Franciscains : les Français en mission au Brésil

22 Mai 2014 | par

France-Brésil : une affiche de rêve pour la finale de coupe du monde 2014 ! France-Brésil, c’est aussi une longue histoire franciscaine entre ces deux pays. Entre le XVIIe et le XXe siècle, à plusieurs reprises, des fils de saint François venus de France ont rejoint le Brésil pour y semer l’Évangile.



Le Brésil ayant été progressivement colonisé par le Portugal à partir du début du XVIe siècle, on imagine volontiers que l’évangélisation du pays est également à mettre à l’actif des seuls Portugais. Or, il ne faut pas oublier que beaucoup de missionnaires – hommes et femmes – d’autres nationalités euro-

péennes ont franchi l’Atlantique pour tenter de gagner le Brésil à l’Évangile. Les fils de saint François n’ont pas été absents de cette épopée missionnaire, et parmi eux, des Français, et plus précisément des Capucins et des Tertiaires Réguliers.

 

Au XVIIe siecle, Maranhão et Pernambuco

En 1612, quatre capucins de la province de Paris participent à une expédition coloniale commandée par François de Razilly et soutenue par Marie de Médicis. En juillet, ils abordent la côte nord-est du Brésil, et, le jour de la Sainte-Claire, ils célèbrent leur première messe sur l’île de Maragnan, au milieu des indiens Topinamba. Dès l’année suivante, l’un de ces capucins, Claude d’Abbeville, revient en France pour y chercher du renfort, et, en 1614, il publie l’Histoire de la Mission des pères capucins en l’isle de Maragnan et terres circonvoisines. Mais cette « France équinoxiale », rêvée par les colons français, ne peut se maintenir face aux Portugais, et les frères quittent le Brésil en 1615. Saint-Louis du Maragnan (São Luís), ville fondée par les Français, est aujourd’hui la capitale de l’État de Maranhão.

Trente ans plus tard, en 1642, des capucins bretons débarquent au Pernambuco (la région autour de Recife), terre hollandaise, et donc protestante, depuis 1630. Bientôt, les Portugais reprennent le contrôle du pays et tolèrent les religieux français jusqu’en 1702, date à laquelle ils les expulsent – ces derniers ayant refusé de prêter serment au roi du Portugal. Pendant une soixantaine d’années, les capucins français ont donc évangélisé les populations indiennes, mais ils les ont également protégées face aux grands propriétaires terriens portugais. Les écrits du père Martin de Nantes, arrivé au Brésil en 1671, nous permettent de connaître la vie de ces missionnaires bretons, remplacés, après leur expulsion, par d’autres capucins, italiens, cette fois.

 

De la Savoie au Rio do Sul

Au milieu du XIXe siècle, l’évêque de São Paulo demande à Rome de lui envoyer des religieux pour prendre la direction du Grand séminaire diocésain. Eugène de Rumilly et Firmin de Scenteilhas, capucins de la province de Savoie, arrivent sur place en 1854, et jusqu’en 1878, les religieux savoyards vont contribuer à former de nombreux prêtres séculiers, dont plusieurs deviendront évêques.

En 1895, c’est l’évêque de Porto Alegre – la capitale de l’État le plus méridional du Brésil, le Rio Grande do Sul –, qui fait à nouveau appel aux capucins de la province de Savoie. Il leur confie comme champ d’apostolat les migrants – nombreux dans cet État –, et surtout les Italiens. Les deux premiers frères, Bruno de Gillonnay et Léon de Montsapey, s’établissent au cœur d’une ville peuplée de colons italiens, Conde d’Eu (aujourd’hui Garibaldi) et prêchent de nombreuses missions dans les endroits les plus reculés : « Nous réunissons dans une petite chapelle 40 ou 50 familles, explique le père Bruno. Là, il faut catéchiser, préparer à la première communion, baptiser, etc. La prédication proprement dite ne diffère pas du mode adopté dans nos missions de Savoie. Nous nous attachons à faire des instructions, claires, solides et émouvantes. À ce travail des missions vient s’ajouter l’assistance des moribonds. Visiter un malade dans ce pays, c’est parfois deux grands jours de voyage à cheval et par des chemins dangereux. C’est pour nous un grand sacrifice, mais c’est une des choses qui nous a mérité la sympathie universelle dont nous jouissons dans ce pays ». Cette implantation capucine va prendre de l’ampleur avec la fondation de plusieurs couvents et d’un noviciat destiné à accueillir les vocations autochtones. Érigé en province en 1942, le Rio Grande do Sul compte aujourd’hui plus de 300 religieux, et développe de nombreuses activités apostoliques (paroisses, missions, école de théologie, présence dans les médias et en Haïti) – alors même que la province capucine de Savoie n’existe plus de nos jours.   

 

La mission du Mato Grosso

Les religieux du Tiers-Ordre régulier franciscain, qui avaient disparu à la Révolution du paysage ecclésial français, sont refondés dans les années 1860 par un prêtre séculier du diocèse d’Albi, l’abbé François-Marie Clausade. En 1904, dans le contexte tendu des lois contre les congrégations religieuses, plusieurs tertiaires réguliers français s’expatrient au Mato Grosso, un État brésilien situé au cœur de l’Amazonie et particulièrement dépourvu d’encadrement ecclésial. L’un d’eux, Louis-Marie Galibert (1877-1965), devient en 1915 l’évêque du diocèse récemment créé de São Luíz de Cáceres. Il exerce son ministère dans des conditions particulièrement difficiles : très petit nombre de prêtres, contacts périlleux avec les populations indiennes, immensité du territoire et absence de moyens de communication. Mais les religieux ne sont pas totalement seuls : chacun bénéficie de l’assistance d’une « orante » – à savoir une clarisse du monastère de Lavaur qui prie et se sacrifie pour « son » missionnaire. Aujourd’hui, les tertiaires réguliers ne disposent que d’une seule maison en France (Notre-Dame de la Drèche, près d’Albi), et ils n’envoient plus de missionnaires au Brésil. Néanmoins, un lien s’est maintenu entre le Mato Grosso et la France. L’actuel évêque émérite de Guajará-Mirim (l’un des diocèses du Mato Grosso), Don Gérald Verdier, est originaire de la petite commune d’Alban dans le Tarn, et l’association La lettre d’Amazonie assure le soutien financier et spirituel de son diocèse. Une autre manière d’être « orant » ou « orante » et de participer à la mission. n

 

Pour en savoir plus :

L’Histoire de la mission des pères capucins en l’isle de Maragnan est disponible en version numérisée sur le site gallica.bnf.fr

Le site Internet de l’association La lettre d’Amazonie : www.lettre-amazonie.org

Updated on 06 Octobre 2016