Benoît XVI et les lefebvristes
Par décret du 21 janvier dernier, Rome a levé les excommunications qui frappaient les quatre évêques de la Fraternité Saint-Pie X depuis leur consécration par Monseigneur Lefebvre sans autorisation du Pape en 1988. Un geste de miséricorde pour tenter de mettre fin à vingt ans de schisme.
L’Osservatore Romano, le quotidien du Vatican, dans son édition du 24 janvier 2009, a qualifié de geste de “paix” et de “miséricorde” le choix de Benoît XVI de lever les excommunications qui pesaient depuis 1988 sur les quatre évêques de la Fraternité Saint-Pie X (fraternité attachée au missel ancien et qui s’oppose à la plupart des options du Concile Vatican II).
Alors que le 29 janvier 2009 marquait le 50e anniversaire de l’annonce par Jean XXIII du Concile Vatican II, le directeur de L’Osservatore Romano, Giovanni Maria Vian, a consacré son éditorial à cette question. « Les bons fruits du Concile sont innombrables et, parmi eux, il y a désormais le geste de miséricorde à l’égard des évêques excommuniés en 1988 », écrit-il. Il s’agit à ses yeux d’un « geste qui aurait plu à Jean XXIII et à ses successeurs » et que « Benoît XVI, pape de paix, a voulu faire coïncider avec l’anniversaire de l’annonce de Vatican II. »
Aux yeux de l’éditorialiste, le Pape souhaite ainsi « voir vite guérie une fracture douloureuse ». Cette « intention, poursuit-il, ne sera pas assombrie par les opinions négationnistes inacceptables et l’attitude à l’égard des juifs de certains membres de la communauté à laquelle l’évêque de Rome tend la main ». L’un des quatre évêques de la Fraternité Saint-Pie X, le Britannique Richard Williamson, a récemment nié l’existence des chambres à gaz et de l’holocauste dans une interview accordée à la télévision suédoise.
Un long chemin
« La levée de l’excommunication n’est pas une fin mais le début d’un processus de dialogue », affirme le cardinal Jean-Pierre Ricard, archevêque de Bordeaux, et membre de la Commission pontificale Ecclesia Dei en charge des traditionalistes, pour qui ce geste « ne règle pas deux questions fondamentales : la structure juridique de la Fraternité Saint-Pie X dans l’Eglise et un accord sur les questions dogmatiques et ecclésiologiques ». La décision de Rome « ouvre un chemin à parcourir ensemble », estime le cardinal français pour qui « ce chemin sera sans doute long ». Pour autant, confie-t-il, « on peut pourtant penser que la dynamique suscitée par la levée des excommunications devrait aider à la mise en route de ce dialogue voulu par le Pape ».
Si le cardinal Ricard note que la question “fondamentale” du texte du Concile Vatican II « comme document magistériel de première importance » devra être posée, il juge que « toutes les difficultés ne seront pas forcément de type doctrinal ». Ainsi, « d’autres, de type culturel et politique, peuvent aussi émerger ». Il dénonce alors « les derniers propos, inacceptables, de Mgr Williamson (un des quatre évêques, ndlr), niant le drame de l’extermination des juifs ».
« Benoît XVI, explique aussi l’archevêque de Bordeaux, a voulu aller jusqu’au bout de ce qu’il pouvait faire comme main tendue, comme invitation à une réconciliation ». Selon le cardinal Ricard, « le Pape, théologien et historien de la théologie, sait le drame que représente un schisme dans l’Eglise ». A ses yeux, l’ancien préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, très “investi” dans cette affaire en 1988, demeure « marqué par l’échec de sa mission » d’empêcher Mgr Lefebvre « de commettre l’acte irrémédiable des sacres épiscopaux ».
Une communication difficile
Le père Federico Lombardi, directeur du Bureau de presse du Saint-Siège, reconnaît les “insuffisances” en matière de communication vaticane qui ont marqué la crise qui a suivi la levée de l’excommunication des quatre évêques de la Fraternité Saint-Pie X, dans une interview parue le 6 février 2009 dans le quotidien La Croix.
Expliquant que le décret de levée des excommunications, rendu public le 24 janvier dernier, avait été « négocié jusqu’au dernier moment », le père Federico Lombardi reconnaît que « certains points restaient confus ». Le communiqué qui accompagnait ce décret, confie-t-il ainsi, laissait trop d’aspects dans le doute, pouvant donner lieu à diverses interprétations ». « Nous n’avions pas en main la maîtrise de cette communication », déplore encore le directeur du Bureau de presse du Saint-Siège en rappelant que « le document se trouvait déjà sur certains sites et journaux ».
Dans cette affaire, indique le père Lombardi, « le plus dommageable c’est la concomitance entre la question de l’excommunication et la diffusion des positions négationnistes – et injustifiables – de Mgr Williamson ». « Sans doute, juge le père jésuite, les personnes qui ont géré cette affaire n’avaient-elles pas conscience de la gravité des propos de Mgr Williamson ».
Le père Federico Lombardi, visiblement éprouvé par plusieurs jours de gestion de la crise médiatique, estime en outre « qu’une culture de la communication reste encore à faire au sein de la curie romaine ». Il estime ainsi que « chaque dicastère communique de manière autonome, ne pense pas forcément à passer par le Bureau de presse du Saint-Siège, ni, lorsque l’information est trop complexe, à rédiger une note explicative ».
Des difficultés qui auront eu pour premier résultat la perplexité, voire l’angoisse, chez beaucoup de fidèles, notamment en France, quant à la signification du geste de Benoît XVI. Il aura fallu répéter avec force et à plusieurs reprises que Rome n’entend pas revenir sur Vatican II, ni, bien sûr, accepter au sein de l’Eglise des propos négationnistes inqualifiables.
Un geste de miséricorde
C’est précisément pour accomplir ce service de l’unité, caractéristique de mon ministère de Successeur de Pierre, que j’ai décidé il y a quelques jours de lever l’excommunication qu’avaient encouru les quatre évêques ordonnés en 1988 par Mgr Lefebvre sans mandat pontifical. Si j’ai fait ce geste de paternelle miséricorde, c’est parce que ces évêques m’ont manifesté à maintes reprises la vive souffrance que leur causait la situation dans laquelle ils s’étaient retrouvés. J’espère que mon geste sera suivi de leur volonté d’accomplir les autres pas nécessaires pour aboutir à la pleine communion avec l’Eglise, témoignant ainsi leur vraie fidélité et leur reconnaissance du magistère et de l’autorité du Pape, et du Concile Vatican II.
Benoît XVI à l’Audience Générale du 28/01/09.