Fantin-Latour : de la réalité au rêve

17 Septembre 2007 | par

Fantin-Latour est surtout connu pour ses natures mortes. L’exposition révèle un artiste inclassable, indépendant, moderne et diversifié. Par choix, le peintre n’a appartenu à aucun cénacle. A la suite de Delacroix, il a choisi la rébellion contre l’Académie mais, sans pour autant faire table rase du passé. Entre 1852 et 1870, il réalise pas moins de 110 copies au Louvre et encouragera toujours les jeunes artistes à tirer profit de la leçon du musée. « Il n’y a que le Louvre, on ne peut jamais assez copier les maîtres ! » scandera-t-il ainsi à Renoir. Fantin-Latour enfourchera aussi derrière Courbet, la cause, alors révolutionnaire, du réalisme. Mais, nouveau paradoxe, il ne sortira jamais de son atelier.

Fantin-Latour s’est fait connaître comme portraitiste, activité qu’il exerce principalement durant les dix premières années de sa carrière. Ces tableaux sobres, dépouillés au fond généralement sombre, sont très statiques. Quelque part, ils ressemblent aux premières photographies qui exigeaient du modèle une longue pose totalement immobile d’où ces expressions figées qui les caractérisent.

Et pourtant, Fantin-Latour apporte toujours une note singulière qui donne l’impression que le modèle est saisi dans une certaine instantanéité. Ainsi dans le grand portrait de groupe de la famille Dubourg, réalisé en 1878, sa future belle-sœur Charlotte est non seulement vêtue d’un manteau et coiffée d’un chapeau, mais elle est aussi en train d’enfiler des gants. Ce savoir-faire atteint son paroxysme dans Un atelier aux Batignolles. Ce grand tableau, phare de l’exposition, a été réalisé en 1870 en hommage à Edouard Manet. L’artiste peint entouré de ses amis, Zacharie Astruc, Auguste Renoir, Emile Zola et Claude Monet… Fantin-Latour admirait tout particulièrement la manière dont son aîné de quelques années percevait la tradition et la modernité, non pas comme antinomies mais comme des extrêmes à concilier dans le tableau pour obtenir un art soustrait au temps.

L’exposition donne également la part belle aux natures mortes dont la plupart ont été réalisées à Buré en Normandie où Fantin passe régulièrement l’été à partir de 1879. Il dispose dans le jardin de fleurs coupées, grandes plantes en pot et branches fleuries. Ses compositions sont toujours d’un extrême raffinement. Le fond, une surface neutre, témoigne d’une exécution en atelier. Peindre des natures mortes en plein air, comme ont fait Courbet ou Delacroix, ne lui serait jamais venu à l’idée ! Enfin, nous découvrons une facette plus méconnue : ses sujets d’imagination. Comme Baudelaire, il est convaincu que l’artiste doit représenter non pas ce qu’il voit mais ce qu’il rêve. En 1869, il écrit à son ami Edwards : « En face des meilleurs choses que j’ai faites, j’avais toujours cet idéal devant moi : faire, représenter avec le plus de réalités possibles, ces rêves, ces choses qui passent un moment devant les yeux. » Ses sujets possèdent souvent un caractère éminemment musical. De fait, l’artiste était un mélomane passionné pour la musique de son temps, celle des grands compositeurs romantiques, Schumann, Brahms, Berlioz et Wagner. Cet enthousiasme transparaît dans l’iconographie de ses « sujets d’imagination » dont beaucoup sont des transpositions plastiques de scènes extraites d’opéras et de pièces de théâtre.


Infos
Fondation de l’hermitage
2, route du Signal - Lausanne
Tél. : + 41-(0)21-320 50 01
Site Internet :
Www.fondation-hermitage.ch
Jusqu’au 28 octobre.


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Tél. : +33-(0)1-40 20 50 50

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107, rue de Rivoli – Paris
Tél. : +33-(0)1-44 55 57 50
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Updated on 06 Octobre 2016