Chapitre général : le 200e !
Comme tout événement ecclésial d’importance, le chapitre général d’un ordre religieux se prépare longtemps à l’avance. Tout commence par une « lettre d’indiction », c’est-à-dire à la fois une information et une convocation adressées à tous les religieux. Le 14 juillet 2012, le frère Marco Tasca, qui était depuis 2007 ministre général des Frères Mineurs Conventuels, a donc adressé la lettre d’indiction du 200e chapitre général de l’Ordre. Ce document que l’on peut lire sur le site Internet du chapitre comporte toute une série d’informations relatives à l’événement. À commencer par des dates et un lieu : le chapitre se déroulera du 19 janvier au 18 février, à Assise, au Sacro Convento, c’est-à-dire au couvent qui jouxte la basilique Saint-François. Pas de surprise : le précédent chapitre s’était tenu six ans auparavant (conformément aux constitutions), également à Assise. Une autre date importante figure sur la lettre d’indiction : le 29 janvier, jour où sera élu le nouveau ministre général. Lorsque vous lirez ces lignes, il vous suffira de quelques clics pour découvrir l’identité et le visage du nouveau successeur de saint François (à moins que frère Marco ne soit réélu). La lettre précise également qui sont les frères qui auront « voix au chapitre » : le ministre général sortant, ses conseillers (les définiteurs), les anciens ministres généraux, les ministres provinciaux (ils sont 35), les custodes (19, parmi lesquels le frère François-Xavier Bustillo, custode de France), et enfin les délégués des différentes provinces. Au total 88 frères capitulaires, auxquels il faut ajouter un certain nombre d’auditeurs. Il est intéressant de parcourir cette longue liste de noms aux consonances si diverses (et malheureusement jamais françaises !), et de méditer sur ces visages, souvent jeunes, de frères qui pendant un mois, vont « traiter des choses de Dieu » (première règle, 18) au nom de leurs 4 000 frères dispersés dans le monde.
Un chapitre général pour quoi faire ?
« Autorité suprême de l’Ordre », le chapitre général fixe le cap pour les six années à venir. Il doit non seulement élire le nouveau gouvernement de l’Ordre, mais aussi vérifier si le chemin parcouru par les frères est bien conforme à l’esprit de la règle. Pour des religieux qui appartiennent à des cultures et à des systèmes politico-économiques très différents, le chapitre général constitue un moment fort d’échanges d’expérience et d’enrichissement mutuel.
Mais on pourrait en dire autant de tout autre assemblée d’un ordre mondialisé (Jésuites, Dominicains ou Filles de la charité). La petite touche spécifiquement franciscaine, c’est le fait que « se réunir en chapitre » est inscrit dans l’ADN d’un fils de saint François… « Lorsque les frères se réunissaient ensemble quelque part, écrit Thomas de Celano, ou lorsqu’ils se rencontraient en chemin, il jaillissait là une étincelle de l’amour spirituel qui répandait au-delà de tout amour les semailles d’une affection véritable. En quoi celles-ci consistaient-elles ? En de chastes embrassements, de suaves sentiments, un saint baiser, un doux entretien, un rire modéré (…) une langue indulgente, une réponse sans dureté, un même projet, une prompte obéissance et une main infatigable (…). C’est avec un grand désir que les frères se rassemblaient, avec un plaisir plus vif qu’ils étaient ensemble ; mais de part et d’autre, la séparation d’avec ses compagnons était pénible, la coupure amère, l’éloignement cruel » (Première vie, 38-39).
François partageait cette soif de communion fraternelle, et pour cette raison, il avait institué deux chapitres par an, l’un à la Pentecôte, l’autre en septembre, pour la Saint-Michel. Au début, ces rencontres réunissaient tous les frères, mais avec l’inflation des effectifs et l’éloignement de certains religieux, il a fallu modifier le rythme des chapitres et en restreindre l’accès aux ministres provinciaux. Voici, par exemple, ce que prévoit la première règle (1221) : « Que tous les ministres qui sont dans les régions d’outre-mer et d’outre-monts [par exemple en France] viennent au chapitre à la Pentecôte une fois tous les trois ans, et les autres ministres [les Italiens] une fois par an, auprès de l’église Sainte-Marie-de-la-Portioncule ». Par la suite, en fonction des diverses constitutions, les chapitres généraux se sont réunis tous les trois ans, puis, à partir de 1617, tous les six ans. Aujourd’hui, les ministres et custodes provinciaux ne sont plus seuls à participer aux chapitres généraux, ils sont accompagnés de délégués élus par l’ensemble des frères, ce qui renforce la représentativité de l’assemblée. Il n’empêche : dans sa lettre d’indiction, le ministre général est obligé de rappeler aux frères que le chapitre général ne doit pas être « l’affaire de quelques-uns, mais un moment fort pour tous ». Et le frère Marco d’inviter ses frères à suivre les débats par Internet. Mais n’est-il pas possible de faire plus ? Avec les nouvelles technologies, ne pourrait-on pas imaginer une participation effective de tous au chapitre général ? Je suis certain que François appuie ma suggestion.
En 1517, le 113e chapitre général
Certes, les frères ont toujours aimé se retrouver, mais ils ont souvent fini par se disputer ! Le climat des chapitres généraux n’a pas toujours eu grand-chose à voir avec les rencontres idylliques décrites par Celano. Au XVe siècle, en particulier, l’Ordre a été miné par les luttes fratricides entre Conventuels et Observants. Pour séparer les frères ennemis, on n’a pas trouvé mieux que la scission. Cela s’est passé à Rome, en mai 1517. À quelques centaines de mètres de distance (l’Ara Cœli pour les Observants, la basilique des Saints-Apôtres pour les Conventuels), deux chapitres généraux ont élu chacun un « successeur de saint François ». Cette fracture est toujours d’actualité. Le mandat du ministre général qui a été élu le 29 janvier court en principe jusqu’en 2019. Ce frère aura donc à gérer, en 2017, le cinquième centenaire de 1517. Espérons qu’avec les autres frères mineurs, il sache imaginer des gestes suffisamment forts de réconciliation entre les fils de saint François, en Italie et par toute la terre.
Pour suivre le chapitre sur Internet :
www.capgenofmconv2013.info