Antoine revient !
Elles ne s’arrêtent donc jamais ! Comme Antoine qui se rendit au Maroc puis échoua sur les côtes de Sicile, parcourut la France et le Nord de l’Italie en prêchant, ses reliques ne cessent de parcourir la planète. Le monde entier veut approcher le Saint, le prier et recevoir ses grâces. Depuis plus de trente ans, notamment grâce au travail acharné du frère Luciano Marini, les reliques du saint thaumaturge parcourent tous les continents. Près de 800 ans après avoir sillonné les routes de France, Antoine se rend cette fois-ci en pèlerinage à Bruxelles, la capitale Belge, ainsi que dans plusieurs villes de l’Hexagone, de Cholet à Brive en passant par Paris.
Le frère Luciano Marini, alors directeur du Messager, a entamé le pèlerinage des reliques après la deuxième reconnaissance du corps du saint, qui eut lieu en janvier 1981. « En apportant les reliques dans les paroisses, explique-t-il, il ne s’agit pas d’aller parler de saint Antoine mais de laisser parler saint Antoine. C’est une expérience toujours très forte, car les gens nous racontent les miracles accomplis par saint Antoine dans leur vie et ils sont heureux de pouvoir le rencontrer et le prier directement. »
La rencontre d’un ami
Lorsqu’il était encore en vie, les gens accouraient à sa rencontre. Aussi, confie encore le frère Luciano, « la présence des reliques est ressentie comme une visite de saint Antoine et elle permet de le faire voyager comme cet ami qui se rendait auprès de ceux qui l’appelaient à leurs côtés ». Chaque déplacement des reliques est très populaire, à l’image des liens qui ont toujours existé entre saint Antoine et le peuple. Dans les paroisses, les hôpitaux ou les maisons religieuses, leur passage est l’occasion de temps forts, de démarches authentiques de foi, de gestes simples chez les plus jeunes comme les plus âgés, mais aussi de grandes conversions.
Pour autant, les reliques ne doivent pas être vues comme un talisman, comme un porte-bonheur aux pouvoirs presque magiques ! Elles sont tout simplement « un signe », explique encore le père Luciano Marini, « celui d’un ami qui meurt et dont on veut garder un souvenir », un ami qui est proche de nous et qui nous aime. Il faut donc se garder des manifestations qui porteraient à la superstition ou au fétichisme. Elles ne font que nourrir la suspicion des non-croyants et, au cours des siècles, elles ont parfois mené à des trafics de reliques ou même à la fabrication de faux. Bien sûr, la multiplication des reliques les plus diverses et quelquefois les plus incongrues – comme le lait de la Vierge ou une dent du Seigneur – ont souvent jeté le doute sur leur authenticité et le discrédit sur leur vénération.
Premiers martyrs
Si la piété populaire et la vénération des reliques ne s’éteignent pas et semblent au contraire reprendre de la force, elles ne datent pas d’hier. « Le culte des reliques, raconte ainsi le père François-Xavier Amherdt, trouve son origine dans l’attachement du peuple de Dieu aux martyrs. De même que, dans les premiers siècles, les chrétiens aimaient célébrer l’Eucharistie sur le tombeau de ceux qui avaient donné leur vie pour affirmer leur adhésion au Christ, ainsi a-t-on pris l’habitude de placer une relique du saint auquel était dédiée l’église d’abord sous l’autel, puis dans la pierre de l’autel. » Le sacrifice des chrétiens qui ont témoigné de Dieu jusqu’à verser leur sang se trouve ainsi, encore aujourd’hui dans nos églises, étroitement lié à l’unique sacrifice du Christ, par amour pour la multitude, dont la messe fait mémoire.
Au temps des premiers chrétiens, le culte des martyrs était si insupportable aux païens qu’ils s’acharnaient sur leurs corps pour être sûrs qu’il n’en restât rien. La cruauté des persécuteurs aiguisait le zèle ingénieux des chrétiens et éveillait leur dévotion pour des reliques de plus en plus minimes. Pour s’en convaincre, il suffit de lire les actes du martyre de saint Polycarpe, brûlé vif à Smyrne au milieu du IIe siècle : « Le centurion fit brûler le corps de Polycarpe. Ainsi nous ensuite, ramassant les ossements plus précieux que les gemmes de grand prix et plus épurés que l’or, nous les avons déposés en un lieu convenable. Là même, autant que possible, nous nous réunissons dans l’allégresse et la joie en mémoire de ceux qui sont déjà sortis du combat, et pour exercer et préparer ceux qu’attend le martyre. »
L’exemple de ceux qui nous ont précédés dans la foi est aussi un réconfort et un encouragement. C’est ainsi que, par le passé, des reliques étaient portées en procession dans nos villes lors de certains événements menaçants, comme les épidémies, des famines ou des sièges.
Aujourd’hui encore, le culte des reliques ne s’éteint pas. Lors de canonisations, à Rome, le pape vénère toujours une relique du nouveau saint. Et le pape François n’a pas hésité à ouvrir le Synode des évêques sur la famille, l’an passé, en vénérant les restes mortels de Louis Martin et Zélie Guérin, les parents de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, très bientôt proclamés saints. Alors que nombre de nos contemporains s’arrachent aux enchères des objets ayant appartenus à des artistes célèbres, les chrétiens sont bien inspirés de vénérer ceux qui les ont précédés dans une foi exemplaire. Mieux vaut en effet un juste culte des saints qui nous pousse à les imiter et à adorer Dieu que le succédané mercantile et idolâtre que le monde tend à
lui substituer.
Hors de la Liturgie sacramentelle et des sacramentaux, la catéchèse doit tenir compte des formes de la piété des fidèles et de la religiosité populaire. Le sens religieux du peuple chrétien a, de tout temps, trouvé son expression dans des formes variées de piété qui entourent la vie sacramentelle de l’Église, tels que la vénération des reliques, les visites aux sanctuaires, les pèlerinages, les processions, le chemin de croix, les danses religieuses, le rosaire, les médailles, etc. (…) Un discernement pastoral est nécessaire pour soutenir et appuyer la religiosité populaire et, le cas échéant, pour purifier et rectifier le sens religieux qui sous-tend ces dévotions et pour les faire progresser dans la connaissance du Mystère au Christ.
Catéchisme de l’Église catholique, articles 1674 et 1676