors même qu’il a pris un billet de train de première classe, etc. L’ensemble de ces incidents l’amène à réfléchir sur le statut de sa communauté et du peuple indien en général et vont l’amener à développer le mouvement des droits civiques et sa méthodologie du satyagraha (attachement à la vérité), première forme organisée de sa doctrine de l’action non-violente.
Lorsqu’il revient en Inde, il s’aperçoit qu’il connaît mal son pays et décide de le parcourir, allant de village en village, à la rencontre de la population.
Il fonde un ashram (un ermitage qui dispense aussi un enseignement), mène des grèves contre les grands propriétaires, appelle au boycott des marchandises britanniques. Il jeûne très souvent tout en prenant une part plus ou moins active au Parti du Congrès et en s’efforçant d’améliorer le sort des intouchables. Le point culminant de ces actions a lieu du 12 mars au 6 avril 1930, avec “La Marche du Sel” où il entraîne des milliers de personnes à sa suite à aller chercher leur propre sel à la mer plutôt que de payer des taxes exorbitantes. En réponse, le pouvoir britannique ripostera par des emprisonnements massifs.
Très populaire, il fera pourtant l’objet de plusieurs tentatives d’assassinat (pas moins de trois en 1934). Lorsqu’éclate la Seconde Guerre mondiale, il va multiplier les pressions pour l’indépendance, en particulier dans la résolution d’août 1942 Quit India (Quittez l’Inde), ce qui lui vaudra d’être arrêté avec les principaux membres du parti du Congrès et emprisonné deux ans à Pune, dans le palais de l’Aga Khan. Malgré cela, le principe de l’indépendance de l’Inde sera acquis dès la fin de la guerre et les autorités britanniques vont libérer 100 000 prisonniers politiques.
Mais ses épreuves ne sont pas terminées. La dernière ligne droite vers l’indépendance va être entachée par la partition de la nation indienne entre le Pakistan, à majorité musulmane, et l’Inde, à majorité hindouiste. Ce drame – qui provoquera le déplacement de 12 millions de personnes – allait le laisser dévasté. Le jour de l’indépendance, il ne participera pas aux festivités et restera seul à Calcutta, préférant porter le deuil de la partition. Le 30 janvier 1948, il est abattu à coups de revolver par un hindou extrémiste qui lui reprochait ses concessions au Pakistan. Deux millions de personnes assisteront à ses funérailles et selon sa volonté, ses cendres seront dispersées dans des fleuves tels que la Tamise, le Nil ou la Volga.
Bien qu’on lui ait refusé le prix Nobel de la Paix à cinq reprises, Gandhi est considéré comme la personnalité du XXe siècle la plus importante après Einstein, selon le classement du magazine Time. S’il ne fut pas l’initiateur de la non-violence, il fut le premier à la pratiquer à une aussi grande échelle politique, ce qui lui a permis d’inspirer des personnalités aussi diverses que le dalaï lama, John Lennon ou Lech Walesa. Cette citation pourrait résumer sa doctrine : « Il y a beaucoup de causes pour lesquelles je suis prêt à mourir, mais aucune cause pour laquelle je suis prêt à tuer. »