Église et nouvelles technologies : vers plus de communion ?
Le grand continent numérique : un vrai milieu de vie. Ce constat est bien une réalité qui traduit le quotidien du XXIe siècle. La surabondance d’informations et la forte influence d’Internet ouvrent la porte d’un monde séduisant et fascinant. Ainsi la technologie est omniprésente dans le quotidien d’une grande partie de l’humanité et a multiplié les moyens d’envoyer instantanément des mots et images partout dans le monde en quelques secondes. Si les nouvelles technologies offrent les possibilités d’une transmission plus rapide des messages, elles ont aussi imposé un langage nouveau. Internet n’est pas un simple porte-voix plus large, c’est un outil à part dont il faut connaître les codes. Le compte du pape François sur Twitter a dépassé les 40 millions d’abonnés : la Parole de Dieu peut ainsi arriver à des millions de personnes. Rester en arrière par peur de la technologie n’est pas acceptable, étant donné les innombrables possibilités positives offertes par Internet permettant d’atteindre les esprits et les cœurs de tous.
Être là où les gens sont
Être dans le monde numérique n’est pas un choix, mais une réalité. L’Église doit se trouver là où les gens sont et là où est présente une soif d’espaces numériques. Déjà Paul VI disait que l’Église « se sentirait coupable devant le Seigneur » si elle n’utilisait pas les médias pour l’évangélisation. Les jeunes sont habitués à un langage différent de celui de l’écrit, davantage enraciné dans la convergence de mots, de musique, de sons, d’images et de vidéos. L’environnement numérique faisant partie de la réalité quotidienne, le renouveau pastoral passe aussi par ces nouvelles technologies. Tous les diocèses et congrégations religieuses disposent d’un site internet, ce qui permet de trouver aisément les informations et les propositions. L’usage des applications a un impact sur nos vies : certains lisent plus facilement l’Évangile, un journal ou une méditation d’une retraite grâce à leurs tablettes ou téléphones. Les religieux sont très présents sur les nouveaux médias : parmi tant d’autres, les Dominicains ou les Carmes ont développé des « retraites dans la ville » pour le Carême et l’Avent, en ligne. Pour le dominicain Yves Habert, responsable de ces retraites, « les fruits sont nombreux », avec « près de 200 000 inscrits aux diverses propositions ». Menées par des frères et des laïcs qui se complètent, ces retraites sont concoctées par « des champions d’internet et des champions de la Bible, à chacun ses charismes ! ».
Bienfaits et opportunités
Les applications numériques permettent de réunir une communauté et de créer de nouveaux liens. Go confess permet de trouver facilement un confesseur autour de soi et a déjà touché des milliers de personnes. Go messe est quant à elle une plateforme de covoiturage née en 2019 pour emmener à la messe ceux qui ne sont pas véhiculés. Pour son fondateur, Emmanuel de Bélizal (cf. Messager de mai 2020) , ce site internet cherche à « rassembler le plus grand monde, tous âges confondus » et à « redynamiser le lien social » en vérifiant toujours le besoin local. Cette initiative numérique se traduit en bienfaits humains. La Traversée, un site né lors du confinement en mars dernier avec des enseignements quotidiens, est une initiative de quelques prêtres du diocèse de Toulon qui a mis plus de 20 000 personnes à bord de ce bateau virtuel. Tous les jours, des occasions de prière et un encouragement sont donnés à des personnes contraintes de rester chez elles. Internet offre aussi un accès direct et immédiat à d’importantes sources religieuses et spirituelles et possède une capacité remarquable à dépasser les distances et l’isolement. Si les nouvelles technologies ont considérablement augmenté les capacités relationnelles des êtres humains, la réalité virtuelle ne remplace pas la réalité sacramentelle et la présence d’une communauté humaine en chair et en os.
Limites et fin des médiations
Ces nouvelles technologies permettent une communication plus rapide, moins hiérarchisée, plus décentralisée, moins régulée. « Lorsque le désir de connexion virtuelle devient obsessif, la conséquence en est que la personne s’isole, interrompant ainsi l’interaction sociale réelle. Cela finit par perturber aussi les modèles de repos, de silence et de réflexion nécessaires à un développement humain sain », prévenait déjà Benoît XVI en 2009. La technique attire fortement l’homme car elle le soustrait aux limites physiques, qui sont bien réelles. L’Église, qui a traversé l’Histoire avec une communication hiérarchique et descendante, est aujourd’hui confrontée à l’horizontalité. Il y a à peine cinquante ans, lorsque le Pape publiait une encyclique, il le faisait à destination des évêques qui recevaient ce texte dans leur palais épiscopal, prenaient le temps de le lire et d’en faire un « mandement » adressé aux prêtres de leurs diocèses qui devaient ensuite en informer les fidèles. Ce jeu de médiations appartient désormais au passé. Depuis Jean XXIII, les encycliques sont adressées « à tous les hommes de bonne volonté » et désormais accessibles sur le site internet du Vatican et, en morceaux, sur tous les réseaux sociaux. Les chrétiens se contentent souvent de cette lecture éclatée, au milieu de tant d’autres informations. Il ne faudrait pas, à cause des écrans, oublier d’autres moyens de transmission de la Bonne Nouvelle comme l’art, la musique, la littérature. L’enjeu le plus important est de conduire d’un lieu réel qu’est le web vers des lieux de vie essentiels.