Autel majeur à quatre mains

21 Mars 2011 | par

 Si l’autel majeur de la basilique attire le regard de bon nombre de pèlerins et de curieux, c’est sans doute pour les caractéristiques qui le rendent unique en son genre. Imposant par sa taille et sa forme, il l’est aussi par le nombre d’éléments décoratifs en bronze qui l’ornent. Pourtant, ce n’est pas la disposition géométrique des panneaux et des sculptures autour du crucifix central qui le rend si particulier. Ce sont les sculptures elles-mêmes qui attirent l’attention. Leur finesse et leur expressivité chantent le talent de leur auteur, Donatello. Le grand sculpteur florentin serait venu à Padoue pour construire le monument funéraire de Gattamelata, la grande statue équestre encore située sur le parvis. Les Frères lui auraient alors proposé d’édifier l’autel majeur de la basilique vers 1444. Selon les témoignages, le résultat fut remarquable. Malheureusement, aucune description ne nous est parvenue. Peu de temps après sa construction, l’autel fut démonté et remplacé par un autel plus fastueux, répondant mieux à la mode de l’époque.

Il fallut attendre les festivités du septième centenaire de la naissance de saint Antoine, en 1895, pour que le Padouan Camillo Boito retrouve et rassemble les bronzes épars de Donatello pour en faire le maître-autel aujourd’hui visible. Bien que cet autel ne ressemble en rien aux reconstructions hypothétiques de l’autel donatellien, les historiens de l’art lui reconnaissent formellement le mérite de réunir les trente œuvres de bronze sculptées par Donatello pour la basilique en essayant de leur donner un sens.

Plusieurs aspects de la vie chrétienne sont abordés dans les différents éléments sculptés. On y voit quelques miracles de saint Antoine, plusieurs saints franciscains ou padouans avec une très belle Vierge à l’Enfant. On y trouve aussi pas moins de quatre représentations de la Passion et de la mort du Christ. Cette mort qui préannonce la Résurrection revêt ici un sens très particulier à chaque célébration : elle semble nous inviter à suivre la voie de la vie éternelle.



Représentations de la mort du Christ

La première représentation est juste au-dessous de la table d’autel, le panneau central représente le Christ mort entre deux anges angoissés. Les dix autres panneaux placés de part et d’autre le complètent et montrent des anges qui chantent ou jouent d’un instrument de musique. La deuxième représentation, exécutée dans une pierre friable ramenée de Nanto, un village proche de Vicence, est placée derrière l’autel. Elle illustre la déposition de Jésus dans le sépulcre. Quatre disciples sont en train de déposer le corps avec beaucoup de soin dans le sarcophage. L’expression de Donatello touche là à sa pleine maturité. La tête inclinée en arrière et les membres inertes du Christ imposent un grand silence et une lenteur très solennelle. Derrière eux, au contraire, selon la tradition, quatre femmes s’abandonnent à leur douleur dans des hurlements et des attitudes de désespoir. La troisième sculpture est celle de la porte du tabernacle. Bien qu’il ne soit pas de Donatello, ce petit chef-d’œuvre sculpté en 1496 par un artiste vénitien inconnu montre le Christ mort sur son sépulcre, soutenu et pleuré par de petits anges.



Le grand crucifix

La quatrième représentation n’est autre que la plus imposante de toutes. Il s’agit du crucifix qui domine l’autel.Sculpté à partir de 1444, Donatello l’avait livré en 1449 pour qu’il soit installé comme une œuvre à part, au centre de la basilique. Quelques années plus tard, en 1487, il fut déplacé au-dessus de la porte de l’ancien chœur puis, en 1651, confiné au fond de l’abside. En l’installant arbitrairement au sommet de l’autel actuel, Camillo Boito lui a redonné son sens. Ici, dès le premier regard, le Christ en croix nous parle par son attitude tourmentée et poignante. La finesse des traits de son visage est telle qu’elle fait l’admiration de nombreux historiens de l’art. Parmi eux, Arduino Colasanti écrit : « La veine gonflée qui traverse son front, sa bouche semi-ouverte, ses cernes dans lesquels se condense l’ombre de la mort sont autant de traces d’une souffrance profondément humaine. Malgré cela, la suprême volonté de rédemption reste imprimée dans l’attitude et dans le visage de l’Être éteint. Une fois prononcées les dernières paroles sublimes de pardon, son âme pure et sereine est montée à son vrai règne, dans l’atmosphère de la liberté et de la paix ». Ce Christ est comme une métaphore de la Vie, un appel à voir l’Espérance au-delà de toute souffrance.



Pour en savoir plus

Pendant quelques mois, nous nous arrêterons dans cette rubrique sur la richesse des œuvres de Donatello. Cet artiste (1386-1466) est considéré comme un des pères de la Renaissance florentine et un des plus grands sculpteurs de tous les temps. Sa sensibilité se concrétise dans sa capacité à insuffler une humanité et une force psychologique à ses œuvres, ce qui nous permet aujourd’hui encore d’en saisir le sens profond.

Updated on 06 Octobre 2016