Christianophobie : une mode qui dure
C’est un fait de société. Une mode. En Europe, depuis quelques années, le christianisme semble susciter un rejet croissant, voire de la haine. Face à l’ampleur de ce phénomène, que l’on appelle aisément « christianophobie », il est de bon droit de s’interroger sur les raisons qui poussent à violenter cette religion, plus que toute autre.
La question de la christianophobie, voire de la « cathophobie », est sensible. Elle concerne particulièrement les croyants dans les pays de tradition chrétienne, en Europe et en France, notamment. L’anticléricalisme pourrait bien avoir débouché sur ce phénomène, dont l’ampleur et la portée ne sont pas encore totalement déterminées. En 2005, lors du référendum en France sur le projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe, le journaliste catholique Gérard Leclerc avait estimé que « l’exclusion » des racines chrétiennes du traité européen constituait « le coup d’État intellectuel » marquant symboliquement l’émergence d’un « nouveau contexte anti-chrétien ». Face à cela, Nicolas Sarkozy avait affirmé que « tourner le dos à notre passé » et « renier d’une certaine façon des racines qui sont évidentes » était une « erreur ». Une erreur qui pèse aujourd’hui sur l’Europe et qui explique d’une certaine façon les attaques envers l’Église et la foi chrétienne. Pour l’ancien président français, « dire qu’en Europe il y a des racines chrétiennes, c’est simplement faire preuve de bon sens. Renoncer à le dire, c’est tourner le dos à une réalité historique ».
Les chrétiens dérangent
Dans ce climat, les chrétiens ont de plus en plus de mal à s’exprimer en toute liberté dans l’espace public. En France, il devient toujours plus politiquement incorrect de manifester sa foi en Jésus Christ. L’État, les pouvoirs publics et les médias réagissent faiblement face à l’attaque des chrétiens. En revanche, au nom du principe de tolérance envers les « minorités », d’autres religions attirent le respect et l’attention. En France par exemple, comment expliquer que les journaux télévisés parlent systématiquement du début et de la fin du Ramadan, tandis que le Carême n’est jamais évoqué? Serait-ce un simple oubli répété ou une claire volonté de nuire à une grande partie de la population française ? Cette christiano-
phobie à bas bruit est perverse.
Si les préjugés antichrétiens ne sont pas une nouveauté dans l’Hexagone, ils commencent à occuper un part non négligeable de l’espace public. Le
27 janvier dernier, à Paris, lors de la manifestation en faveur du « mariage pour tous », de nombreux slogans antichrétiens étaient scandés. Parmi eux, on pouvait notamment lire : « Une Vierge + un Saint Esprit + une opération = la première PMA ». Ces insultes sont une réalité, pourtant nous ne sommes ni dans un pays à majorité musulmane, ni dans un régime communiste comme la Chine ou la Corée du Nord.
Un Observatoire soutenu par Benoît XVI
En septembre 2010, le cardinal Peter Erdö, président du Conseil des conférences épiscopales d’Europe, avait annoncé la création d’un observatoire sur l’intolérance et la discrimination des chrétiens sur le Vieux continent. Moins de deux ans plus tard, en mars 2012, un rapport de l’Observatoire sur l’intolérance et la discrimination religieuse en Europe (OICDE) montrait une augmentation des différents actes commis contre les chrétiens européens. Le président de l’OICDE, Martin Kugler, en soulignant lui aussi un « climat général de christianophobie en Europe », expliquait que cet Observatoire « ne voulait pas être un instrument de polémique », mais « une aide pour créer une société plus respectueuse de la liberté religieuse ». Pour le cardinal hongrois Erdö, l’Europe « a besoin de Dieu, de se souvenir de ses propres racines et de regarder l’avenir avec réalisme et espérance ».
Explicite ou sournoise
Profanations d’églises, de temples, de cimetières, actes de vandalisme, violences, discriminations en tout genre, productions culturelles et artistiques anti-chrétiennes, retrait des symboles chrétiens de l’espace public, bannissement de la vie publique des fêtes et des symboles religieux… Les atteintes à la liberté religieuse sont de plus en plus fréquentes dans les pays marqués par la montée de la sécularisation.
Le 21 février dernier, le quotidien Dernières Nouvelles d’Alsace rapportait que l’église Saint-Maurice de Strasbourg avait été « la cible de plusieurs dégradations » par un jeune Marocain. L’auteur a été « jugé irresponsable pénalement par l’expert psychiatre qui l’a examiné » et a « fait l’objet d’une hospitalisation d’office ». Ce même type de dégradation sur un édifice de culte juif ou musulman aurait provoqué un tollé en France.
Les symboles chrétiens sont donc la principale cible des actes de vandalisme. Ainsi, le 12 février, 8 femmes du groupe féministe Femen se sont introduites dans la cathédrale Notre-Dame de Paris et se sont déchaînées sur les nouvelles cloches exposées dans la nef, en particulier sur celle appelée « Benoît-Joseph », en l’honneur du pontificat de Benoît XVI – cardinal Joseph Ratzinger. Ces féministes, connues pour manifester les seins nus, se défendaient en assurant « n’attaquer personne car elles n’avaient pas d’armes ». Dès le lendemain, 13 février, mercredi des Cendres et entrée en Carême pour les catholiques, comment ne pas voir dans la Une de Libération, intitulée « Après le pape, Dieu démission ! », un geste volontairement provocateur ?
Il est temps d’ouvrir les yeux, sans pour autant fermer notre cœur. Confions tous les chrétiens et ceux qui les persécutent à saint François d’Assise et au Christ Ressuscité. Agissons afin que la christianophobie se démode.
« Nous savions depuis un certain temps déjà que l’Église ne fait plus corps avec la société globale. Nous savions qu’elle n’a plus la place qu’elle a pu avoir dans l’organisation du lien social. Mais on peut se demander si, depuis quelques temps, il n’y a pas aussi autre chose, que des mots comme accusation, dérision, méfiance, occultation, ostracisme, soupçon – j’arrête la litanie – pourraient traduire, même si c’est de façon approximative. S’agit-il d’anticléricalisme ? Ici ou là, c’est possible. Mais il est vraisemblable qu’il s’agisse de quelque chose d’un peu différent, d’une sorte d’anti-christianisme, contre lequel s’avère peu opératoire l’évocation de ce que notre civilisation peut devoir au christianisme, ou de la part que celui-ci a eue ».
Cardinal Louis-Marie Billé, président de la Conférence des Évêques de France, à Lourdes, le 4 novembre 2000