L’amour de la vie éclate, en effet, à chaque page de ses écrits et à chaque étape de sa vie abondamment remplie. Et ses miracles, tant célébrés par l’art et l’iconographie, que sont-ils sinon des dons offerts à des vies blessées par la souffrance ou ployées sous le désespoir ? De la vie d’un homme, Antoine chante le jaillissement, la gestation, la naissance, pour les appliquer, selon sa coutume, à la vie spirituelle : « Puisque le Seigneur nous a proposé lui-même la comparaison de la femme qui enfante dans la douleur, pour nous apprendre à regretter le péché et à enfanter de bonnes œuvres, voyons comment l’homme est formé dans le sein de la mère, porté pendant neuf mois, enfanté dans la douleur. » Du corps humain, il souligne encore la source de vie, le sang ; les membres vitaux : le cœur, siège des sentiments ; la langue, instrument de la parole ; la main, d’où découle toute action : « Si nous avons nié le Christ par ces trois membres, dit-il, confessons notre fidélité en disant comme Pierre par trois fois : Je t’aime, je t’aime, je t’aime. » Réaliste, saint Antoine, souligne aussi la condition d’exil, le caractère passager de la vie présente : elle est une vapeur vite dissipée, une ombre qui s’évanouit, un vent qui passe et ne revient pas, un pont que l’on traverse sans possibilité de retour… « Une petite blessure, la plus petite fièvre suffisent à la détruire. » Et que dire de nos limites : en entrant dans la vie, nous ne rencontrons que misères ; en sortant, des vanités à fuir ! Mais la perspective d’Antoine ne butte pas sur un horizon fermé : elle s’ouvre sur une vie sans fin dont la source est Dieu et l’âme, l’amour : « Par l’amour, l’homme s’élève de terre pour s’orienter à la fois vers Dieu pour le contempler, et vers les hommes pour les conseiller et les aider dans leurs nécessités. » Et Jésus Christ en est la force et la mesure. « Viens, s’écrie Antoine, impose-nous ta main, comme tu as fait pour la fille du chef de la synagogue, car où il y a ta main, il y a la vie. » Que cette main, que notre main, soient, elles aussi, sur les vies les plus faibles, les plus méprisées, les plus handicapées et les plus à risques de notre temps. |