Cinq ans derrière Benoît XVI

18 Mars 2010 | par

Voici cinq ans déjà que Benoît XVI mène la “petite barque”1 fragile qu’est l’Église catholique. Cinq années qui ont vu se succéder des “affaires”, des “polémiques” et des malentendus. En vrac : le motu proprio sur la libéralisation du Missel dit de saint Pie V, la levée des excommunications d’évêques intégristes et l’affaire Mgr Williamson, la possible béatification de Pie XII, le discours de Ratisbonne, mais aussi des questions morales et éthiques comme l’utilisation du préservatif en Afrique, ou des position inflexibles dans des affaires d’euthanasie ou d’avortement (Recife).



Renforcer la foi des fidèles

Ces affaires brouillent l’orientation du pontificat de Benoît XVI et ses priorités. Mais le Pape ne se laisse pas impressionner par ces pressions. « Le Pape théologien veut d’abord accomplir ce qu’il sait faire –, et ce pour quoi il pense avoir été élu : la prédication de la foi chrétienne, la recherche d’une éthique universelle. Là sont les priorités de l’Église. », note Isabelle de Gaulmyn, vaticaniste et auteur de Benoît XVI, le pape incompris. « La première priorité pour le successeur de Pierre a été fixée sans équivoque par le Seigneur au Cénacle : “Toi… affermis tes frères”, (Lc 22, 32), écrivait le Pape le 10 mars 2009 aux évêques. À notre époque où dans de vastes régions de la terre la foi risque de s’éteindre comme une flamme qui ne trouve plus à s’alimenter, la priorité qui prédomine est de rendre Dieu présent dans ce monde et d’ouvrir aux hommes l’accès à Dieu ».

Face à la crainte de la disparition de la foi, le Pape compte sur son charisme d’enseignement et de prédication pour mener les hommes à Dieu. Il cherche donc dans un premier temps à consolider les bases de la foi des catholiques. « L’objectif de Benoît XVI est moins de conquérir de nouveaux catholiques, par une “nouvelle évangélisation” que de bien évangéliser ceux qui le sont déjà. », analyse Isabelle de Gaulmyn. Il a ainsi livré trois encycliques : Deus caritas est (Dieu est amour, 2005), Spe salvi facti sumus (Sauvés par l’espérance, 2007) et Caritas in veritate (La charité dans la vérité, 2009). Dans les deux premières, il insiste sur deux des trois vertus théologales : l’espérance et l’amour de Dieu, qui sous-tendent la troisième, la Foi. Enfin, dans Caritas in veritate, il trace la route pour les croyants d’une organisation économique et sociale qui permettrait le développement de chaque homme.

Ce qui est demandé aux croyants, c’est également d’incarner leur foi. Comme le remarque le père Michel Viot à propos de l’encyclique Spe salvi dans son ouvrage Le Vrai et le faux, comprendre la pensée de Benoît XVI, « la certitude de dépasser la mort, d’avoir un avenir au-delà du tombeau doit être, comme le dit le Saint-Père, un message performatif et non pas seulement informatif. Il entend par là que ce dernier doit changer la vie et le comportement et non pas seulement toucher l’intellect ».



Renouer les dialogues

Autre chantier du Pape, veiller à l’unité de son Église. C’est ainsi qu’il essaye de renouer les dialogues. « Conduire les hommes vers Dieu, vers le Dieu qui parle dans la Bible : c’est la priorité suprême et fondamentale de l’Église et du successeur de Pierre aujourd’hui, déclarait le Pape dans sa lettre aux évêques du 10 mars 2009. D’où découle, comme conséquence logique, que nous devons avoir à cœur l’unité des croyants. En effet, leur discorde, leur opposition interne met en doute la crédibilité de ce qu’ils disent de Dieu ».

Ce chantier est double. Il faut à la fois renforcer l’unité des catholiques « dans une époque de fragmentation individualiste et de raréfaction du clergé », comme le souligne Isabelle de Gaulmyn. Pour cela, le Pape multiplie les gestes en direction des traditionnalistes. Quelques mois après son élection, Benoît XVI a reçu à Castel Gandolfo Mgr Fellay, le supérieur général de la Fraternité Saint Pie X (FSPX). Le 7 juillet 2007, il a signé un motu proprio qui a libéralisé l’utilisation du Missel de saint Pie V et en janvier 2009, il a levé l’excommunication de quatre évêques de la FSPX. Résultat, des discussions sur les points de désaccord entre la FSPX et le Vatican ont débuté le 26 octobre 2009. Au cœur de ces échanges, l’œcuménisme et la liberté religieuse affirmés dans les décrets de Vatican II.

Pour le Pape, veiller à l’unité, c’est aussi poursuivre le dialogue œcuménique (cf. L’avenir de l’œcumisme, Messager, mars 2010). Dès son premier discours en tant que successeur de saint Pierre, le 20 avril 2005, il en a parlé. Avec les protestants, et notamment avec les anglicans, le dialogue se poursuit (cf. Catholiques et anglicans, février 2010). Mais c’est surtout avec les orthodoxes que les choses évoluent : une rencontre entre le Pape et Cyrille Ier, le nouveau patriarche de Moscou, semble plus probable.



Respect de la vie  et de la Création

Net et intangible, le Pape l’est aussi sur les questions de respect de la vie et de la Création. Ses positions quant à l’euthanasie, la recherche sur les embryons ou l’avortement restent claires : « Il existe des contenus déterminés de la révélation chrétienne qui éclairent les problématiques bioéthiques : la valeur de la vie humaine, la dimension relationnelle et sociale de la personne, le lien entre l’aspect unifiant et l’aspect procréatif de la sexualité. Ces contenus, inscrits dans le cœur de l’homme, sont compréhensibles également de manière rationnelle comme des éléments de la loi morale naturelle et peuvent trouver un accueil également chez ceux qui ne se reconnaissent pas dans la foi chrétienne », assurait-il le 15 janvier dernier lors de l’assemblée plénière de la Congrégation pour la doctrine de la foi.

Quant à la protection de la Création, il ne se passe pas un mois sans que Benoît XVI rappelle que la sauvegarde de l’environnement est indissociable de l’exigence de solidarité et de justice (cf. La planète : l’Église s’engage, Messager, janvier 2010).

Le cap que fixe depuis cinq ans le Pape est clair. Et jusqu’à présent, il n’y a pas eu de revirement. n



1Homélie de Benoît XVI le 29 juin 2006.





Conversion intérieure

Je veux affirmer avec force la ferme volonté de poursuivre l’engagement de mise en œuvre du Concile Vatican II […]. Des gestes concrets sont nécessaires, qui pénètrent les âmes et remuent les consciences, appelant chacun à cette conversion intérieure qui est le présupposé de tout progrès sur la voie de l’œcuménisme. Le dialogue théologique est nécessaire, l’approfondissement des motivations historiques des choix qui ont eu lieu par le passé est également indispensable. […] L’Église d’aujourd’hui doit raviver en elle la conscience de la tâche de reproposer au monde la voix de Celui qui a dit : « Je suis la lumière du monde. Qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais aura la lumière de la vie »  (Jn 8, 12).



Premier message du Pape, le 20 avril 2005



Updated on 06 Octobre 2016