Dom Columba Marmion: Un saint pour notre temps !
Joseph Marmion naît à Dublin le 1er avril 1858, septième enfant d’une famille qui en comptera neuf. Son père, William Marmion, est Irlandais; sa mère, Herminie Cordier, est française. Reçu par ses parents comme un don de Dieu après le décès en bas âge de deux autres garçons, Joseph sera promis à Dieu dès sa naissance et habillé en noir dès sa plus tendre enfance: «Si cela nous paraît aujourd’hui abusif, explique le frère Ferdinand Poswick, moine de Maredsous, n’oublions pas que c’était pratique courante au siècle dernier, dans les familles catholiques et que les Marmion étaient particulièrement dévots».
Au sein d’une famille honnête, paisible et pieuse, cajolé par ses quatre sœurs aînées, le jeune Joseph va peu à peu découvrir sa vocation propre: non le sacerdoce, mais la vie religieuse monacale, bénédictine en particulier. Il entre au séminaire diocésain de Dublin à l’âge de 16 ans et finira brillamment ses études de théologie à Rome. «Ses aspirations monacales rencontrent des résistances, raconte Ferdinand Poswick, tant chez ses parents que chez ses supérieurs. On lui demande d’achever sa prêtrise classique et d’entamer un service paroissial afin d’éprouver la vocation monacale qu’il prétend être sienne».
Il obéit et est ordonné prêtre à Rome le 16 juin 1881. Mais, sur le trajet de retour vers son Irlande natale, il passe saluer un compagnon de cours dans la toute jeune abbaye bénédictine de Maredsous, près de Namur. Il est immédiatement séduit par l’atmosphère liturgique du lieu, fondé par les frères Wolter de Beuron en 1872 «dans un esprit de retour à la pureté des sources de la foi et du monachisme». Il veut entrer dans ce monastère, mais son évêque lui demande d’attendre et le nomme vicaire à Dundrum, puis professeur au grand séminaire de Clonliffe.
Ces charges lui permettront, suite au décès de son père, d’assumer les frais des études de médecine de son frère cadet. Mais sa vocation est ailleurs. En attendant, il devient le chapelain d’un couvent de Rédemptoristines et l’aumônier d’une prison de femmes. Il apprend ainsi à guider les âmes, à confesser, à conseiller et à aider les religieuses mourantes. A la mi-novembre 1886, son évêque lui donne enfin la permission de s’engager dans la vie monacale.
Moine à Maredsous Il quitte volontairement une carrière ecclésiastique qui s’annonçait prometteuse. Il est reçu à Maredsous par l’abbé Dom Placide Wolter et commence son noviciat sous le nom de frère Columba. A trente ans, il ne lui sera pas toujours facile de prendre sa place au milieu d’une bande de jeunes novices. La tâche sera d’autant plus ardue qu’il doit changer de coutumes, de culture et de langue, mais comme il affirme être au monastère pour chercher l’obéissance, il ne peut que serrer les dents et se laisser former à la discipline monastique, à la vie fraternelle et à la prière chorale jusqu’à sa profession solennelle, le 10 février 1891. «L’ombre du cloître, déclare Ferdinand Poswick, ne pouvait longtemps dissimuler une personnalité si attachante, mais comme la vérité finit toujours par éclater, un tempérament aussi expansif, alliant la spiritualité la plus profonde, la plus exigeante à une exubérance toute juvénile, ne pouvait que passer par-delà les murs de la clôture».
Au plan du caractère, il possède un solide humour, hérité de son Irlande natale et une tête bien faite, formée à la philosophie et à la théologie la plus classique, nourries à l’Ecriture Sainte. Il aide souvent le maître des novices, donne cours aux élèves du collège et surtout prêche avec succès quand on lui demande d’aller aider le clergé dans les paroisses proches de Maredsous. Ces différentes missions révéleront aux supérieurs les dons particuliers du Frère Columba, conseiller spirituel doué d’une authentique autorité morale personnelle. «Les responsables de l’abbaye ne vont pas laisser longtemps sous le boisseau un moine pourvu d’un tel charisme! Maredsous, vingt ans après sa fondation, était une abbaye en pleine expansion où les novices affluaient. Elle pouvait donc songer à faire une première fondation. Et Columba Marmion est désigné pour faire partie du petit groupe de moines qui vont fonder l’abbaye du Mont-César à Louvain».
Bien que ce soit un arrachement pour lui, il se donne à fond dans son travail, et se voit vite confier le rôle de prieur, de responsable spirituel et de professeur de tous les jeunes moines qui viennent à Louvain étudier la philosophie ou la théologie. C’est là qu’il consacrera de plus en plus de temps à la prédication de retraites et qu’il assurera un grand nombre de directions spirituelles.
