Galilée, Bible, science et foi
Padoue, haut lieu spirituel, est aussi un carrefour de cultures et le siège de l’université où Galilée trouva la confirmation des théories de Copernic et bouleversa les données astronomiques de l’époque. Une exposition, Voyage dans le Cosmos, retrace, à Padoue même, le chemin parcouru depuis Galilée jusqu’aux modernes sondes spatiales. Une occasion pour réaffirmer que science et foi sont deux facettes d’une même réalité.
Né à Pise, en 1564, c’est à Padoue que Galilée découvre, la nuit du 7 janvier 1610, au moyen de sa célèbre lunette, quatre satellites tournant autour de Jupiter. Il les appelle lunes médicéennes, parce qu’ils se comportent comme notre lune, et il les dédie à Côme II de Médicis, son élève à Florence. En même temps, l’astronome observe les aspérités de la lune, la voie lactée et le mouvement de nombreuses étoiles. Une merveille qui excède toute merveille, affirme-t-il, et qui confirme la thèse de Copernic – il y avait adhéré depuis 1595 – selon laquelle ce n’est pas l’univers qui tourne autour de la terre, mais la terre qui tourne autour du soleil et autour d’elle-même. Une découverte lourde de conséquences puisque, désormais, l’homme n’est plus le centre de l’univers, mais un être égaré dans un univers dont le mouvement lui échappe.
On connaît le sort que connurent ces découvertes. Jugées contraires à la Sainte Ecriture, les propositions de Copernic furent jugées absurdes, fausses et hérétiques en 1616; et en 1632, l’œuvre de Galilée Dialogue au sujet des deux principaux systèmes du monde, le ptoléméen (traditionnel) et le copernicien (nouveau), est mis à l’index tandis que son auteur est prié d’abjurer les erreurs et hérésies qui y sont contenues (1).
Au cours de l’Histoire, cette condamnation de Galilée devint le symbole de l’intolérance de l’Eglise et d’une supposée opposition entre science et foi. Un jugement partisan, si on en juge aux nombreux hommes d’Eglise qui contribuèrent – et qui contribuent encore de nos jours – aux progrès des sciences physiques, mathématiques et humaines. Un préjugé tenace qui oublie les prises de position officielles de l’Eglise: celle de Benoît XIV qui, en 1741, donne l’imprimatur à toutes les œuvres de Galilée; celle du concile Vatican I (1870), pour qui il ne saurait y avoir d’opposition entre la raison scientifique et la foi; et celle de Vatican II selon laquelle les réalités profanes et celles de la foi trouvent leur origine dans le même Dieu.
L’orientation du dernier concile a d’ailleurs abouti à l’examen du Cas Galilée et à deux affirmations d’une importance capitale en ce qui concerne les rapports de la science et de la foi: la première, en 1992, nous apprend à lire la Bible en tenant compte des découvertes de la science; la seconde, en 1996, réconcilie l’évolution du monde avec la foi en Dieu Créateur (voir encadrés).
Les Trois Galilée et Voyage dans le Cosmos
Les commémorations de Padoue se déroulent autour de deux thèmes: un colloque, Les Trois Galilée, et une exposition, Voyage dans le Cosmos, tous deux organisés avec le concours de la NASA.
Le colloque a eu lieu du 7 au 10 janvier 1997. Il réunissait les sommités de la science astronomique du monde entier et proposait l’analyse de trois Galilée: celui qui, au cours des nuits entre le 7 et le 10 janvier 1610, découvrit les quatre satellites de Jupiter; la sonde Galilée lancée par la NASA qui, pénétrant dans l’orbite de Jupiter, est allée rendre visite aux quatre satellites; le TNG (télescope national Galilée), installé dans l’île de La Palma (Canaries), à 2400 d’altitude. D’un diamètre de 3,6 m, il a pour mission de nous transmettre les images de l’infrarouge, invisibles à nos yeux.
