Crise : les migrants en première ligne

18 Septembre 2013 | par


Phénomène mondial, la crise économique n’épargne pas les migrants. Durant ces dernières années, elle semble ainsi avoir eu des incidences sur les flux migratoires dans un certain nombre de pays occidentaux, en particulier dans ceux qui ont été les plus précocement et durement touchés. On a ainsi observé une baisse de l’immigration dans des pays comme l’Irlande et l’Espagne. Cette tendance est principalement la conséquence de la situation du marché du travail, qui s’est détériorée rapidement dans tous les pays développés. Les immigrés sont les principales victimes et la vie du migrant prend parfois des airs de parcours du combattant, parsemé d’obstacles. En premier lieu, le secteur d’activité dans lequel il travaille est beaucoup plus sensible aux fluctuations du cycle économique. Son contrat de travail est souvent plus précaire. Enfin, lorsque l’État engage un plan de relance économique, les mesures instaurent généralement un climat de discrimination à l’encontre des travailleurs immigrés, même s’ils sont en situation régulière.

 

Tabou

« Dès qu’il y a crise, note ainsi Herbert, Brésilien établi depuis plusieurs années en France, le sentiment de ne pas vouloir partager le travail devient plus latent. » La menace est d’autant plus ressentie qu’il y a peu de chances que le migrant retourne dans son pays d’origine. L’intégration des immigrés sur le marché du travail en période de crise économique devient alors un véritable défi, quand il n’est pas un tabou, comme c’est le cas en France.

Au Canada, en revanche, le concept d’immigration choisie ne pose pas de problème, car il répond à une politique migratoire beaucoup plus pragmatique. À Ottawa, on sait que si le premier réflexe d’un pays en crise est de plafonner les migrations de travail à brève échéance, il ne doit pas oublier que, sur le long terme, le vieillissement de la population et les pénuries de main-d’œuvre dans certains secteurs risquent de refaire surface de manière plus impérieuse. Dès lors, le recours aux flux migratoires fera partie des solutions à leur apporter.

Pour l’heure, néanmoins, selon l’OCDE, la crise devrait entraîner une diminution de la demande de main-d’œuvre à moyen terme dans de nombreux pays occidentaux, sans toutefois que l’on assiste à la disparition totale des flux de migration de travail. Il est de notoriété publique, en effet, que depuis des décennies, les travailleurs européens rechignent à accepter certains emplois, associés notamment à des notions de danger, de saleté et de pénibilité. Dès lors, il ne reste aux employeurs qu’à faire appel à des travailleurs étrangers pour combler leurs besoins. « Lorsqu’on est un migrant sans qualifications, on est prêt à accepter n’importe quoi, à travailler à n’importe quel prix », note Herbert.

Paradoxalement, les pays développés manquent aussi parfois de travailleurs qualifiés et doivent faire appel aux étrangers. Le phénomène des « déserts médicaux » est un bon exemple. Le système de santé ne peut répondre à tous les besoins des malades vivant en zone rurale, et un nouveau médecin, tout « étranger » qu’il soit, sera toujours le bienvenu.

 

Le pari de la jeunesse

Loin d’être une menace, les jeunes migrants peuvent au contraire constituer un atout pour le pays d’accueil. Selon l’OCDE, les jeunes âgés de 15 à 24 ans sont devenus de puissants vecteurs de changement et de développement. Encore faut-il que le pays d’accueil sache profiter d’eux.

La France, par exemple, déplore Herbert, dépense beaucoup d’argent pour la formation des étudiants étrangers, qui deviennent donc une précieuse main-d’œuvre qualifiée. Souvent, ces derniers repartent ensuite dans leur pays, emportant avec eux leur savoir-faire.

« En Angleterre, en revanche, on a beaucoup moins tendance à pratiquer le favoritisme national, on est plus pragmatique, explique Herbert : s’il y a un besoin de compétence dans tel ou tel secteur, une entreprise anglaise ira chercher le jeune migrant directement dans son pays. »

 

Récupération politique

Les travailleurs immigrés, même s’ils sont réguliers, font les frais du lien étroit et souvent complexe entre économie et politique. C’est ce qui préoccupe particulièrement la Conférence des évêques de France. Le traitement de l’immigration est une question récurrente et lancinante, qui devient plus aiguë en période de crise. « Partout en Europe, la question de l’immigration est souvent récupérée à des fins électoralistes », regrette la CEF, selon laquelle, sur le plan institutionnel, « c’est souvent à cette approche qu’est réduit l’examen de la question migratoire. »

Or, dans les faits, ce ne sont pas tant les nouveaux migrants qui posent problème que l’intégration des secondes générations d’immigrés. Si les uns font souvent preuve d’une grande motivation et sont prêts à tous les sacrifices, les autres refusent de revivre l’expérience éprouvante de leurs parents et s’auto-excluent du système économique légal. Mais l’amalgame entre ces deux typologies de migrants est tentant pour les partis politiques, qui peuvent en tirer profit et remporter l’adhésion de nombreux électeurs.

En se comportant de telle manière, l’Europe est en train de devenir « un continent qui renie son identité chrétienne, qui met la question de l’accueil de l’étranger au cœur de son identité judéo-chrétienne », accusent les évêques. En plus de la crise économique, les travailleurs migrants doivent donc affronter une crise éthique dans les pays qui les accueillent. 

 

« Alors que certains migrants atteignent une bonne position et vivent de façon digne, en s’intégrant correctement dans le milieu d’accueil, beaucoup d’autres vivent dans des conditions de marginalité et, parfois, d’exploitation et de privation de leurs droits humains fondamentaux, ou encore adoptent des comportements nuisibles à la société au sein de laquelle ils vivent.

Le chemin d’intégration comprend des droits et des devoirs, une attention et un soin envers les migrants pour qu’ils aient une vie digne, mais aussi, de la part des migrants, une attention aux valeurs qu’offre la société

où ils s’insèrent. »

 

Message pour la journée mondiale des migrants et des réfugiés 2013 de Benoît XVI 

Updated on 06 Octobre 2016