Foi et Lumière

Interview de Marie-Hélène Mathieu

Foi et Lumière : 1400 communautés dans plus de 75 pays, pour accompagner, soutenir, animer spirituellement les personnes handicapées, leurs familles et leurs amis. Elles sont nées, en 1971, de la rencontre de parents avec Marie-Hélène Mathieu, fondatrice de l'Office Chrétien des Personnes Handicapées, et de Jean Vanier, fondateur des communautés de l'Arche.

Le Messager: Marie-Hélène Mathieu, pouvez-vous nous dire comment tout a commencé ?
Marie-Hélène Mathieu. Tout a commencé par un appel de parents, celui de Gérard et de Camille. On avait refusé de les inscrire au pèlerinage diocésain de Lourdes avec leurs enfants handicapés très profonds. Partis tous les quatre ensemble dans la ville de Lourdes, ils se sont sentis rejetés. Il faut dire que bien souvent à l'époque, les personnes handicapées et leurs familles ne trouvaient pas leur place dans la paroisse, dans l'Eglise. Leur souffrance nous a profondément émus.
Pourquoi, nous sommes-nous dits, ne pas imaginer un pèlerinage pour des enfants, adolescents, adultes ayant un handicap mental et leurs parents ? La démarche serait préparée en petites communautés. On y inviterait aussi des jeunes amis pour que les parents ne se retrouvent pas tout seuls avec leur enfant. Ceci se passait en 1968.
Trois ans plus tard, à Pâques 1971, nous étions 12 000 sur l’esplanade du Rosaire ; 4 000 d’entre nous avaient un handicap mental. Nous venions de 15 pays. Nous avons vécu trois jours de paix et de joie indicibles. Comment, avec tant de souffrance, tant de blessures, pouvait-il surgir une telle espérance ? Cela fut le miracle de Lourdes. Au moment de repartir, les trois cents responsables des communautés disaient : « Ce n'est pas possible que tout soit fini.»
Dans les communautés, autour de la personne faible, des amitiés étaient nées, s’étaient approfondies. On découvrait combien la personne pauvre, handicapée dans ses capacités intellectuelles, ne l'était pas dans son cœur. La seule chose qu'elle demandait, c’était d’aimer et d’être aimée.
Jean Vanier, alors, a suggéré: «Continuez de vous réunir en petites communautés, suscitez des fêtes, des pèlerinages... Faites tout ce que l'Esprit Saint vous inspirera» Ainsi est né le mouvement Foi et Lumière et toutes ses communautés. Aujourd'hui, 1400 communautés grandissent dans soixante-quinze pays des cinq continents.

– Comment expliquez-vous la croissance si rapide de Foi et Lumière ? Quels sont les motifs qui ont pu permettre une telle adhésion ?
– sont les motifs qui ont pu permettre une telle adhésion ?
– C'est, me semble-t-il, parce que Foi et Lumière correspond à un appel très profond des cœurs. Celui des parents, si douloureux à la naissance d'un enfant handicapé. Ils ont besoin d'une aide pour retrouver l'espérance, pour découvrir que leur petit enfant n'est pas d'abord quelqu'un de limité, un fardeau trop lourd, mais un trésor qui leur est confié.
La personne qui a un handicap, de son côté, a soif d’une relation. Elle ne demande pas de l'argent, du pouvoir. Elle demande l'amitié dans la fidélité. Quant aux amis, jeunes et moins jeunes, ils peuvent se laisser toucher par elle et découvrir la beauté cachée dans le cœur du faible, se laisser transformer par elle.

– Qu'est-ce donc qu'une communauté Foi et Lumière ?
– Quelques personnes qui ont un handicap mental, leurs familles et des amis, surtout des jeunes, se retrouvent régulièrement au moins une fois chaque mois à vingt, trente... Nous partageons joies et peines, soucis et espérance. Nous écoutons la parole de Dieu. Nous avons un temps de fête, des chants, des danses, un petit goûter... Toute la rencontre est comme la célébration d'une alliance. à laquelle Jésus nous appelle. C'est bien Lui qui nous unit dans nos immenses différences de niveau intellectuel, de milieu, d’âge, de traditions chrétiennes. Le mouvement est œcuménique, avec une majorité de communautés catholiques, mais aussi des communautés anglicanes, protestantes, orthodoxes.