C’est également à cette époque qu’il devient le confesseur de Mgr Joseph Mercier, le futur primat de Belgique, une relation qui deviendra, au fil des ans, une véritable amitié, fondée en particulier sur leur connaissance et leur appréciation des œuvres de saint Thomas d’Aquin.
Animateur de la célèbre abbaye Pendant cette période, l’abbaye de Maredsous est gouvernée par Dom Hildebrand de Hemptinne, son deuxième abbé. Ce dernier deviendra en 1893, à la demande du pape Léon XIII, le premier primat de la confédération bénédictine et les fréquents séjours à Rome que lui imposent ses fonctions finissent par requérir son remplacement. Le 28 septembre 1909, Dom Columba est donc élu troisième abbé de Maredsous. A 51 ans, il se trouve ainsi à la tête d’une communauté de plus de cent moines, avec, à leur charge, un collège secondaire, une école de métiers d’art et une grande ferme ! Il doit en plus préserver et nourrir la réputation déjà bien établie de l’abbaye en poursuivant recherches et travaux sur les sources de la foi et en continuant de nombreuses publications, notamment la revue bénédictine.
Des années difficiles Deux mois plus tard, malgré le zèle missionnaire dont il témoigne, Columba Marmion se verra contraint, à cause de ces nombreuses activités, de renoncer à l’offre, de la part du gouvernement belge, de la mission du Katanga, qui sera finalement confiée à l’abbaye naissante de Saint-André à Zevenkerken. Il continue à prêcher des retraites, se consacre à de nombreuses directions spirituelles et aide les moines anglicans de Caldey qui désirent passer au catholicisme.
Mais l’épreuve la plus dure pour l’abbé qui a alors 56 ans et a déjà connu de nombreux problèmes de santé, sera la guerre de 14-18. Sa décision de mettre les jeunes moines à l’abri en Irlande pour leur permettre de poursuivre paisiblement leur formation, engendrera chez lui une surcharge de travail, de voyages périlleux et de soucis. Cette décision suscitera également l’incompréhension et des dissensions naîtront entre les deux générations de cette communauté secouée par la guerre. Des frères allemands, présents à Maredsous, devront rentrer en Allemagne dès le début des hostilités malgré le vœu de stabilité et dès la fin de la guerre, il faudra envoyer en catastrophe un petit groupe de moines au monastère de la Dormition à Jérusalem pour y remplacer les moines allemands écartés par les autorités britanniques.
Durant cette période difficile, sa seule consolation sera la prédication et la direction spirituelle; la reine Elisabeth de Belgique, qui le considère une référence spirituelle et doctrinale, le consulte longuement et régulièrement, et son secrétaire, Dom Raymond Thibaut, rassemble ses conférences spirituelles sous les titres: Le Christ, vie de l’âme, Le Christ dans ses mystères et Le Christ, idéal du moine.
Sur les autels Lorsqu’il meurt, victime d’une épidémie de grippe, le 30 janvier 1923, sa réputation de sainteté est déjà établie vis-à-vis de ses contemporains. Dom Thibaut confirmera ce fait dans la biographie de Dom Marmion qu’il publie en 1928. Les livres du célèbre abbé seront traduits dans plus de 113 langues et dès 1936, on prie pour sa béatification, la véritable procédure canonique ne commençant qu’après 1954, sous l’impulsion de Mgr Montini, futur pape Paul VI.
A partir de ce moment, les différentes étapes se succéderont : procès diocésain à Namur, procès sur ses écrits à Rome, transfert de son corps en l’église abbatiale pour faciliter l’accès à sa sépulture ainsi que le réclamaient de nombreux fidèles, biographie critique pour le procès à Rome qui conclura à l’héroïcité de ses vertus et enfin le procès sur une guérison inexpliquée d’un cancer, retenue miraculeuse par Rome le 25 janvier 2000.
Ferdinand Poswick résume ainsi en quelques traits la figure du saint moine : « Dom Marmion a ramené les catholiques vers les sources bibliques et liturgiques de leur foi et leur a fait prendre conscience, avec réalisme, de leur vie d’enfants de Dieu animés par l’esprit, humbles et simples dans leur appel à la miséricorde et à l’amour du père».
Cette vision s’accompagnait chez lui d’un grand sens de la participation au corps du Christ dans l’Eucharistie et d’une solide piété mariale qui demandait à la Mère de Jésus de former le Christ en ceux qui recouraient à elle. En béatifiant Dom Columbia Marmion, l'Eglise a voulu reconnaître la valeur d’une vie, simple et modeste dans son déroulement, mais entièrement tendue vers le service du Christ.
Dom Marmion n’avait rien d’un surhomme. Il était un homme bien de son temps, avec ses faiblesses physiques et psychologiques, mais aussi un moine et un abbé, bien ancré dans une quête de Dieu, qui accepte les arrachements et n’a pas peur d’assumer ses responsabilités.