Combattre le harcèlement à l’école

D’après une enquête, en France, près de deux élèves par classe sont harcelés à l’école. Ces chiffres font froid dans le dos et inquiètent nombre de parents et d’éducateurs, soulignant l’urgence de promouvoir la sensibilisation et la prévention.
30 Mars 2025 | par

« C’est une thématique qui n’est pas nouvelle, le harcèlement existait avant mais avec les nouvelles technologies et les réseaux sociaux, la situation s’est beaucoup aggravée », note Josiane Bouchet Réminiac, psychothérapeute dans l’Isère. Dans le schéma du harcèlement scolaire, « on retrouve le même schéma que dans le monde avec un “dominant” et un “dominé”, qui ne va pas réagir ». Certains enfants ont un terrain qui les dispose davantage à devenir victime. « Ce sont peut-être des personnalités plus fragiles, plus sensibles, plus timides, plus introverties. Les agresseurs passent par un défaut physique, ils utilisent quelque chose qui est une réalité corporelle ou une fragilité. Et chez la cible il y a la croyance que ce que dit l’agresseur est vrai ». 
Pour Églantine Guénard, thérapeute en relation d’aide et en psycho-généalogie, « la difficulté avec le harcèlement, c’est que beaucoup d’enfants arrivent à le cacher, que ce soit du harcèlement de compagnons d’école ou d’enseignants ». Alors, comment détecter les signes ? « Cela se décline de différentes manières selon les âges, mais il y a des indices à interroger, explique Josiane Bouchet Réminiac. Le harcèlement moral est une forme de trauma, on va donc trouver les caractéristiques du trauma : l’alimentation – perte de l’appétit, boulimie soudaine, l’enfant se jette sur tout ce qui est sucré… –, les troubles du sommeil – insomnies, hypersomnie, cauchemars –, les changements de comportement – repli sur soi, chute des résultats scolaires, refus d’aller à l’école… il faut chercher ce qu’il y a derrière un ensemble d’indices, pour aller vers une suspicion de harcèlement ».

Que faire pour cerner le problème ?
Confrontés à ces indices, alors que l’enfant répète que « tout va bien », les parents sont souvent démunis. « Il est important d’aller rencontrer le professeur pour savoir comment il se comporte à l’école, mais il est rare que les enseignants eux-mêmes remarquent ce qu’il se passe », souligne Josiane Bouchet Réminiac, qui a été institutrice en primaire. « Nous avons eu un enfant qui “rackettait” les goûters, cela nous a pris un moment pour le réaliser », se souvient-elle. Une autre piste est de se renseigner auprès des parents des camarades de classe, suggère Églantine Guénard. « Certains parents ont commencé à le savoir par d’autres qui sont venus leur dire : “Ça va ? J’ai entendu ce qu’il se passait…” », témoigne-t-elle. Et de préciser : « Au collège, c’est un autre fonctionnement, il vaut mieux que les parents n’interviennent pas directement – cela pourrait empirer le problème – et faire appel à une association qui soutiendra le jeune pour faire cesser la maltraitance ».
Face à une suspicion chez l’enfant, aller consulter est aussi une bonne stratégie. « Le problème reste le silence car l’enfant a honte, souvent il ne dit rien », note encore Josiane Bouchet Réminiac. « Le harceleur, lui, ne viendra pas consulter, glisse-t-elle. Il ne se rend pas compte de son comportement ».
David, éducateur spécialisé en collège-
lycée, a récemment été confronté à un épisode de harcèlement d’un jeune de 16 ans, Pierre*, victime de Léo*, un autre jeune de 18 ans. « Pierre souffre de syndromes autistiques et est bien connu au lycée. Son mode d’être inspire la sympathie mais son handicap est aussi un terrain fertile pour donner libre cours à des attitudes de supériorité présomptueuse », analyse-t-il. Un jour que Léo est aux toilettes avec une bande de camarades, il repère la présence de Pierre et commence à tambouriner à sa porte, en le menaçant : « Je vois que tu fumes, je vais appeler la directrice, sors de là ». Et malgré les protestations, Léo continue ses provocations jusqu’à la crise de terreur de Pierre. Pire encore : il filme en direct et partage la vidéo à ses copains. L’épisode s’arrêtera là mais traumatisera Pierre pour très longtemps. « Ce qui m’a surpris au début, confie l’éducateur, c’est que Léo n’avait aucune conscience que ce qu’il avait fait était grave. Pour lui, c’était une blague innocente, il estimait que Pierre avait exagéré. Il niait sa propre culpabilité, comme par peur de voir en lui une part sombre qu’il se cachait ».
Pour David, le harcèlement naît d’une profonde colère. « Ce n’est pas seulement s’amuser à faire souffrir les personnes, il y beaucoup de raisons derrière : le “bourreau” aura peut-être grandi dans une famille fragile, avec des parents qui ne sont pas capables de transmettre des valeurs comme l’empathie. Si tu es délaissé, sans attention, et que tu grandis seul, sans l’affection dont a besoin un enfant, ta fibre empathique se développe plus difficilement ».
Il est possible que le harceleur ait été lui-même harcelé, poursuit l’éducateur. « Celui qui est harcelé souffre de se sentir faible ; maltraiter quelqu’un de plus fragile que lui est une façon pour lui de se revaloriser dans la vie de la société, de retrouver un peu d’estime ».
« Ce sont des enfants qui souffrent, qui manquent de confiance en eux, même s’ils montrent une image de dur à l’extérieur, abonde Josiane Bouchet Réminiac. C’est le réflexe “J’attaque avant d’être attaqué” ». Quoi qu’il en soit, « il est important de s’occuper des victimes d’abord et de leur donner la possibilité de sortir de leur rôle de victime. Ils doivent être confortés que c’est légitime de s’en plaindre et de s’opposer à cela », insiste la thérapeute.

*Les prénoms des jeunes ont été modifiés.

Updated on 30 Mars 2025
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