Frère des Campagnes
Demandez au Frère Stanislas Houssais de décrire son rôle, et la réponse ne se fait pas attendre. « Aider les personnes à faire la vérité en elle-même, cette vérité qui vient de Dieu, de l’Esprit Saint et qui permet de dominer toutes les rancœurs, tous les égoïsmes. »
« Ne restez pas dans vos sacristies à caresser et dorloter votre brebis, il y en a 99 autres qui vous attendent dehors. Sortez et dites à vos chrétiens que la mission est en dehors de l’Église. » Le frère Stanislas Houssais, 78 ans, est encore tout ému de ce message du pape François aux évêques et aux prêtres. Cela fait en effet 50 ans qu’il vit ainsi, au milieu de la population.
Issu d’une famille très croyante, il a deux oncles prêtres et deux sœurs religieuses, et veut dès tout petit entrer au séminaire. Mais il ne veut ni célébrer la messe, ni monter en chaire… Il se dirige alors vers un monastère cistercien. Mais n’étant pas fait pour ça, on le renvoie au séminaire. C’est donc à reculons qu’il effectue ses deux premières années. Il y rencontre le père Épagneul, qui vient de créer les Frères Missionnaires des Campagnes. Ce fut la révélation. « J’avais un appel à une vie religieuse mais dont je n’avais pas découvert le cadre. Et c’est en rencontrant le père Épagneul que j’ai découvert ma vocation. Je voulais vivre simplement, avec les gens, comme eux, au milieu d’eux, en vivant de l’Évangile le plus profondément possible. »
Après son noviciat, on l’envoie dans un centre d’élevage, une communauté qui faisait de la formation d’adultes. « J’y étais parfaitement à l’aise parce que j’aidais des jeunes à entrer dans la vie professionnelle d’éleveurs, mais en même temps à maîtriser un peu leur vie, à devenir responsable. »
Il se retrouve ensuite ouvrier dans une usine et s’engage dans un syndicat. « Même si je n’étais pas d’accord avec certaines options syndicales, j’aidais les gens, les collègues de travail, à prendre leurs responsabilités et à essayer de regarder un peu clairement aussi bien leur vie professionnelle que leur vie personnelle. »
Il sera ensuite envoyé en Afrique, puis de nouveau en France. Depuis 2003, il était à Chateaumeillant, dans le Cher, avec trois prêtres. Un lieu que les Frères des Campagnes viennent de quitter après 50 ans de présence. « Nous sommes de moins en moins nombreux et la congrégation a fait le choix de lancer une communauté à La Carneille pour travailler sur les questions écologiques et sur le rôle des chrétiens dans le développement durable. C’est une nécessité d’évoluer avec le monde, de prendre des initiatives. Mais du coup, il a fallu quitter le prieuré de Chateaumeillant. »
Autre raison de cette fermeture, la nécessité d’envoyer des frères en Afrique. « Contrairement à l’Europe, en Afrique il y a encore de jeunes frères. Quatre sont entrés au noviciat en février. L’un d’entre eux vient d’être ordonné prêtre. Mais ils sont fragiles et ont besoin de soutien pour se développer. Ce n’est pas le travail qui manque en France, le manque est humain. »
Pas de quoi s’inquiéter pour autant. Le frère Houssais, qui s’occupe maintenant d’un lieu d’accueil à Chichery (89), continue de « témoigner que le Christ peut nous aider à porter nos souffrances et à regarder toujours au-dessus des nuages le soleil de l’espérance ».
« Je suis persuadé que notre présence est bénéfique. Mais quelquefois on porte un regard un peu tragique sur le monde actuel en nous demandant ce que vont devenir nos petits-neveux. Ne désespérons pas de l’Église, et surtout du Christ. Quand on voit le souffle d’un certain nombre de chrétiens actuellement, .on se dit que nous n’en sommes pas aux périodes noires des guerres de religions ou du Moyen Âge avec deux ou trois papes... Nous n’en sommes plus aux anathèmes depuis Jean XXIII, depuis le Concile. Oh non, l’Église n’est pas morte ! »
Être avec
Il y a 70 ans, en 1943, le père Michel-Dominique Épagneul, dominicain, fonde un institut religieux pour l’évangélisation des campagnes de France, spirituellement délaissées et en pleines évolutions. Nous sommes à Houssaye-en-Brie, la congrégation des Frères Missionnaires des Campagnes est née. Quatre ans plus tard, les Sœurs des Campagnes seront également fondées par Ghislaine Aubé. Autonomes, ces deux familles religieuses considèrent qu’au milieu des transformations de la société, le monde rural a toujours besoin d’hommes et de femmes qui l’aiment et qui lui consacrent leur vie pour y être les témoins de l’Évangile. Les frères peuvent être ordonnés ou non, et s’insèrent dans le monde rural en travaillant aux côtés de la population et en participant aux activités locales. Ils vivent en communautés fraternelles de quatre à cinq membres et s’associent à la prière de l’Église par l’Office et l’Eucharistie. Aujourd’hui, près de 115 frères se répartissent dans une vingtaine de prieurés en France, mais aussi en Afrique et au Brésil.
http://www.fmc-sc.org/