Ferments de paix sur fond d’horreur
Ici et là, des croyants, toutes religions confondues, invitent les hommes de bonne volonté à à suivre avec détermination la voie du dialogue.
Il y a trois mois déjà… Avec le crash des Etats-Unis, ce que l’on aurait cru inimaginable en dehors des films de fiction, devenait réalité. Avec l'effondrement des tours du World Trade Center, celle qui était considérée jusque-là comme la nation phare perdait une suprématie que l'on croyait indestructible. Paradoxalement, au cœur de cet absurde, rompant avec l'ordre établi, des signes d'un nouveau printemps, parfois imperceptibles mais bien réels, ont fait leur apparition. En voici quelques traces.
Appel à la paix
Après la tragédie, les déclarations émanant de personnalités et de groupes divers se multiplient dans le monde (lire les encadrés ci-contre), pour dire leur volonté de paix. Ici et là, des croyants, toutes religions confondues, organisent des célébrations pour la paix et invitent les hommes de bonne volonté à resserrer les rangs et à suivre avec détermination la voie du dialogue.
Dans les différents pays du monde, les Jeunes pour un Monde Uni (Focolari) relancent leur time out – minute de silence pour la paix chaque jour à midi – malheureusement pas interrompu depuis son lancement, lors de la guerre du Golfe.
Le 17 septembre, devant l'apparition d'actes de représailles envers les Arabes américains, le président Bush demande instamment que les musulmans américains soient traités avec respect, déclarant : « Le visage de la terreur n'est pas le vrai visage de l'Islam. »
Le 23 septembre, à l'après-midi de prière interreligieuse du Yankee Stadium (New York), l'imam Pasha de la mosquée Malcom-Shabazz, de Harlem, exhorte pour sa part : « Ne laissez pas l'ignorance vous faire attaquer vos bons voisins. Nous sommes musulmans, mais nous sommes américains. » Le même jour, en ce même lieu, un pasteur américain parle d’un New York plus uni que jamais.
Armons-nous de fraternité
En France, quelques jours après les attentats, Mgr Noyer, évêque d'Amiens, publie un communiqué très parlant : « Armons-nous de Fraternité.» C’est une interpellation claire et forte aux chrétiens de son diocèse, une mise en garde contre les amalgames : « Allons-nous voir un terroriste derrière chaque visage étranger ? Allons-nous nous barricader dans des quartiers de sécurité ? Allons-nous nous méfier de notre voisin ? »
Pour réagir à ce courant de peur, il incite tout d’abord les chrétiens à garder leur sang-froid et à prier ; et, d'autre part, à lancer des invitations et à répondre positivement aux propositions de rapprochements qui leur seront faites. « La fraternité, y affirme-il, est la seule arme efficace à long terme dans cette guerre d'un type nouveau. »
De l’individualisme à la solidarité
Aux Etats-Unis, rien n’est et ne sera jamais plus comme avant : la face de la société semble avoir complètement basculé. Une jeune femme française musulmane, qui souffrait beaucoup jusque-là de l’individualisme ambiant, avoue avoir été très surprise du tournant pris par les événements : « Alors qu’avant, les gens restaient chez eux, en se saluant poliment, de loin, ils ont commencé à se parler, à être attentifs à leurs voisins… Les liens sont devenus plus chaleureux. »
Beaucoup d’habitants de New York ont fait cette même expérience, amplifiée à la « puissance mille » du fait de la proximité. A tel point que, quelque jours après le drame, un petit groupe de chrétiens écrivait à des amis outre atlantique : « Nous avons vu la ville se métamorphoser : des murs d’indifférence se transformer en une avalanche d’aides concrètes, de compassion, de réconfort, de promptitude à tenter le tout pour le tout pour soulager les souffrances… »
Un témoin raconte
Aldo C., professeur de l’université de Columbia, nous fait revivre en direct le choc de cette matinée du 11 septembre à présent. Lorsqu’il prend le métro à 8h45, comme chaque jour, le New York Times sous le bras, il ne sait pas encore qu’un premier avion se dirige sur l’une des deux tours jumelles du World Trade Center.
10h00. A son arrivée dans le hall d’entrée de l’université, l’attend un attroupement inhabituel et un spectacle incroyable. « Tous ont les yeux rivés sur l’écran de télévision, raconte-t-il. Les images montrent un avion qui vient s’écraser sur la seconde tour jumelle. Fumée. Cendres. Il me faut quelques secondes pour réaliser ce que je suis en train de regarder… »
10h30. Les deux tours se sont écroulées, comme deux châteaux de cartes, sous le regard atterré de millions de téléspectateurs. « Un murmure de terreur parcourt la salle où je me trouve. Un garçon se lève, baisse le volume de la télé et propose de prendre une minute de silence pour les victimes et pour les Etats-Unis. »
10h45. Sur le campus universitaire qu’il traverse, pèse un silence de plomb. Ça et là, des étudiants en sanglots, écrasés par l’angoisse et la douleur. « Les téléphones mobiles ne marchent plus. Impossible de joindre qui que ce soit. Au 11e étage, dans le bureau, on essaie de comprendre ce qui s’est passé. C’est le fruit de notre politique extérieure qui se retourne à présent contre nous , avance quelqu’un. »
11h00. Le président de l’université a annoncé la suspension de tous les cours pour la journée. « On fait appel à des donneurs de sang et à des volontaires pour la protection civile. Je découvrirai, quelques heures plus tard, que 60 000 personnes ont donné leur sang. »
Sur le chemin du retour, lorsque le métro reprend enfin, il rencontre de longues files de personnes devant les hôpitaux, qui viennent apporter leur aide. Des femmes ont préparé des repas chauds pour soutenir les médecins mobilisés.
« Près du pont de Brooklyn, termine-t-il, des commerçants juifs ont ouvert leurs magasins et distribuent gratuitement de l’eau à ceux qui ont rejoint à pied le quartier. Une image me revient à l’esprit. C’est vrai, il n’est pas d’épine sans rose… »
Que faire ? « (…) Que pouvez-vous faire aujourd'hui ? C'est simple : ce que vous voulez vivre, faites-le vivre aux autres. Si vous voulez vivre en paix, offrez la paix aux autres. Si vous voulez vous sentir en sécurité, donnez aux autres de se sentir en sécurité (…). Il est dit dans le Coran : Si Allah avait voulu, certes, il aurait fait de vous tous une seule communauté. Mais il veut vous éprouver en ce qu'il vous donne. Concurrencez-vous donc mutuellement dans les bonnes œuvres . » Extrait de l’intervention du groupe Islamicité |
L'espérance d'un nouveau départ: Tony Blair, le 2 octobre 2001 |