Clonage d’embryons humains
La notion de clonage thérapeutique suppose de créer un embryon au profil génétique semblable à celui d’un adulte. Ce clone serait obtenu selon le même procédé que la brebis Dolly (1996). La technique consiste à prélever, sur l’adulte, une cellule dont est extrait le noyau porteur du patrimoine génétique. Ce noyau est ensuite introduit dans un ovule préalablement délesté de son propre noyau. L’œuf ainsi obtenu peut se développer en embryon in vitro, grâce à une stimulation électrique et à un milieu nutritif approprié. Le stade dit blastocyste est atteint vers 7-8 jours. Ce clone génétique pourrait fournir des cellules embryonnaires à des stades plus ou moins différenciés – en cellules de peau, de muscle, de cœur – et serait injecté au patient malade. L’intérêt de ce clonage, dit thérapeutique parce qu’il permet de soigner des organes malades, réside dans la parfaite compatibilité : les cellules introduites étant porteuses du même patrimoine génétique que celui du malade, il n’y aurait plus de rejet de la part de celui-ci.
Cependant, cette intervention sur un embryon humain, même autorisée par un gouvernement, ne va pas sans poser des problèmes d’ordre moral : s’agit-il d’un simple amas de matière biologique destiné à devenir un être humain au bout de 14 jours ou d’un être humain déjà présent dès la fécondation ? D’où les positions divergentes, voire opposées, adoptées ou à l’étude en Europe et aux Etats-Unis.
France : révision des lois biologiques En France, la révision des lois biologiques établies en 1994 devrait avoir lieu au Parlement en 2001. Aujourd’hui, en effet, la loi interdit la recherche sur l’embryon humain, dès lors qu’elle porte atteinte à l’intégrité de ce dernier. Il est donc exclu de crééer des embryons à seule fin de recherche. En revanche, de nombreuses voix s’élèvent en faveur de l’autorisation de la recherche sur l’embryon, non pas sur des embryons créés, mais sur des embryons congélés, dits surnuméraires, provenant des procédures de procréation assistée et non utilisés.
En 1998, le Comité consultatif national d’éthique et l’Académie de médecine ont pris position en faveur de la recherche sur ces surnuméraires afin d’améliorer les techniques d’assistance médicale à la procréation. Selon Axel Kahn, généticien à l’hôpital Cochin à Paris, « le législateur devrait y être favorable dans cette limite, car la recherche sur l’embryon constitue l’une des trois voies d’exploration de la médecine dite régénératrice », la première étant précisément le clonage thérapeutique à usage purement individuel, pour un patient donné.
Allemagne: recherche d’alternatives «Nous disons une fois pour toutes, a déclaré André Fischer, ministre de la Santé : nous ne voulons pas que l’on fasse des recherches sur l’embryon humain». Cependant, plusieurs programmes ont été lancés récemment sur les cellules souches d’adultes: «Les études n’en sont qu’au début, explique le professeur Oliviers Brustl, et personne n’a encore réussi à faire prendre à ces cellules souches, prélevées sur des adultes, le même chemin que les cellules souches d’embryons».
Pour l’heure, les Etats européens interdisent la recherche sur l’embryon, à l’exception de l’Espagne, de la Suède et du Danemark, sous d’importantes réserves. En Italie, on parle d’une éventuelle refonte des lois sur la bioéthique…
Etats-Unis : financement public Aux Etats-Unis, l’administration Clinton a décidé, le 23 août 2000, de financer la recherche sur les cellules issues d’embryons humains, mais cette recherche est soumise, par le National Institute of Health, à de nombreuses conditions : elles doivent provenir d’embryons congelés; les donneurs ne pourront être payés et n’auront aucun contrôle sur le devenir des embryons; enfin, chaque recherche devra être soumise à l’approbation du Comité d’éthique.
L’Eglise : l’embryon humain a déjà sa vie propre La position du Vatican est souvent présentée sous la forme d’interdiction, comme si l’Eglise était opposée aux recherches et aux progrès des sciences biologiques, alors que son unique souci est le respect inconditionnel de l’être humain présent dès la fécondation. La position de l’Eglise se fonde, en effet, sur les conclusions de l’Académie Pontificale pour la Vie qui réunit 70 scientifiques du monde entier et de toutes confessions religieuses. Or, celle-ci, dans une déclaration récente affirme: «Sur la base d’une analyse biologique complète, l’embryon humain vivant est un sujet humain doté d’une identité bien définie, sujet qui commence dès ce moment-là son propre développement et ne pourra être considéré, à aucun stade ultérieur, comme un simple amas de cellules».
A partir de ce principe, elle prône l’utilisation de cellules souches prélevées sur des adultes. «Le fait, désormais confirmé, de la possibilité d’utiliser des cellules souches adultes pour atteindre le même but que celui que l’on souhaiterait atteindre en utilisant des cellules souches embryonnaires – même si cela nécessite encore des étapes ultérieures pour obtenir des résultats clairs et définitifs – indique cette première voie comme la plus raisonnable et la plus humaine, en vue d’un progrès convenable et valide dans ce nouveau champ qui s’ouvre pour la recherche et qui permet d’envisager des applications thérapeutiques prometteuses. Ce qui représente sans doute une grande espérance pour de nombreuses personnes souffrantes» (La Croix, 29 août 2000).
Pour sa part, Jean-Paul II, tout comme l’Académie Pontificale pour la Vie, estime que «la science laisse entrevoir d’autres voies d’interventions thérapeutiques qui ne comportent ni le clonage ni le prélèvement de cellules embryonnaires, mais qui utilisent les cellules sources prélevées sur des organismes adultes et qui sont suffisantes dans ce but… La recherche, ajout-t-il, devra avancer sur ces voies si elle veut être respectueuse de la dignité de tout être humain, y compris dans son état embryonnaire» (La Croix, 30 août 2000).
LL’être humain n’est pas une chose
Pour l’épiscopat catholique de Grande-Bretagne, s’exprimant par la voix du cardinal Winning, président du Comité sur la bioéthique, la décision du gouvernement britannique est choquante et décevante.
Pour sa part, le Parlement européen s’est prononcé, le 8 septembre dernier à Strasbourg, contre la création d’embryons humains à des fins thérapeutiques: «Le clonage thérapeutique pose un dilemme profond et franchit sans retour une frontière dans le domaine des normes de la recherche». Il invite donc «le gouvernement britannique à revoir sa position»; demande à la Commission européenne «de ne plus financer les instituts de recherche qui s’engagent dans cette voie» et réaffirme «son soutien à la recherche scientifique et biotechnologique, pourvu qu’elle soit équilibrée par des contraintes éthiques et sociales rigoureuses».
L’homme n’est pas une chose et ne doit pas devenir un engrenage dans la machine de la production et de la consommation.
Repères éthiques Pour mieux comprendre les enjeux de ce débat, Le Messager a interrogé le père Robert Neau, diplômé en médecine et responsable de la Pastorale de la Santé du diocèse de Poitiers, qui nous a livré quelques repères essentiels. Le Messager. Le gouvernement anglais a dernièrement accepté les conclusions du rapport de la commission d’experts dans lequel le clonage de l’embryon humain devrait être autorisé dans le but de favoriser la recherche scientifique. Pouvez-vous rappeler les principales réactions à la décision des Britanniques sur le clonage? – Quelles sont les principales critiques que l’on peut émettre vis-à-vis du clonage reproductif et thérapeutique? Propos recueillis par Monique de Castellan-Farisy |