Accepter la vocation consacrée de son enfant
Pour des parents, il peut parfois être délicat d’accepter la vocation consacrée de son enfant. Chargés de l’éducation de leurs enfants, les parents décident pour eux dans un premier temps, avant de les laisser choisir eux-mêmes lorsque ces derniers atteignent l’âge adulte. « Plus facile à dire qu’à faire », rétorqueront certains.
Qu’est-ce que la vocation ? Dans le langage courant, elle évoque une attirance, un goût particulier pour un métier. Dans le langage chrétien, elle a un sens différent : elle désigne l’appel à la sainteté lancé à tous, mais aussi l’appel de Dieu à chacun en vue d’une mission particulière.
Déjà dans l’Ancien Testament, l’appel de Dieu résonne dans les cœurs d’Abraham, Moïse, Isaïe ou encore Jérémie. Ce dernier objecte même qu’il n’a pas le « savoir-faire » requis pour être un prophète, il se sent incompétent. La vocation est exigeante, elle fait de l’appelé un étranger parmi les siens (Jr 12, 6).
« C’est pourquoi l’homme quitte son père et sa mère » (Gn 2, 24). Cette parole du livre de la Genèse peut s’appliquer aussi bien au mariage qu’à la vie consacrée. Mais « quitter » n’est pas « abandonner », c’est plutôt trouver un juste équilibre. Les enfants doivent aimer et honorer leurs parents — c’est un des Dix commandements — tout en devenant indépendants. De leur côté, les parents doivent avoir conscience que leurs enfants ne leur appartiennent pas.
La vocation n’est pas toujours facile à accepter pour l’entourage de celui qui ressent cet appel, à commencer par les parents. Surtout lorsqu’elle est inhabituelle ou inattendue : une entrée au couvent, au séminaire, dans un ordre religieux. Que la famille baigne dans la foi ou non, Dieu appelle qui Il souhaite. Presque toujours, la vocation est une surprise. « Je voyais que mon fils avait une belle vie de prière, mais je ne m’attendais pas forcément à son entrée au séminaire », se souvient Mireille, mère d’un prêtre diocésain. Même étonnement chez le père de Joseph, entré dans une congrégation missionnaire : « Quand il nous a annoncé son entrée au séminaire, je n’y croyais pas ».
Vie de famille et carrière professionnelle
Petits-enfants, moments en famille ou encore vacances ensemble, autant de souhaits qui peuvent être remis en cause par une vocation consacrée. Si la vocation est personnelle, elle implique et s’étend à toute la famille. Et la vocation peut également être source de grâces pour les parents. « Je m’estime chanceuse car j’habite non loin de la paroisse de mon fils, se réjouit Mireille. Je participe presque toutes les semaines à sa messe dominicale et nous passons régulièrement un moment en famille. » Cette mère se dit d’ailleurs « très heureuse » de la vocation de son fils. Pour les parents de Joseph, missionnaire à l’autre bout du monde, la séparation est « dure », d’autant qu’ils ne retrouvent leur fils « qu’une fois tous les trois ans ».
Quant aux projets professionnels, ils sont bien évidemment mis de côté. Une carrière qui est laissée, des études qui s’interrompent, du gâchis pour certains, un abandon à la volonté de Dieu pour d’autres. « Si papa se réjouissait de mon entrée au séminaire, maman également mais avec une pointe d’inquiétude à cause des épreuves de la vie sacerdotale, notamment car j’ai laissé mes études inachevées », explique par exemple le père Jean-Vivien, de Bordeaux.
Il en va de même pour le papa de Joseph : « Il avait embrassé une carrière passionnante, valorisante, aventureuse : il était officier de marine, je le voyais déjà grimper les grades successifs et faire une trajectoire brillante. Mais le Seigneur en a décidé autrement ». Quant aux parents de Benoît, rentré chez les Jésuites en interrompant ses études, ils avouent avoir été « un peu inquiets » et avoir ressenti des « angoisses ».
Parents de bienheureux ou saints
Ces craintes parentales ne sont pas nouvelles. Nombreux sont les saints pour qui la vocation n’a pas été acceptée initialement par leurs parents. Sainte Élisabeth de la Trinité (1880-1906), canonisée le 16 octobre 2016, n’a pu entrer au Carmel qu’à l’âge de 21 ans. Sa mère s’était tout d’abord opposée à sa vocation. Ce n’est qu’en visitant un Carmel qu’elle est touchée par la joie d’une religieuse et accepte finalement la vocation de sa fille. À condition qu’elle attende sa majorité pour rejoindre les sœurs.
C’est également le cas du bienheureux Pier Giorgio Frassati (1901-1925) dont les parents avait préparé un avenir tout tracé : succéder à son père à la tête de La Stampa, un important quotidien italien (cf. Messager d’octobre 2018). Mais Pier Giorgio préfère renoncer à cet avenir honorable pour s’occuper des pauvres, avant d’être prématurément rappelé à Dieu.
Des exemples qui peuvent donc accompagner les parents d’aujourd’hui. Après la prudence maternelle initiale, « mes parents sont heureux de mon choix et sont de grands soutiens pour m’encourager à persévérer dans ma vocation », reconnaît le père Jean-Vivien. « Pour nous, ses parents, c’est une joie, une fierté, et un vrai turbo pour notre propre vie de foi », ajoute le père de Joseph, le prêtre missionnaire. « Je me sens protégé par le Seigneur », conclut quant à lui le papa de Benoît.