Foi et business : un duo gagnant ?
Travailler, créer, donner. Ce trio positif, devise de la Fondation Ferrero, redonne de l’espérance ! Cette société italienne, née à Albe en 1946, est un reflet des paroles de Benoît XVI : « l’économie est au service de l’homme et non du plus grand profit ». Michele Ferrero, fils du fondateur du groupe Ferrero, décédé en 2015, s’était toujours opposé à une entrée en Bourse. Un membre du groupe avait estimé que s’ils avaient des actionnaires, ils devraient augmenter le chiffre d’affaires, mais, pour lui, « pour faire un bon produit, il faut du temps ». Le père du Nutella attribuait son succès, non à l’originalité de ses produits et à la qualité de sa gestion, mais avant tout à sainte Bernadette Soubirous et à Lourdes pour qui il avait une dévotion particulière. Ce fervent catholique estimait que le succès de Ferrero était dû à Notre-Dame de Lourdes. « Sans elle, disait-il, cela n’aurait pas été possible ». Chaque année, Michele Ferrero se rendait en pèlerinage dans cette ville des Pyrénées françaises, en compagnie des cadres supérieurs de la société. Des visites au célèbre sanctuaire étaient également organisées pour les employés. Un article de journal avait rapporté que « à chacune de ses visites à Albe, cet homme s’agenouille et prie devant la statue grandeur nature de la Sainte Vierge de Lourdes qui trône à l’entrée de l’usine. Un rendez-vous auquel il ne renoncerait pour rien au monde ». Selon la volonté du fondateur, une réplique de la statue orne toutes les usines, entrepôts et bureaux du groupe dans le monde. Une manière pour lui de remercier la sainte qui l’a accompagné depuis le début de son épopée industrielle et d’imprimer un modèle social paternaliste et pieux qui s’est avéré très rentable. Le groupe vend aujourd’hui plus de 365 000 tonnes par an de Nutella. Cette activité économique ne recherche pas la logique marchande à tout prix mais elle vise essentiellement la recherche du bien commun.
Intention droite
Toute décision économique a une conséquence de caractère moral. C’est ainsi que Benoît XVI demandait de ne « pas être les victimes de la mondialisation, mais les protagonistes, guidés par la charité ». Il assurait que « le principe de gratuité et la logique du don, comme expression de la fraternité, peuvent et doivent trouver leur place à l’intérieur de l’activité économique normale ». C’est une exigence conjointe de la charité et de la vérité. Pour fonctionner correctement, l’économie a besoin d’une éthique alliée avec l’homme et de transparence, d’honnêteté et de responsabilité. Aux yeux de Benoît XVI, « l’intention droite, la transparence et la recherche de bons résultats sont compatibles et ne doivent jamais être séparés ».
Pour le développement de l’homme
La redistribution de la richesse à l’échelle de la Planète passe par des processus de mondialisation convenablement conçus et réglementés. S’ils sont mal gérés, avait prévenu Benoît XVI, « ils peuvent au contraire faire croître la pauvreté et les inégalités et contaminer le monde entier par une crise ». Pour lui, « toute l’économie et toute la finance, et pas seulement quelques-uns de leurs secteurs, doivent, en tant qu’instruments, être utilisés de manière éthique afin de créer les conditions favorables pour le développement de l’homme et des peuples ». La finance doit donc être un instrument visant le développement. L’argent mal utilisé enferme l’homme dans un égoïsme aveugle. C’est pour cela que le contournement fiscal de certains acteurs du marché, notamment des grands intermédiaires financiers, représente une ponction injuste de ressources à l’économie réelle et demeure un préjudice pour l’ensemble de la société civile. L’évasion et la fraude fiscale, avant d’être des actes illégaux, nient le secours mutuel et la solidarité qui sont la loi de base de la vie.
Déséquilibres
Tant que notre système économique et social « produira encore une seule victime et tant qu’il y aura une seule personne mise à l’écart, la fête de la fraternité universelle ne pourra pas avoir lieu », déplore le pape François, en se situant dans la même lignée que Benoît XVI. « Que le “non” à une économie qui tue devienne un “oui” à une économie qui fait vivre, parce qu’elle partage, inclut les pauvres, utilise les profits pour créer la communion », martèle le Saint-Père. La vision de l’existence purement productiviste et utilitariste est clairement dénoncée. Il y a presque 20 ans, en recevant l’ambassadeur des Philippines, Jean-Paul II avait assuré que la mondialisation croissante de l’économie n’était pas nécessairement une solution aux besoins réels. « En fait, avait-il confié, elle peut aggraver les déséquilibres déjà évidents entre ceux qui bénéficient de la capacité croissante du monde à produire des richesses et ceux qui sont laissés en marge du progrès ». Même s’il n’existe pas de recettes économiques valables en tout lieu et en tout temps, notre époque montre l’essoufflement d’une vision individualiste de l’homme. À tort, l’homme moderne est parfois convaincu d’être le seul auteur de lui-même, de sa vie, de la société. Cette vision, opposée à celle du christianisme qui prône la charité motrice de toute action, dévoile amèrement que les égoïsmes et les abus en tous genres ont une puissance de nuisance forte et profonde. Ainsi, partager les gains financiers avec les autres est la façon la plus concrète pour ne pas faire de l’argent une idole.