Dans la paix de Dieu
Il est normal, en ce mois de novembre, d’évoquer nos défunts et de penser à la mort, avec les angoisses qu’éveille cette pensée. Vos lettres sur mon bureau en témoignent. Si une épouse reste persuadée que son mari est toujours présent, car « la mort ne détruit pas le lien d’amour entre les êtres qui s’aiment », ses filles ont de la peine à accepter la séparation. Et une maman, touchée par des deuils successifs, crie sa détresse devant la maladie qui délabre son corps et se demande « pourquoi Dieu vient toujours la frapper en plein cœur », alors qu’elle s’est efforcée de mener une vie droite, dévouée au prochain.
La souffrance et la mort résistent à toutes les explications rationnelles et demeurent un mystère. On peut alors les vivre comme des temps de mûrissement intérieur qui resserrent des amitiés et multiplient les solidarités entre les membres d’une famille ; on peut aussi les fuir, en supprimant la maladie et en invoquant la mort, pour ne pas assombrir une vie que l’on veut à tout prix comblée de bonheur. On peut aussi, hélas ! pour les exorciser, les tourner en dérision. La liturgie des funérailles, elle, nous invite à les dépasser. « Nos souffrances, écrit saint Paul, ne sont rien par rapport à la gloire qui nous attend » ; et le Seigneur, premier des ressuscités, est pour nous une grande promesse de vie.
Il m’est arrivé, comme à bien d’autres parmi vous, d’être affronté à la mort d’un proche. Et j’aime, quand je préside la liturgie d’un départ, évoquer la vie d’un papa, d’un frère, d’une sœur, que nous avons aimés et qui nous laissent le souvenir de paroles et de gestes qui confortent notre foi. Mais, j’aime surtout encadrer ces souvenirs de ces paroles de Dieu qui nous parlent d’invitation à des noces éternelles, de récompenses réservées aux serviteurs fidèles qui ont souffert la peine et l’injustice – qu’ai-je fait au bon Dieu pour qu’il me condamne à souffrir ainsi ? – ; de rencontre et de communion avec ceux qui nous ont précédés. Il y a là le langage de la foi qui donne un sens à la vie et qui, en même temps, respecte la mort et la valorise comme le passage qui nous introduit dans la Pâque éternelle.
Jadis, il est vrai, l’accent était mis sur la rencontre avec le juge auquel il fallait rendre compte de l’usage des talents qu’il nous avait confiés : naissance, éducation, culture, profession… Aujourd’hui, on préfère gommer cet aspect et souligner la joie de la rencontre avec le Seigneur que nous aurons, justement, essayé de servir de notre mieux, en même temps que notre prochain.
« Courage, nous dit-il, vous qui avez porté un lourd fardeau, je vous consolerai. »
Et saint Antoine : « Supplions sincèrement le Seigneur, de quitter cette vie dans la joie et d’être introduits dans sa paix. »