1867 : quand l’univers s’expose à Paris
Le 22 novembre 2016, le président de la République François Hollande a signé une lettre pour le Bureau International des Expositions par laquelle il déclare la France candidate à l’Exposition universelle de 2025 (la dernière remonte à 1937). C’est l’occasion de nous remémorer l’une des nombreuses expositions de ce genre qui se sont tenues à Paris, celle de 1867. Inaugurée le 1er avril 1867 par l’empereur Napoléon III et l’impératrice Eugénie, c’était la quatrième après celles de Londres en 1851 et 1862, et de Paris en 1855.
La période s’y prête. C’est la fin des grands travaux de Haussmann, Paris compte désormais vingt arrondissements et le Second Empire à son apogée veut exposer les bienfaits du libre-échange. Une commission spéciale composée de personnalités économiques et politiques de premier plan avait été réunie, présidée par le prince Napoléon (cousin de l’Empereur) et l’ingénieur des Mines Frédéric Le Play dont les écrits devaient influencer les théoriciens du catholicisme social.
Pour éviter les erreurs de 1855 (palais trop petit, accessibilité difficile), il est décidé de l’installer sur le Champ-de-Mars, un terrain militaire qui comptait à l’époque 42 hectares (contre 24 aujourd’hui). Le cœur de l’exposition va être un immense palais omnibus de forme elliptique, de 380 mètres par 495, d’une surface de 15 hectares, d’un seul niveau constitué de cinq galeries concentriques avec une galerie de promenade sur le toit (accessible par un ascenseur hydraulique). Sa forme n’est pas sans rappeler celle du Stade de France et constitue une prouesse technique : il aura fallu 6 millions de rivets pour tenir les 135 000 tonnes de l’édifice. L’architecture est entièrement métallique avec un recours à des matériaux neufs comme le béton. Le jeune Gustave Eiffel se voit confier l’édification de la Galerie des Machines, la tour Eiffel ne voyant le jour que pour l’exposition de 1889.
La prise en compte de la question sociale
Tout autour de ce palais sont édifiés de nombreux pavillons de différents pays, notamment la Russie, invitée d’honneur, avec les isbas du village russe ou encore le pavillon du Mexique sous la forme du temple de Xochimilco ou les pavillons islamiques qui éblouissent par leurs polychromies or et bleu. On trouve dans le parc de nombreux restaurants qui proposent des spécialités étrangères, des crèches, des salles de repos et des fauteuils roulants mis à disposition.
L’exposition décline trois thématiques : la libéralisation des échanges ; la réforme de l’enseignement professionnel et technique pour répondre aux exigences de la mécanisation ; la défense de la supériorité française en matière d’arts décoratifs et d’esthétique industrielle.
La France veut affirmer qu’elle est rentrée dans la civilisation industrielle. Sa sidérurgie et ses constructions mécaniques sont mises à l’honneur, même si en matière de chimie elle est en retrait sur l’Angleterre et la Prusse. Le public découvre ce qu’on peut obtenir à partir de l’acier fondu selon le procédé Bessemer ou de l’industrie des couleurs artificielles, ainsi que l’expansion de la mécanisation dans toutes les branches industrielles, gagnant de nouveaux secteurs tels que la boulangerie ou la carrosserie. C’est aussi l’occasion pour la Prusse, le Japon et les États-Unis d’afficher leur puissance toute récente.
La principale nouveauté de cette exposition fut de comporter un important volet social. On y expose des objets à bon marché et des habitations ouvrières. Elle reprend aussi une idée ébauchée en 1862 de constituer une commission d’ouvriers chargés de visiter l’Exposition, et de rédiger des rapports indiquant les revendications de la classe ouvrière. Mais les solutions qui y sont proposées tiennent du paternalisme alors que les principales revendications portent sur l’augmentation des salaires et le droit de réunion qui sera obtenu en 1868, Napoléon III y étant favorable.
Paris n’est plus qu’une guinguette
Avec 42 pays présents, l’exposition se veut universelle à tous les sens du terme et va attirer en six mois, plus de sept millions de visiteurs, malgré un démarrage difficile dû aux intempéries. Elle connaîtra de fait un bilan financier bénéficiaire. Ce fut aussi un déferlement de têtes couronnées : Louis II de Bavière, Bismarck et Guillaume 1er de Prusse, le roi et la reine des Belges, le tsar Alexandre II, le sultan Abdulaziz, le prince de Galles (futur Édouard VII), etc.
Paris devient alors une fête permanente. L’Empire tient à afficher son rayonnement culturel dans le faste. Juliette Adam, qui tient un salon littéraire, écrit : « Les fêtes succèdent aux fêtes, les galas aux galas ! Le théâtre, les courses, les cabarets ne désemplissent pas. Les glaciers aussi sont combles le soir, surtout le Café napolitain et Imoda ». Ludovic Halévy dira : « Paris n’est plus qu’une guinguette ! ».
Malgré cela, le bilan en sera maigre. Le lustre de la vie parisienne ne donnera pas au régime de nouveaux appuis intérieurs et extérieurs, et ne saura empêcher la terrible guerre de 1870 qui commence à se profiler.