L’exposition propose au public un voyage à travers le temps et les espaces infinis, pour découvrir, entre autres:
– les planètes, telles que les voyait Galilée et telles que nous pouvons les voir aujourd’hui;
– un ciel encombré de sondes, à l’image de nos trafics routiers, pour voir le ciel de près, nous transmettre ses informations et nous relier entre nous;
– les météorites qui révèlent la structure et la composition des matériaux extra-terrestres;
– la comète de Halley que visita la sonde Giotto, le 13 mars 1986, et que Giotto lui-même avait peinte dans la fresque de la Nativité dans la Chapelle des Scrovegni de Padoue;
– le télescope Hubble qui, malgré ses déboires, a porté l’œil de l’homme le plus près possible des profondeurs de l’univers, le chant du soleil que relèvent les sondes Ulysse et Soho, un modèle de 6 m d’Arianne 5, les moyens vidéo mis à disposition pour mettre les découvertes à notre portée...
Valentin Strappazzon
Le Cas Galilée
Le 3 juillet 1981, le pape Jean-Paul II instituait une Commission interdisciplinaire chargée de faire toute la lumière sur ce que l’on a appelé dans l’Histoire le Cas Galilée, sur les rapports difficiles de Galilée avec l’Eglise et plus particulièrement entre la science et la foi. Le 31 octobre 1992, la Commission publiait ses conclusions et le Pape ajoutait ses commentaires, dont nous extrayons quelques passages.
Bien comprendre la science avant de la condamner. (Déjà) Robert Bellarmin estimait que devant d’éventuelles preuves scientifiques de l’orbitation de la terre autour du soleil, on devait interpréter avec une grande circonspection tout passage de la Bible qui semble affirmer que la terre est immobile et dire que nous ne comprenons pas, plutôt que d’affirmer que ce qui est démontré est faux.
Ecriture et étude du monde physique: deux domaines distincts. L’erreur des théologiens d’alors... fut de penser que notre connaissance de la structure du monde physique était imposée par le sens littéral de l’Ecriture Sainte.
L’Esprit Saint, disait le cardinal Baronius, a voulu nous enseigner comment aller au ciel, non pas comment le ciel fonctionne.
Il existe deux domaines du savoir, celui qui a sa source dans la Révélation et celui que la raison peut découvrir par ses propres forces. A ce dernier appartiennent notamment les sciences expérimentales et la philosophie... Les deux domaines ne sont pas purement extérieurs l’un à l’autre, ils ont des points de rencontre.
Un de ces points de rencontre est précisément l’exacte compréhension de la théorie de l’évolution du monde par rapport à la foi au Dieu Créateur.
Evolution et foi
Le 22 octobre 1996, Jean-Paul II se prononçait, devant les membres de l’Académie pontificale des sciences, en faveur de la théorie scientifique de l’évolution des espèces, longtemps considérée comme contraire à la foi en la Création. Certains commentateurs ont vu dans les paroles du Pape une réhabilitation de Darwin et une mise en cause de tout l’édifice de la doctrine de l’Eglise. La réalité est tout autre.
Le fait de l’évolution, dit le Pape, s’est progressivement imposé à l’esprit des chercheurs; le darwinisme est une interprétation matérialiste et réductionniste qui attribue l’évolution au hasard et exclut toute intervention de Dieu dans le monde.
L’évolution, comprise selon une lecture spiritualiste, croit que le monde et l’homme sont l’œuvre de Dieu non seulement dans l’acte qui leur donne naissance, mais tout au long de leur développement et de leur durée. Aussi la science et la théologie concernent-elles deux ordres de choses conciliables et complémentaires:
Les sciences de l’observation décrivent et mesurent avec toujours plus de précision les multiples manifestations de la vie et les inscrivent sur la ligne du temps (dans leur succession).
L’expérience du savoir métaphysique, de la conscience de soi et de sa réflexivité, celle de la conscience morale, celle de la liberté, ou encore l’expérience esthétique et religieuse, sont du ressort de l’analyse et de la réflexion philosophique.
La théologie en dégage le sens ultime selon les desseins du Créateur (révélés dans l’Ecriture).
Le moment du passage au spirituel n’est pas objet d’observation (scientifique): celle-ci peut néanmoins déceler, au niveau expérimental, une série de signes très précieux de la spécificité de l’être humain (capacité de penser, de se déterminer, d’être libre, de créer des œuvres d’art, etc.).