– Comment le mouvement est-il structuré ? Quels sont ses liens avec I'Eglise ?
– Au début, nous n’étions qu'un petit nombre de pays, c'était facile. Avec le développement des communautés dans le monde entier (le mouvement international ne vit que par des bénévoles ; seules trois personnes sont salariées), nous avons créé une structure légère pour que chaque responsable soit soutenu et formé, pour garder un lien réel avec toutes les communautés du monde et pour constituer ensemble une grande famille. Nous avons écrit une Charte, qui présente l'inspiration du mouvement, une Constitution, qui dit notre organisation. Chaque année, par un carnet de route basé sur I'Evangile, toutes les communautés, de Taïwan à Rio de Janeiro, de Copenhague au Cap, connaissent chaque mois le même rythme de cœur, de prière, de réflexion.

– Si j'ai bien compris, Foi et Lumière n'est pas un institut médico-pédagogique, ni un centre d'accueil.
– un centre d'accueil.
– Non, rien de tout cela en effet. Foi et Lumière, de même que l'Office Chrétien des Personnes Handicapées, ne prend pas directement en charge l'enfant handicapé. A Foi et Lumière, la personne handicapée est au cœur de toutes les activités. Il n'y a pas d'un côté les éducateurs et de l'autre les enfants handicapés, mais une famille et des amis qui prennent un repas ensemble, goûtent ensemble, se rendent en pèlerinage ensemble... A partir de là, toutes sortes d'activités peuvent surgir. Ainsi, au Liban, bien des foyers, des ateliers ont vu le jour à partir de Foi et Lumière. Au Rwanda, pendant la guerre, des Hutu et des Tutsì se retrouvaient dans leur communauté Foi et Lumière comme dans une famille. Ce qui nous unit, c'est l'enfant handicapé.

– Avez-vous de grands projets ?
– L'année 2001 marquera le trentième anniversaire de Foi et Lumière. Pour célébrer cet événement, des membres de toutes les communautés présentes dans les cinq continents sont invités à participer à Pâques au pèlerinage international à Lourdes ou à vivre un pèlerinage dans leur pays, leur région ou leur ville durant l’année 2001. Le pèlerinage à Lourdes aura lieu du Jeudi Saint au Lundi de Pâques 2001.
Etant donné le manque de moyens matériels et financiers à Foi et Lumière, entreprendre un tel pèlerinage peut paraître une folie. Pourtant, en 1971, c'est l'audace de se lancer contre vents et marées, dans l'aventure du premier pèlerinage à Lourdes, qui a permis l'existence de Foi et Lumière. Depuis lors, un pèlerinage international a eu lieu à Rome en 1975, puis de nouveau à Lourdes en 1981 et 1991. Chaque fois, les difficultés ont pu être surmontées et la grâce a surabondé. Un pèlerinage est avant tout un événement spirituel qui demande d'abord que nous ayons soif pour nous et pour d'autres. Mais c'est aussi une démarche qui implique une grande solidarité. Pour que les familles venant de pays en grandes difficultés puissent nous rejoindre à Lourdes, nous avons besoin de la générosité de beaucoup. Tous les dons, petits ou grands, seront précieux.
En 2001, une place privilégiée sera donnée aux jeunes parents et à leur enfant handicapé. Beaucoup ont subi de graves pressions pour supprimer leur enfant avant et parfois même après sa naissance. Leur décision de respecter sa vie est un signe et un appel pour tous ceux qui connaissent une telle épreuve. Un pèlerinage peut être aussi un temps de guérison et de réconciliation pour ceux qui ont cru ne pas pouvoir accueillir leur enfant.
Nous invitons aussi tout particulièrement de nouveaux jeunes amis, car l'avenir de la personne handicapée dépend profondément de leur engagement et des liens tissés ensemble.

– Foi et Lumière réalise une grande mission. Mais n'est-ce pas une goutte dans un océan d'appels, de besoins, de drames ?
Foi et Lumière Foi et Lumière est très petit. Mais si Dieu le veut, de nombreuses communautés surgiront, pourquoi pas, auprès de chaque paroisse. Et puis, nous ne sommes pas seuls. Tant d'éducateurs, de médecins, de catéchistes, d'associations très diverses sont engagés pour que la personne ayant un handicap puisse aimer et être aimée, donner ce quelle est et ce qu'elle a... L’Ecriture nous dit : « Le bras de Dieu n'est pas raccourci ». Nous le croyons. Souvent nous le voyons.

Propos recueillis par
Valentin Strappazzon

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