Pierre et Paul, une empreinte indélébile sur Rome
Dans l’iconographie ou l’architecture, les deux saints bien souvent ne vont pas l’un sans l’autre. Chef de l’Église, Pierre est souvent représenté aux côtés du Christ mais est parfois substitué par Paul. Et cela à Rome mais aussi ailleurs. Dans un article publié par La Revue des Deux Mondes, Émile Mâle (1862-1954), spécialiste de l’art chrétien médiéval, souligne que sur la façade de la cathédrale d’Amiens, la statue de saint Paul est ainsi représentée à la droite de celle du Christ.
L’historien précise que les Pères de l’Église rappelaient que Paul appartenait à la tribu des « Benjamin » qui signifie « fils de la droite ». Un nom prophétique selon lui car Paul est celui qui a fait passer les Gentils à la droite de Dieu. Au Moyen Âge, une bulle pontificale représentant saint Paul à droite et saint Pierre à gauche de la croix viendra affirmer cette continuité.
Rome, ville du martyre commun
Pour évoquer la proximité de Pierre et Paul à Rome, il faut passer par Clément. À la fin du premier siècle, celui qui fut évêque de la ville et troisième successeur de Pierre dans l’histoire écrivit une lettre aux chrétiens de Corinthe, afin de les conforter dans leur foi. Selon les historiens du christianisme, cette lettre, rédigée vers 95, est le premier texte mentionnant le martyre des deux apôtres dans la ville de Rome.
La trace de Pierre et Paul dans la ville éternelle ne se retrouve pas qu’exclusivement dans les constructions religieuses mais se lit également à travers des lieux profanes. On pourrait citer la prison Mamertine, qui est située au pied du Capitole, devant l’arc de Septime Sévère. C’est là que les deux saints demeurèrent avant leur supplice respectif. Ils y convertirent leurs gardiens et y firent jaillir une source par laquelle ils les baptisèrent. Derrière une grille, figure l’empreinte de la tête de saint Pierre qui heurta le rocher et que certains considèrent comme « un suaire de pierre ».
Les fondateurs d’une « nouvelle Rome »
Dans la campagne qui jouxte la Via Appia au sud de Rome, fut élevée au troisième siècle « la mémoire des saints Pierre et Paul ». C’est ici en effet que le pape saint Damase fit graver une plaque au-dessus de la catacombe qui s’y trouvait et qui abritait les corps des deux apôtres. En 258, au moment des persécutions de l’empereur Valérien, les reliques y seront déplacées pour retrouver leur tombeau d’origine, sur la colline du Vatican et le long de la Via Ostiense.
Malgré cette séparation physique des sépultures, Pierre et Paul restent indéfectiblement liés, comme en témoignent les nombreux graffitis du troisième siècle qui évoquent les deux saints. Ces inscriptions relataient notamment les banquets funéraires qui étaient organisés en l’honneur des apôtres. Au-dessus de ces vestiges qui témoignent de la profonde piété des premiers chrétiens envers les deux apôtres, se situe aujourd’hui la basilique Saint-Sébastien-hors-les-Murs. Sébastien est d’ailleurs le troisième saint patron de Rome, après Pierre et Paul.
Dans un de ses sermons, le pape Léon le Grand, qui vécut au cinquième siècle, décrit Pierre et Paul comme les « jumeaux » fondateurs d’une nouvelle Rome, la Rome chrétienne qui succède à la Rome des païens dont la fondation est racontée à travers le récit de deux frères élevés par une louve.
Une continuité historique dans les représentations
La représentation des deux saints est parfois émouvante comme ces visages barbus gravés dans le marbre de la sépulture de l’enfant Asellus retrouvée sur la via Tiburtina et qui est désormais conservée aux Musées du Vatican. Mort avant l’âge de sept ans, Asellus était ainsi confié dans l’au-delà à la protection des deux saints patrons de l’Église romaine.
À l’entrée de la basilique Saint-Pierre, au pied des marches qui mènent les pèlerins à l’intérieur de la plus grande église du monde, le pape Pie IX a fait placer de part et d’autre les statues des Pierre et Paul, au XIXe siècle. Le premier y est représenté avec les clés du Paradis, selon le récit de saint Matthieu, et Paul avec le glaive, symbole de la puissance de la Parole de Dieu. Les deux statues monumentales invitent les fidèles à monter vers le sanctuaire.
En choisissant cet emplacement, Pie IX ne fit que prolonger une tradition puisque les statues des deux saints étaient déjà disposées de la même manière devant la première basilique de Constantin, lorsqu’elle fut élevée au quatrième siècle.
Cette continuité architecturale et cette piété envers ces « deux colonnes de l’Église », comme expliquait Benoît XVI, a marqué la Ville éternelle à travers les époques. En effet, même l’église Saint-Pierre-et-Saint-Paul du quartier Eur, dans le sud de Rome, a repris cette disposition : construit de 1939 à 1941 en pleine période fasciste, l’édifice domine le quartier du haut de sa colline et les deux saints de marbre blanc encadrent les marches qui montent jusqu’au bâtiment.